« Quand on est handicapée, la société décide à votre place que vous n’êtes pas capable, regrette Marie, étudiante en 3e année d’école d’ingénieurs à UniLaSalle. On vous rabâche à longueur de temps : ne fais pas de grandes études, tu ne vas pas y arriver. Ingénieure, c’est beaucoup trop dur, essaie plutôt autre chose. On vous met en garde. Quel recruteur acceptera les conséquences d’un tel handicap ? »
Et bien justement, la Fédération des employeurs de la Mutualité sociale agricole (FNEMSA) et l’Institut Polytechnique UniLaSalle, la grande école d’ingénieurs des sciences du vivant, ont fait le pari d’unir leurs forces pour favoriser l’accès à l’enseignement supérieur et encourager, grâce à des actions concrètes et pragmatiques, l’augmentation du niveau de qualification, l’emploi mais aussi l’épanouissement des jeunes en situation de handicap. La signature de cette convention a eu lieu le 28 février au salon de l’agriculture en présence des hauts fonctionnaires référents handicap et inclusion des ministères, et de la secrétaire générale du comité interministériel du handicap (CIH).
La MSA et UniLaSalle sont convaincues que ce n’est pas parce qu’on est en situation de handicap qu’on n’a pas le droit de viser l’excellence. Convaincues, Marie et Margaux, 22 ans toutes les deux, le sont aussi. Étudiantes en 3e année d’école d’ingénieurs en alimentation et santé sur le campus de Beauvais, elles sont les dignes représentantes de cette élite que les écoles d’ingénieurs françaises sont capables de produire et qui sont recherchées dans le monde entier. L’une est atteinte de la maladie d’Ehlers-Danlos et l’autre d’une myopathie, deux maladies invalidantes. Une fois cela énoncé, rien ou presque ne les différencie des autres élèves de l’école. Elles ont certes besoin d’un environnement adapté pour s’épanouir ou étudier et ont connu des parcours souvent plus sinueux que la moyenne, ce qui ne les empêche pas de partager avec les 3 000 autres étudiants de ce fleuron spécialisé dans les sciences de la terre des études brillantes, des ambitions identiques et les mêmes doutes sur leur avenir.
« Le handicap ne peut être un handicap », estime Pascal Cormery, le président de la CCMSA, paraphrasant Steven Hawking, le célèbre astrophysicien britannique atteint d’une sclérose latérale amyotrophique, en pointant son regard vers Marie et Margaux. « Le monde agricole a besoin de vos talents d’expertes. »
« Margaux, comme le bon vin »
« Margaux, comme le bon vin », annonce la jeune fille dans un large sourire. « L’école est au top pour l’accueil des personnes handicapées. Quand je suis arrivée à UniLaSalle, on m’a dit : “On a des solutions à te proposer.” On n’est plus les seules à croire en nous et ça fait du bien. Ils ont par exemple adapté la porte coupe-feu que j’avais un mal fou à ouvrir sur le campus de Beauvais où je vis, en y ajoutant un détecteur de présence. » La jeune femme est accompagnée au quotidien de son chien d’assistance Hélios qui l’aide à améliorer son autonomie.
« Tous les jeunes sont confrontés un jour ou l’autre à cette question de l’orientation dans un monde complexe mais qui pourtant foisonne d’opportunités. Quand on est en plus dans ma situation, on doit concilier nos envies professionnelles et tout ce que nous impose le handicap. À UniLaSalle, j’ai enfin trouvé une voie d’études qui me permet de concilier les deux. »
Dans le cadre de la convention UniLaSalle/MSA, Margaux a effectué un stage dans le service prévention santé à la MSA de Picardie. « L’équipe a été très à l’écoute et en même temps, m’a confié de vraies responsabilités. J’ai été intégrée à une action d’initiative locale qui va être lancée dans toutes les maisons familiales rurales (MFR) et les lycées agricoles pour sensibiliser les jeunes aux conduites addictives. Pour moi l’intégration est quelque chose qui se construit ensemble. On n’a pas besoin de lois compliquées difficiles à appliquer. Ce qu’il faut, ce sont des gens qui ont envie de se pencher sur le problème et qui nous disent : c’est possible, on croit en vous, et on va construire des solutions ensemble. La MSA et UniLaSalle sont plein de ces personnes-là. Je veux les remercier pour le travail qu’ils font au quotidien et qui nous permet d’être là aujourd’hui. » Son message à ceux qui n’oserait pas franchir le pas de leurs rêves scolaires ou de la voie de l’excellence à cause de leur handicap : « Toujours viser loin, accepter l’échec mais continuer à avancer. Quand des gens me disent non, ça me donne toujours envie de me dépasser, de leur montrer que je peux y arriver. »
Marie a démarré son apprentissage en octobre dernier à la direction du contrôle médical et de la prévention à la caisse centrale de la MSA à Bobigny. Elle veut se spécialiser en prévention en santé publique. « J’ai été extrêmement bien accueillie au sein de ce service. C’est la première fois dans ma vie où l’on croit en moi et en mes capacités de la même façon que si j’étais valide. On m’a confié des missions importantes, comme la rédaction d’un rapport sur les contrats locaux de santé, et j’ai collaboré à quatre émissions sur le plateau de MSA TV, la chaîne d’infos du stand de la MSA au salon international de l’agriculture. Je voudrais remercier la MSA et UniLaSalle de m’avoir permis de prouver que j’en étais capable, et en particulier Maryse Aio, la responsable de la Mission Handicap à la CCMSA, le Dr Philippe Labatut, le responsable du contrôle médical et de l’organisation des soins à la CCMSA et mon maître d’apprentissage Nicolas Demarle qui m’ont embauchée sans jamais douter de mes capacités. Je n’oublie pas Xavier Quernin, référent handicap à l’école, qui se bat pour moi depuis quatre ans. »
145 étudiants en situation de handicap
« Le handicap fait maintenant partie de la vie de notre établissement, assure Philippe Choquet, le directeur général UniLaSalle. Il fait progresser tout le monde. En dix ans, nous sommes passés d’un effectif de 5 à 145 étudiants en situation de handicap sur nos différents campus qui comptent quelque 3 000 élèves. Toute la communauté éducative est mobilisée sur ce sujet pour que l’accueil soit à la hauteur. Mais chaque handicap est différent et nous demande des investissements particuliers pour répondre à des besoins spécifiques, c’est pourquoi nous signons des conventions telle que celle-ci pour trouver les moyens de continuer à le faire. »
Afin de soutenir le projet, la FNEMSA s’engage à verser la
somme de 10 000 € chaque année à l’école.