Assis à la table de leur cuisine, Nelly et Philippe regardent autour d’eux et s’étonnent encore de la taille de leur maison. Pourtant, cela fait vingt ans qu’ils y habitent. Depuis quelques années, les Guillet s’étaient installés dans les combles aménagés du domicile, à Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme. Une situation trop longtemps subie, faute de solution pour réhabiliter le reste du bâtiment : « L’isolation n’existait pas, les fenêtres étaient trop anciennes et l’assainissement était à faire, se souvient Philippe. Et sur le plateau du Vercors, quand il fait – 30°C dehors et que le vent s’engouffre dans chaque pièce, le quotidien devient difficile. »
Le couple d’agriculteurs décide alors de s’installer dans l’endroit récemment rénové en attendant le moment opportun pour réaliser de gros travaux dans les étages inférieurs. Mais dans 68 mètres carrés avec une petite salle de bains, deux chambres et un salon qui n’en a que le nom, la vie à cinq devient pénible et les Guillet se sentent vite à l’étroit. Nelly décide de bâtir un dossier de demande de subvention auprès de l’association Solidaire pour l’habitat (Soliha) de la Drôme.
À partir de l’acceptation du dossier, tout s’enchaîne. Courant 2015, l’assistante sociale de la MSA Ardèche Drôme Loire, Annie Brulland, entre en contact avec le couple avant de laisser la place à sa remplaçante, Denise Lombard. « Elles nous ont expliqué l’expérimentation de la caisse : l’autoréhabilitation de logements avec l’aide des Compagnons bâtisseurs. »
C’est donc la chargée de projet des Compagnons bâtisseurs, Émilie Frapsauce, accompagnée d’un maître d’oeuvre, qui est venue à la rencontre de la famille pour faire un état des lieux. Après plusieurs ajustements, le projet de réhabilitation est défini. Le 11 mars 2016, les matériaux sont livrés. Les travaux commencent le lendemain.
Retrousser les manches
La démarche de l’autoréhabilitation accompagnée d’un logement demande la participation des occupants. Pas de souci pour les Guillet qui n’hésitent pas à retrousser leurs manches dès le premier jour : « Toute notre famille est venue nous aider. Que ce soit les parents de Nelly, mon neveu ou même nos enfants, tout le monde a mis la main à la pâte », raconte Philippe.
Amandine, technicienne des Compagnons, se rend chaque semaine sur le plateau du Vercors pour suivre les travaux et donner des conseils au couple : « Les astuces qu’elle nous enseignait nous ont vraiment servis. Elle était très pédagogue. » Durant plusieurs semaines, les journées s’étirent longuement pour finir de poser une rangée de carrelage ou mettre en place le dernier panneau de papier peint. Mais le couple d’agriculteurs ne regrette pas d’avoir travaillé quotidiennement à la rénovation : « Nous avons pris trois jours de pause durant les travaux. Deux pour visiter des lycées avec le plus grand et un autre pour la fête des mères », avoue quand même Nelly.
C’est alors dans un temps record que l’aménagement de la maison a pu se faire puisque, courant juillet, les Guillet descendent vêtements et vaisselle des combles pour investir les 120 mètres carrés rénovés. « Un vrai bonheur », se souviennent-ils.
Aujourd’hui, la famille se sent à nouveau bien dans cette maison et « conseille aux gens de faire les démarches auprès de Soliha ». Philippe et Nelly ne comptent pas s’arrêter là et envisagent de rénover les combles dans lesquelles ils ont vécu pendant plusieurs années. « Maintenant que l’on sait comment faire, ça va être plus simple », expliquent-ils. Le vent peut désormais souffler sur le plateau du Vercors.
« L’exploitation passe toujours en premier »
Le mal-logement des exploitants agricoles est quelque chose que l’on constate depuis plusieurs années. Souvent, lors d’une transmission d’exploitation, on remarque que les repreneurs (souvent issus de la famille) n’osent pas toucher au logement par respect. Ceux qui rachètent la ferme ne disposent plus de ressources pour faire des investissements dans le logement. Pour l’un comme pour l’autre, le problème est le même, l’exploitation passe toujours en premier.
En Ardèche Drôme Loire, les départements sont assez pauvres avec un niveau de vie global assez faible. C’est pour cela que, lors des rendez-vous prestations ou autres, les travailleurs sociaux de la caisse demandent systématiquement dans quelles conditions vivent les agriculteurs. C’est parfois difficile, long, pour être reçu dans la maison et faire un vrai état des lieux, mais quand on identifie une situation urgente, on essaie d’engager rapidement les démarches pour venir en aide à l’affilié.
Cette action s’inspire d’une initiative du Vaucluse où les compagnons bâtisseurs, l’agence nationale de l’habitat (Anah) et Sites habitats aident à la réhabilitation de logements. Depuis 2013, nous nous sommes mis en relation avec les acteurs régionaux de l’habitat. En peu de temps, nous avons réussi à instaurer une réelle coopération entre les différentes structures.
Notre but à tous, c’est de répondre à chaque dossier comme on répond à un défi et, pour le moment, ça fonctionne. Nous allons essayer de pérenniser l’action en menant à bien tous les chantiers en cours. Nous avons un peu peur que les partenaires d’aujourd’hui ne nous suivent pas sur le long terme, mais c’est aussi notre challenge de maintenir l’effort de tous.