« C’est triste une séparation pour les adultes comme pour les enfants. Elle touche sans exception tous les membres de la famille. Mais ce qui est le plus triste pour l’avenir, c’est quand les conflits s’installent dans le temps », prévient Delphine Kerisit, médiatrice familiale à l’union départementale des associations familiales de Charente-Maritime.

Laura Brunelot, travailleur social spécialisé enfance, famille, parentalité et retraite à la MSA des Charentes. © DR

Ce 8 décembre, aux côtés d’un travailleur social de la caisse des allocations familiales de la Charente-Maritime et d’un juriste du centre d’information sur le droit des femmes et des familles (CIDFF 17), elle inaugure sous une forme adaptée à la crise sanitaire une série de webinaires dénommés « Parents après la séparation ».

Détricotage du schéma familial 

Ces séances d’information collective, dont la présentation est assurée ce soir-là par Nicole Jacq, coordinatrice parentalité à la CAF de Charente-Maritime, ont été conçues pour permettre aux pères et mères qui vivent ou ont récemment vécu un événement de rupture d’être mieux armés pour passer ce cap difficile en leur transmettant une vision aussi complète que possible des implications multiples de cette situation nouvelle.

« Ces réunions sont le fruit d’un remarquable travail mené en partenariat depuis 2017 avec la CAF17 et tout le réseau local d’associations de soutien à la parentalité, particulièrement dynamique sur notre territoire », se félicite Laura Brunelot, travailleur social spécialisé enfance, famille, parentalité et retraite à la MSA des Charentes.

« La séparation est un processus qui va détricoter le schéma de la famille tel qu’il était construit. On perd non seulement l’autre, mais aussi parfois son lieu de vie, souvent des amis et du temps précieux passé avec ses enfants et pour certains leur travail, poursuit Delphine Kerisit. C’est une période pleine d’incertitudes, d’insécurité, où des sentiments intenses s’entremêlent comme la culpabilité, l’injustice, la peur de l’avenir et des craintes pour ses enfants. Face à tous les changements qui sont imposés à chacun, ce qu’on peut faire est d’abord d’essayer d’être indulgent avec soi et de se donner un peu de temps. De savoir qu’on va vivre des moments difficiles et que pendant cette période on ne va pas être tout le temps au top mais que ça va finir par aller mieux. »

La souffrance face à ce grand saut dans l’inconnu

Les mots sont pleins de tact. Le ton est bienveillant. La réaction en direct d’une maman confirme : « On va tous plus ou moins mal. » Une expression pudique qui dit la souffrance face à ce grand saut dans l’inconnu. « La présence d’enfants dans un couple fait que la famille va survivre à la séparation, aussi douloureuse soit-elle, mais celle-ci va obliger les adultes à organiser différemment leur relation parentale. » La médiation familiale peut les y aider en tentant de renouer le dialogue dans l’idée d’apaiser les conflits au bénéfice de l’enfant. Ce mode alternatif de résolution des différends permet l’élaboration d’ententes parentales ou d’accords pouvant être homologués par la justice.

Pour certains ce sera leur premier contact avec la justice

Les questions juridiques sont justement au cœur des préoccupations de nombreux parents qui vivent une séparation. « Nous allons vous donner une vue d’ensemble des aspects juridiques de la séparation », annonce Jérémy Péraud, juriste au CIDFF. Pour certains, ce sera leur premier contact avec la justice et ses complexités. De quoi donner le vertige à des personnes peu habituées aux méandres du droit de la famille et de la procédure civile. Au programme de son exposé : les différents types de séparation et de divorces en distinguant les couples mariés des non-mariés, les solutions amiables des contentieuses, les modes de fixation de la résidence, du droit de visite, de la contribution à l’éducation des enfants appelée aussi “pension alimentaire”.

« Chaque parent contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants en fonction de ses ressources, de celles de l’autre parent et des besoins de l’enfant, résume-t-il. Cette obligation ne cesse pas à la majorité mais au moment de l’autonomie financière de l’enfant. L’objectif de la pension alimentaire est de maintenir l’enfant dans un niveau de vie proche de celui d’avant la séparation. » Il informe son auditoire de l’entrée en vigueur le 1er janvier d’une nouvelle procédure. Après la réforme du divorce par consentement mutuel déjudiciarisé en 2016, c’est au tour du divorce contentieux de faire l’objet d’une réforme visant à simplifier et à accélérer sa procédure. Celle-ci était complexe et souvent longue.

