Un salarié d’une entreprise adaptée se voit légitimement refuser par sa caisse de MSA l’indemnisation des prolongations d’un arrêt de travail établies par un médecin autre que le prescripteur de l’arrêt initial. L’application stricte de l’article L.162-4-4 du code de la Sécurité sociale entraîne de fait une suppression des indemnités journalières maladie. De même, c’est aussi à bon droit qu’une « exploitante agricole-boulangère » s’est vue refuser l’indemnisation d’une demande d’allocation de remplacement pendant son congé de maternité parce qu’elle a pris contact directement avec son remplaçant. Or, pour bénéficier de cette allocation prévue aux articles L. 732-10 et R. 732-17 du code rural, il faut faire appel à un groupement dont la mission principale consiste à mettre un salarié à la disposition des exploitants agricoles.

Deux points communs entre ces deux cas traités par le médiateur de la MSA en 2017 et qui ont abouti finalement à une conclusion en faveur de l’assuré : une décision de la commission de recours amiable (CRA) d’une MSA, condition préalable à la saisine formelle du médiateur, et la bonne foi du demandeur. À l’inverse des autres instances, le médiateur peut en effet se prononcer en équité et prendre en compte des situations particulières vécues par les assurés et les conséquences parfois lourdes qu’une application stricte du droit pourrait entraîner sur leur vie.

« Avec cette loi, on se sent reconnu et mieux armé pour régler les litiges »

Il aura pourtant fallu attendre 17 ans pour que l’article L. 723-34-1 (nouveau) du code rural – issu de la loi « Pour un État au service d’une société de confiance » qui vient d’être votée par le Parlement – inscrive enfin dans la loi un dispositif qui fait la preuve de son efficacité depuis 2000 dans le régime agricole. Une reconnaissance par le législateur qui conforte des choix audacieux faits à l’époque. La MSA a en effet été le premier régime de protection sociale à avoir mis en place son propre système de médiation pour ses ressortissants.

En précurseur, elle souhaitait améliorer la qualité du service rendu et garantir la plus grande équité possible dans le règlement de leurs réclamations. « Le médiateur est nommé pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois, par le conseil d’administration de la CCMSA, énonce le nouvel article. Il est chargé de rendre un avis sur les réclamations de tout assuré dont le recours aura été rejeté par l’organisme de mutualité sociale agricole auquel il est affilié. Il lui revient également de proposer des modifications de la réglementation et de présenter un rapport annuel au conseil d’administration de la CCMSA, transmis au Défenseur des droits. »

Gage d’indépendance, Roland Baud, comme ses prédécesseurs, n’a jamais été employé par l’Institution et n’est pas salarié de la CCMSA. Fin connaisseur du monde agricole, il a construit toute sa carrière au service du monde rural et des agriculteurs avant d’être nommé médiateur de la MSA le 1er janvier 2016. « Avec cette loi, qui donne un statut légal à la médiation, on se sent reconnu et mieux armé pour régler les litiges », résume l’ingénieur agronome de formation.

Plus globalement, la loi nouvelle donne un rôle central aux procédures de médiation dans l’ensemble du secteur de la sécurité sociale. Cela se traduit non seulement par la reconnaissance du rôle du médiateur de la MSA mais aussi de la Cnaf et de la Cnav, ainsi que d’un médiateur à la Cnam. À la différence du régime général, il n’y a qu’un seul médiateur à l’échelon national pour la MSA, qui intervient après décision de la commission de recours amiable (CRA) de la caisse concernée.

Dans le même temps, la loi pour la justice du XXIe siècle, adoptée sous le précédent gouvernement, conduit à encourager fortement les tentatives de conciliation avant les procès. Désormais, les juges peuvent l’exiger avant d’examiner une affaire. En matière civile, c’est même obligatoire pour les contentieux relevant du tribunal d’instance, lorsque le montant du litige est inférieur à 4 000 euros. Pour les contentieux relevant du tribunal administratif, une expérimentation est engagée depuis ce printemps pour une médiation préalable obligatoire, notamment pour des litiges en matière d’emploi, de RSA ou d’APL : six caisses de MSA sont concernées par ce test en situation réelle qui va durer deux ans.

À noter enfin que ce même texte prévoit la suppression du tribunal des affaires de la sécurité sociale par rattachement au TGI à partir du 1er janvier 2019. « Avec des dispositions hétéroclites et pas forcément de reconnaissance par les tutelles, le secteur de la protection sociale était jusqu’à présent resté en grande partie en marge de ce mouvement de fond qui touche toute la société, constate Roland Baud. En matière fiscale, Bercy a par exemple fait sa révolution culturelle beaucoup plus tôt pour régler les litiges par voie amiable. »

Mais la MSA n’a pas attendu cette réforme venue du haut pour entamer sa mue. La nouvelle charte du médiateur, approuvée par le conseil d’administration de la CCMSA le 16 mai 2018, résulte de travaux engagés depuis plus d’un an et d’une enquête lancée sur le terrain à la fin de l’année 2016 pour faire le bilan de 17 années de fonctionnement de la médiation MSA. Elle a déjà des conséquences concrètes pour tout le réseau. Principales innovations : le règlement amiable des litiges deviendra une procédure normée (formalisme de gestion des dossiers, respect des délais). Le médiateur s’engage à traiter en moins de deux mois les dossiers dont il est saisi ; en retour, les caisses s’engagent à répondre dans un délai d’un mois maximum aux demandes de complément d’informations de la médiation. Cela conduira à rechercher plus systématiquement un juste équilibre — y compris dans les CRA — dans l’examen des dossiers entre droit et équité.

Le médiateur est désormais habilité à accompagner les assurés dans leurs démarches en cas de difficultés de gestion de leur dossier. L’adhésion de chaque caisse à cette charte vaudra accord de principe pour en appliquer les règles à chaque nouveau litige et pour s’inscrire dans toute procédure de médiation jugée recevable par le médiateur. « J’ai la conviction, assure Roland Baud, que ce travail, qui conforte le positionnement spécifique du réseau MSA, renforce l’attention portée à la qualité de service et à l’écoute des assurés. »