Selon le rapport Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants, paru début octobre 2016, 253 agriculteurs et 43 agricultrices se sont donné la mort en 2010 et 2011, soit un total de 296 personnes (166 en 2010 et 130 en 2011). Le suicide a été la cause de 14 % des décès chez les hommes et de 7 % chez les femmes. La pendaison a été le moyen le plus utilisé aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Elle était suivie du recours aux armes à feu et aux explosifs chez les hommes et à la noyade chez les femmes.
Un excès de suicide de 20 % entre 2008 et 2010
La comparaison de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants à celle des hommes du même âge dans la population française a montré un excès de suicide de 20 % chez les premiers en 2010. Celui-ci était particulièrement marqué chez les hommes âgés de 45 à 54 ans (+ 30 %) et dans le secteur de l’élevage bovin-lait (+ 52 %). Pour l’année 2011, on a observé une surmortalité significative chez les exploitants agricoles âgés de 45 à 54 ans (+ 33 %). En revanche, aucun secteur d’activité ne présentait de surmortalité par suicide.
Concernant l’évolution sur la période 2007-2011, la surmortalité par suicide observée en 2010 (+ 20 %) a fait suite à deux années où l’on avait également observé un excès de mortalité par suicide chez les agriculteurs exploitants (+ 28 % en 2008 et + 22 % en 2009). En revanche, les années 2007 et 2011 n’ont pas connu de surmortalité par suicide.
En 2008, l’excès de mortalité par suicide était surtout marqué chez les hommes de 45 à 54 ans (+ 31 %) et de 55 à 64 ans (+ 47 %). En 2009, seuls les individus de 55 à 64 ans présentaient un taux élevé (+ 64 %).
Les éleveurs de bovins sont particulièrement touchés
Par ailleurs, l’analyse par secteurs d’activité montre que c’est celui de l’élevage bovin qui a été particulièrement touché. Ainsi, les agriculteurs du secteur de l’élevage bovin-viande a présenté un excès de mortalité par suicide statistiquement significatif par rapport à la population générale d’âge similaire en 2008 (+ 127 %) et en 2009 (+ 57 %). Les agriculteurs du secteur de l’élevage bovin-lait ont présenté, quant à eux, un excès de mortalité statistiquement significatif en 2008 (+ 56 %), 2009 (+ 47 %) et 2010 (+ 51 %).
Cette étude met en évidence un nombre de suicide en excès chez les exploitants agricoles et les collaborateurs d’exploitation entre 2008 et 2010, surtout marqué dans les secteurs de l’élevage bovin (lait et viande). Mais, compte tenu du schéma d’étude retenu, il n’est pas possible de mettre en évidence un lien de causalité entre la situation économique et la surmortalité par suicide.
Néanmoins, l’excès de mortalité observé coïncide avec un contexte de fortes contraintes financières subies par le monde agricole à la suite de la crise économique de 2008, avec de fortes fluctuations du revenu des agriculteurs exploitants. Ces dernières sont subies par le monde agricole depuis 2007, notamment dans les secteurs de l’élevage bovin (lait et viande) qui sont les plus atteints.
La dépression, facteur de risque du suicide
L’impact des déterminants économiques sur la survenue des suicides ne doit pas occulter les autres facteurs de vulnérabilité inhérents à la profession (conditions de vie et de travail, fortes contraintes physiques, larges amplitudes horaires, fluctuation des politiques publiques européennes, contraintes environnementales et climatiques, événements sanitaires tels que l’abattage des bovins…) qui peuvent avoir des répercussions indéniables sur l’équilibre personnel des agriculteurs.
Autre constatation, les hommes agriculteurs exploitants dont l’âge était compris entre 45 et 54 ans et entre 55 et 64 ans présentaient un excès de mortalité par suicide par rapport aux hommes des mêmes tranches d’âge dans la population générale, en 2008, 2010 et 2011 pour la première classe d’âge, et en 2008 et 2009 pour la seconde. Ces catégories d’âge ne sont pas celles où l’on trouve le plus d’agriculteurs exploitants endettés, mais il est possible que les contraintes financières chroniques et les conditions de travail difficiles subies sur le long terme aient pu éroder les mécanismes de défense, en favorisant l’apparition d’une dépression, elle-même facteur de risque du suicide.
(1) Sur cette période, la population des exploitants agricoles comportait en moyenne 481 657 personnes, soit 69 % d’hommes et 31 % de femmes (sont exclus les chefs d’entreprise agricole (exploitations de bois, scieries, entreprises de travaux agricoles…)).