Vous abordez la ruralité et le monde agricole dans vos œuvres et vous avez baigné dans ce milieu. Avez-vous eu plus de facilité à vous adresser aux élèves du lycée Xavier Bernard Poitiers-Venours ?

Non le contact reste une question de feeling. Il se trouve que personnellement j’avais entamé des études dans un lycée agricole avant de bifurquer vers autre chose. Je n’ai pas souhaité continuer dans cette voie mais le sujet continue de m’attirer. Ce sont un milieu et une thématique dans lesquels je souhaite souvent développer des projets ; ma pratique, c’est surtout le film et la sculpture. Le fait d’évoluer et de m’intéresser à ça, c’est plus simple pour échanger avec les élèves. En fait nous parlons des mêmes choses. Ma démarche se développe vraiment dans ce contexte-là. Mais je ne cloisonne pas mon travail à ça non plus. J’ai plusieurs œuvres.

Ce qui retient mon attention le plus souvent ce sont les gens ; il y a aussi un regard sur tout ce qui est manutention, travail, ce qui peut émerger au fil des rencontres. En fait je me déplace souvent dans différentes régions. De temps à autre, je fais des résidences. J’arrive à disposer de suffisamment de temps pour rester dans un endroit spécifique. Le paysage rural et le monde agricole sont pour moi une façon d’aborder ces régions-là. Depuis quelques années, je regarde les choses par ce biais-là. Ensuite dans ma tête, je ne me limite pas à ça. Je n’ai pas d’idées préconçues.

Parfois aller à la rencontre des personnes, en étant sur place, va développer une nouvelle approche spécifique. Au cours des échanges, quelque chose va en ressortir. Les choix esthétiques ou les façons de faire vont être différentes. Dans le rapport avec les gens, quelque chose se crée ou pas. Ce n’est pas obligatoire que ce soit le cas. Tout peut aussi partir dans une ferme, à l’intérieur d’une exploitation. Mais cela peut prendre sa source ailleurs aussi.

Nicolas Tubéry-MAQUIGNON-extrait from nicolas tubéry on Vimeo.

Quels sont les retours de vos proches ? Qu’en pense votre père agriculteur ?

Il est éleveur de brebis et possède quelques chevaux. Il a joué aux acteurs dans mes premiers films. D’ailleurs il est visible dans le film Maquignon [visionnable sur son site]. Il interprète son propre rôle parmi d’autres personnes. La première justification à tout ça, c’est que mon père est bien sympa [rire]. Il est très fier parce qu’une question de transmission se dissimule derrière ça. Quelque part, même si je n’ai pas repris concrètement l’exploitation familiale, il y a ce « truc » qui continue quand même. Ça, c’est par rapport au court-métrage qu’on a fait ensemble. Il s’intéresse aussi aux créations que je conçois. Avec mes proches, se produit de la discussion, de l’échange dans tous les sens. C’est stimulant.

Au départ je ne filmais pas pour faire des expositions : je voulais juste garder des traces de tout ça parce que le temps passe…

Nicolas Tubéry

Quel a été le déclic qui vous a orienté vers cette voie ?

Au lycée, j’ai décidé en seconde de ne pas continuer dans ce domaine-là. Par contre j’ai passé un bac électrotechnique, pas du tout lié à l’art. Après, je suis allé aux Beaux-Arts parce que je cherchais autre chose.
J’avais cette envie. Le dessin et la pratique artistique m’attiraient. À ce moment-là, je n’étais pas du tout dans le sujet ruralité. Pendant mes études, je n’ai pas tourné la caméra vers cet environnement.

Après je suis retourné aider la famille, voir mon père et observer comment ça se passait à la campagne. Au départ je ne filmais pas pour faire des expositions : je voulais juste garder des traces de tout ça parce que le temps passe… J’ai trouvé un intérêt à le faire que j’ai montré et exploré dans des expositions. Petit à petit cela se justifiait avec le retour des gens qu’ils soient issus du milieu de l’art ou non. Ce n’était pas une thématique qui était abordée autour de moi. Mes propositions ont intéressé et cela m’a conforté dans cette voie-là. J’ai voulu alors continuer. C’est arrivé comme ça.