Un dossier de divorce jugé en moyenne en 26 mois en 2018

www.justice.gouv.fr

Ainsi, un dossier de divorce était jugé en moyenne en 26 mois en 2018. Une participante s’interroge et expose sa situation. Elle a reçu l’année dernière son recommandé pour une convocation à une audience qui aura lieu en début d’année 2021. Elle se demande si elle sera concernée par la réforme. Réponse de l’expert : « Si le juge a été saisi avant la fin de l’année, c’est bien l’ancienne procédure qui s’applique. C’est la date de la requête en divorce qui prévaut. »

« Il est important de signaler à la CAF ou à la MSA tout changement de situation », insiste Adeline Coulon, assistante sociale à la CAF17. Elle est chargée ce soir-là d’expliquer aux parents présents l’impact de la séparation sur les droits CAF et MSA.

La notion d’enfant à charge

« Lorsque le gestionnaire va enregistrer votre séparation, un nouveau calcul de vos droits et de votre quotient familial va s’effectuer. Les ressources du parent qui a quitté le domicile familial vont être isolées. Vos prestations vont être recalculées en prenant uniquement en compte vos revenus annuels. Certaines vont se valoriser automatiquement et d’autres non, comme les allocations logement ou la prime d’activité qui peut être majorée lorsqu’on élève seul un ou plusieurs enfants. Si le foyer se retrouve sans revenu, il va falloir formuler une demande de revenu de solidarité active (RSA), qui a le même caractère de majoration que la prime d’activité en cas de parent isolé. Des aides spécifiques existent pour les personnes qui élèvent seules un enfant comme l’allocation de soutien familial (ASF) versée par la CAF ou la MSA. » Une question d’un papa arrive sur le tchat.

« Pourriez- vous nous parler de la notion d’enfant à charge, qui est le plus souvent donné à la maman, ce qui fait que nous sommes souvent minorés de certaines prestations même en cas de résidence alternée ? » Adeline Coulon confirme : « Résidence alternée ou non, bien que l’enfant soit à charge de ses deux parents, il ne peut être rattaché que sur un seul dossier allocataire. » Rappelons que dans 80 % des cas les enfants sont rattachés à celui de la maman.

80 % des cas les enfants sont rattachés
à celui de la maman.

Valoriser la place des papas

« On essaie de valoriser la place des papas dans ces réunions où les mamans sont largement majoritaires, explique Laura Brunelot. Elles attirent en moyenne seulement 25 % d’hommes. On cherche encore le meilleur moyen de toucher plus largement ce public plus difficile à mobiliser. » Peut-être que ce nouveau format de webinaire, qui a l’avantage de préserver l’anonymat des participants, les décidera à franchir le pas.

Focus sur l’espace enfants-parents

Un espace de rencontres enfants-parents est un lieu d’accès au droit, tiers, gratuit, transitoire et autonome, permettant, dans l’intérêt de l’enfant, l’exercice du droit de visite, la remise de l’enfant à l’autre parent, ou la rencontre avec ses parents, ses grands-parents ou toute personne titulaire d’un droit de visite. Son objectif est de maintenir, établir ou rétablir les liens entre les enfants et leurs parents dans des situations conflictuelles dans lesquelles le recours à un lieu tiers avec un accompagnement sécurisant est, durant une période transitoire, la seule solution possible : séparations difficiles, enfants qui n’ont jamais connu leur parent, adolescents en refus de voir un parent, parents en conflit et éloignés géographiquement. Ce rendez-vous est organisé après une décision judiciaire ou simplement après une démarche volontaire des parents. En 2019, 34 000 enfants ont été accueillis en espace de rencontre dans plus de 300 structures réparties dans toute la France.

Revoir notre article : « Pour que l’enfant ne soit pas le perdant »

Photo d’ouverture : © Franck Beloncle/CCMSA Image