Une manette dans chaque main et des lunettes façon Guerre des étoiles posées sur le nez, une jeune femme semble se battre contre un ennemi imaginaire. Au-dessus d’elle, le panneau du stand de la MSA indique : « Salle de traite virtuelle ».
On comprend vite, grâce à l’écran géant installé tout près d’elle qui retransmet la scène en temps réel, que l’ennemi en question est constitué de mignonnes vaches aux grands yeux plein d’amour et aux beaux pis tout roses qu’elle tente de traire. Elle vient de rater le pis. Les laitières, tout aussi jolies qu’elles soient, réagissent aussitôt en distribuant des coups de sabots. Pas refroidie par la pluie de chocs virtuels, la jeune femme retente la manoeuvre. Son entêtement et les conseils de Romain, Philippe et Alain, les préventeurs de la MSA, finissent par payer.
La scène titille la curiosité de Philippe, 52 ans, visiteur du salon Tech‘Élevage. Il dirige l’une des 4 6791 exploitations laitières de la Loire-Atlantique – Vendée. Heureux propriétaire de 90 vaches croisées Brunes et Montbéliardes, il s’interroge justement sur la meilleure façon de faire évoluer sa salle de traite un peu vieillotte. « Elle date de 1986. Je veux passer au lait bio et en profiter pour la moderniser. » Quelques minutes plus tard, c’est lui qui, bien que professionnel aguerri, est immergé dans le dernier petit bijou de technologie mis au point par le Technocampus Smart Factory de Saint-Nazaire.
Une traite de A à Z
Ce bouillon de culture digitale est un centre industriel de réalité virtuelle à la pointe de l’innovation. Via des technologies ultra-immersives et des services adaptés, la plateforme permet de concevoir l’aménagement d’ateliers, la mise au point de nouveaux procédés industriels ou, comme ici, d’étudier l’ergonomie des postes de travail d’une salle de traite. « Vous allez pouvoir faire une traite de A à Z, s’enthousiasme Sophie Sagot-Duvauroux, la directrice du Technocampus Smart Factory. Changer la disposition des vaches, faire varier la luminosité ou encore la hauteur du quai de traite pour trouver la meilleure position de travail, cela permet, à coût limité, de tester en amont certains dispositifs, voire l’aménagement complet d’une salle de traite, afin d’obtenir un cycle de travail optimum. »
La structure qu’elle dirige, qui dépend de la région Pays de la Loire, est destinée à démocratiser la réalité virtuelle. Le technocampus met ses ingénieurs et ses technologies au service d’industriels aussi prestigieux qu’Airbus, les chantiers navals de Saint-Nazaire et aujourd’hui la MSA.
« Nous travaillons sur la construction de navires, d’avions et d’éoliennes offshore », poursuit Sophie Sagot-Duvauroux. « Si on vend autant de paquebots en France, c’est grâce au Technocampus de Saint-Nazaire », lâchera un jour Laurent Castaing, le patron de STX-France, à l’occasion de la livraison d’un super-paquebot, la spécialité du chantier. Permettre au client de découvrir l’aménagement intérieur de son navire en réalité virtuelle avant qu’il ne soit construit peut, on l’imagine, aider à débloquer un acte d’achat de plusieurs centaines de millions d’euros. La démonstration vaut aussi pour une simple salle de traite.
« T’as pris un coup de sabot toi aussi ? »
Mathilde, 19 ans, sort de son expérience de réalité virtuelle un peu secouée. « T’as pris un coup de sabot toi aussi ? », demande-telle à sa copine Inès qui avait chaussé les lunettes de réalité virtuelle juste avant elle. « Oui, celle de droite n’est pas commode. »
« C’est un outil qui nous sert à interpeller les visiteurs sur l’importance du confort en salle de traite, explique Philippe Hubert, préventeur à la MSA Loire-Atlantique – Vendée. Grâce à la réalité virtuelle, le visiteur peut se rendre compte concrètement des difficultés engendrées par un espace de travail mal aménagé ou pas adapté à sa morphologie. » Les résultats de gestes répétitifs effectués dans de mauvaises postures n’ont, eux, rien de virtuel : affections du canal carpien, tendinopathies, coudes en vrac, lombalgies… peuvent conduire à une maladie professionnelle et à l’obligation de se réinventer une carrière quand le corps finit par lâcher.
« Avec le simulateur, on retrouve bien le geste en tant que tel, estime Florence Pichon, professeur de production animale au lycée des Etablières, à La Roche-sur-Yon. Pour moi, l’objectif ici n’est pas la technique de la traite en elle-même, mais la prévention et les bonnes postures que je peux transmettre à mes élèves avec ce type d’outil. En le testant, on peut vite se rendre compte que ce n’est pas si évident de trouver la bonne distance entre le quai et les bras. Ce serait idéal pour mes bacs pro. »
Sophie Sagot-Duvauroux, de son côté, fourmille d’idées sur d’autres applications possibles de la réalité virtuelle dans le domaine de la prévention. « Avec la MSA, on pourrait imaginer travailler sur l’aménagement de zones d’activité dans les abattoirs ou encore dans la prévention des chutes de hauteur. Mais ce type d’outil permet plus globalement de débloquer l’imagination de l’utilisateur, de donner une image positive du milieu agricole et d’attirer des jeunes. »
Après une après-midi sur le stand, on confirme. Quand l’outil demande quelques minutes d’adaptation aux plus anciens, les plus jeunes retrouvent tout de suite leurs repères. De la PS4 à la salle de traite virtuelle, il n’y a qu’un pas.
(1) Chiffre 2016.