« En France, trois femmes enceintes sur quatre exercent une activité professionnelle, explique Laurent Lampin, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA Ardèche Drôme Loire. Elles sont exposées à de nombreux facteurs de risques. Mais les professionnels de santé en charge de leur suivi — gynécologues, médecins généralistes ou sages-femmes — ne connaissent pas leur environnement de travail. Le principe de précaution est fréquemment appliqué : il se traduit par un taux d’arrêts de travail de 50 % au troisième trimestre de grossesse. Or le risque est maximal au premier trimestre, pendant la phase embryonnaire. Une visite précoce auprès du médecin du travail permettrait une réelle évaluation des risques professionnels et une adaptation éventuelle du poste de travail. »
Pas toujours évident de déclarer précocement sa grossesse à son employeur. Sur ces constats, un groupe de travail pluridisciplinaire est mis en place. Il regroupe des médecins, des préventeurs, des infirmiers et huit services de santé au travail dont celui de la MSA Ardèche Drôme Loire. Il cible trois objectifs : améliorer la coordination entre les professionnels de la périnatalité et ceux de la santé au travail ; renforcer des compétences internes aux services inter-professionnels de santé au travail concernant les effets possibles du travail sur la femme enceinte ; informer en amont les salariées en âge de procréer.
Sensibiliser aux risques
Sur ce point, un auto questionnaire à destination des femmes enceintes et des professionnels de santé est créé : conduisez-vous régulièrement plus de deux heures par jour ? Portez-vous régulièrement des charges de plus de 5 kg ou ponctuellement des charges de plus de 25 kg ? Conduisez-vous régulièrement des engins de manutention (chariots, engins travaux publics, tracteurs…) ? Êtes-vous professionnellement en contact avec des animaux ? Manipulez-vous des produits chimiques lors de votre travail, tels que : produits de nettoyage ou de coiffure, peintures, vernis, solvants, colles, pesticides, teintures… ?
Horaires et transport, contraintes physiques, métiers à risques physiques, biologiques, chimiques… Un crible qui permet, en fonction du score obtenu, d’orienter la femme enceinte vers le médecin du travail et, si besoin, d’éviter l’éviction en proposant un aménagement du poste de travail ou un changement d’affectation.
« C’est agir dans le sens de la prévention primaire. C’est aussi un moyen de mettre les services de santé et sécurité au travail au cœur du dialogue entre les femmes enceintes, les médecins et les employeurs. » Les employeurs, pour leur part, ont plusieurs obligations : ils sont tenus de préserver la santé physique et mentale des salariés (article L.4121-1 du code du travail) ; de les informer sur les risques professionnels ; de respecter les règlementations spécifiques, en matière de rayonnements ionisants, de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), d’agents biologiques…
Mais ils ont aussi des intérêts à défendre : limiter l’éviction par défaut, anticiper les impacts organisationnels et humains liés à la grossesse (perte de compétence-clé, désorganisation, recrutement dans l’urgence, etc.), préserver la santé de la salariée et de son futur enfant, protéger voire améliorer l’image de l’entreprise.