Le 21 août, à 15 h 30, à Lavigney, rue des moines, pas très loin du camping le Jardin d’Hélène, à quelques mètres de l’entrée du bar de l’Anartiste, transformé en piste de cyclodanse, Gwendoline Matos, 27 ans, se tient accroupie, une main posée sur un ballon, face à une personne qu’elle a placée dans la même position après lui avoir bandé les yeux. Elle lui demande de tendre les oreilles pour percevoir les bruits que le ballon va émettre au moment où elle le lancera au ras du sol en sa direction. Bienvenue dans une séance de démonstration du goalball, un sport de ballon pratiqué par les personnes déficientes visuelles qui se joue sur un terrain de volley avec des lunettes. C’est l’une des activités présentées dans cet atelier handisport, avec le cyclisme adapté et la danse.
Une sportive de haut niveau
L’animatrice, Gwendoline, est une sportive de haut niveau, membre de l’équipe de France de goalball, un sport paralympique pour les athlètes mal et non-voyants. La vue diminuée depuis ses sept ans (moins d’un dixième à chaque œil), elle accueille les personnes qui veulent s’essayer à ce sport. Avec cette initiation, elle espère contribuer à populariser le goalball et diffuser ce message d’espoir : même malvoyant, on peut faire du sport. « Si je ne l’étais pas, assure la jeune femme, je ne serais pas là. »
Découvrir le handicap de « l’intérieur »
D’autres rendez-vous dans le même état d’esprit sont proposés un peu partout dans la petite ville en cette journée festive et ensoleillée, commencée vers 15 h, censée s’achever à 21 h sur deux concerts avec les groupes Les Bikers, une fanfare de rue qui sert du rock déjanté, et Demain dès l’aube, des musiciens de « postrock vésulien aux influences multiples et atmosphériques ».
Un parcours en fauteuil roulant donne la possibilité de voir sinon de vivre ce que c’est d’être sur une chaise sur roulettes et d’explorer « de l’intérieur » les difficultés ou les obstacles rencontrés dans la rue. L’approche du champ du handicap s’appuie sur une même pédagogie : placer les gens dans la situation où ils vont se mettre dans la peau d’une personne atteinte d’un handicap pendant quelques minutes, afin de les amener à toucher du doigt quelques problématiques du quotidien. Comment déplacer sa chaise quand le sol est rempli de graviers… ou de gros cailloux en est une par exemple : le questionnement s’impose lorsqu’on vit la situation.
Tous les films diffusés en soirée ont été sous-titrés et proposés en audiodescription, une technique qui détaille les éléments visuels à l’attention du spectateur non voyant ou malvoyant. Les deux concerts eux aussi ont été inclusifs, proposant au public des gilets vibrants à porter au moment où les artistes se produisent. La vibration ressentie donne un aperçu sur la façon dont on peut percevoir autrement la musique, notamment à travers les ondes qui parcourent le corps au gré des sons.
Une manifestation initiée par des enfants du pays
Tout ce travail sur l’inclusion au sein d’un événement culturel a été mené à l’initiative de Philémon Redoutey, 14 ans, au collège (en troisième), de sa sœur Pia, 18 ans (études supérieures), et Thibault Sœur, 15 ans (en seconde). Le trio a saisi la célébration des dix ans des Ciné Souper, organisée par le MRJC (mouvement rural de jeunesse chrétienne), dont il est membre, pour s’atteler à ce projet. « L’idée d’un concert inclusif, raconte Philémon, est venue au moment de la préparation de cet anniversaire. L’événement apporte le cinéma et la culture dans les territoires ruraux. On a eu l’idée de faire une manifestation sur trois jours. À ce moment-là a émergé l’idée de toucher un public plus large et diversifié. On a pensé en particulier aux personnes en situation de handicap. »
Le projet a obtenu le troisième prix de l’APJ national dans la catégorie des 13-17 ans, après avoir été distingué par la MSA de Franche-Comté.
Autre exemple de projet de grande envergure sur un territoire : le festival de l’Arbre bavard, à Andouillé, en Mayenne en région Pays de la Loire.
Pendant les dix mois de préparatifs, un déclic s’est produit tout de suite après la formation dispensée par l’association APF France handicap. Le groupe prend la mesure de son enjeu. Il comprend qu’il faut rendre le site, le lieu et l’accueil inclusif. En même temps, il prend conscience que le champ du handicap est trop méconnu. « C’était très enrichissant, raconte Philémon. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il y a un grand travail encore à faire pour l’intégration des personnes en situation de handicap. »