« Nous possédons une maison de santé pluridisciplinaire. Nous avons la coquille certes, mais notre problème reste l’attrait des professionnels »

On a assez souligné le rôle proactif des territoires pendant la crise sanitaire pour les remiser au placard à la première embellie ! Premier édile de sa commune, Claude Doucet – aucun lien de parenté avec Grégory, son homologue lyonnais – est un homme de territoire, de terrain, voire de terroir : celui de Valençay, 2 300 habitants, quasiment situé au centre de la carte hexagonale, au nord du département de l’Indre, entre Loches et Vierzon. Nous, on a voulu voir, comme toujours…

Doucet, AOC

Valençay, c’est : son incontournable et magnifique château, celui de « l’illustre Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, diplomate hors pair et ministre de Napoléon », comme le mentionne le site internet. Valençay, c’est : une appellation d’origine contrôlée pour son fromage de chèvre au lait cru, en forme de pyramide tronquée, et ses vins (cépages Gamay et Sauvignon principalement). Valencay, c’est : Claude Doucet.

Habillé smart, foulard orange noué autour du cou — couleur de la fraîcheur, du dynamisme et de la douceur — et même si l’écharpe tricolore n’est jamais très loin, l’ancien cadre du Crédit agricole, élu depuis 1989, n’oublie pas non plus son mandat d’administrateur de la MSA Berry-Touraine. Il se souvient avec plaisir de « l’ambiance conviviale » qui régnait au sein de ses premiers conseils d’administration délocalisés dans les villages vacances de la mutualité agricole. Mais aussi des divergences de points de vue, du débat qui animait ces réunions, véritable terreau de la démocratie sociale.

Claude Doucet préside l’association des maires de l’Indre et assure la vice-présidence de l’association départementale des maires ruraux. En bon VRP de la ruralité, il dit : « Je pense que ce sont les êtres les plus proches du terrain qui s’avèrent les plus à même d’en faire la promotion. » Chasseur et pêcheur, il est fier de vivre « au cœur d’un poumon vert de 4 000 hectares » : il connaît la Brenne, le pays des mille étangs, comme sa besace(1).

Mais il peut aussi bien vous parler du vignoble de Reuilly en Champagne berrichonne, de la prédominance de l’élevage dans le sud du département ou de ses 40 % d’exploitations en grandes cultures (céréales, oléo-protéagineux). Pour lui, ses multiples casquettes n’ont qu’une fonction : la défense du milieu rural. C’est ça qui chapeaute le tout. Il voit d’un très bon œil l’élargissement des compétences sociales de la MSA à l’ensemble de la population rurale, et milite pour une extension accrue. À condition de lui allouer des moyens supplémentaires, cela va sans dire. Il regrette le rendez-vous manqué entre le régime agricole et celui des artisans et des commerçants, feu le régime social des indépendants aujourd’hui rattaché au régime général.

Delors, Doucet

Admirateur raisonné du « citoyen d’honneur de l’Europe » Jacques Delors – cet homme politique reconnu comme l’un des grands acteurs de la construction européenne, ardent défenseur d’un renouveau des régions rurales – le premier des Valencéens n’en démord pas en matière de proximité et d’égalité d’accès aux services sur le territoire.

Le quotidien de Claude Doucet, c’est par exemple : la lutte contre les déserts médicaux. « Sur le périmètre de la communauté de communes Écueillé-Valençay, nous possédons un pôle de santé et une maison de santé pluridisciplinaire. Nous avons la coquille certes, mais notre grand problème reste l’attrait des professionnels ! Nous éprouvons des difficultés à recruter un médecin coordonnateur pour l’Ehpad, par exemple. »

Dans l’Indre, 15 % des habitants n’ont pas de médecin traitant. Le plan santé du conseil départemental, d’un budget de 554 000 euros, mise sur les aides financières à l’installation (15 000 euros pour un engagement de cinq ans), des logements meublés à très faible loyer pour les stagiaires et les professionnels en attente d’installation et des bourses plus élevées pour les étudiants en médecine (1 000 euros par mois pendant trois ans pour un engagement de cinq ans).

« Nous avons récemment accueilli six étudiants en 5 année de médecine, nous leur avons fait visiter le château et la région, nous leur avons vendu une certaine qualité de vie », abonde Claude, qui se souvient également avoir essuyé les critiques du corps médical local en octobre 2021, pour un projet expérimental de mise en place d’une borne de téléconsultation coporté par la commune et la MSA Berry-Touraine.

Opposition des deux médecins généralistes de la commune, grève de l’un des deux professionnels de santé… La borne sera finalement laissée sur le bas-côté. Aujourd’hui, le dialogue entre les partis est renoué. Il en faudra plus pour entamer la motivation de Claude Doucet, qui trace la route : « Les reproches font partie du métier, assure-t-il. Les recettes des collectivités locales sont en baisse, impôts locaux et dotations de l’État, entre autres. Mais je refuse de me plaindre : ce que j’ai, je l’ai voulu. »

S’il concède avoir parfois négligé ses proches pour en arriver là, si la disparition prématurée d’un fils de 41 ans, ingénieur en agriculture et éleveur bio de Limousines à Abbaretz (Loire-Atlantique) des suites d’un cancer foudroyant lui pèse, Claude Doucet fait face, fidèle à son sacerdoce et à la ruralité. En homme de terrain. De terroir.

(1). Selon une étude récente, le parc naturel régional serait bien plus humide : quelque 5 300 plans d’eau dont 2 757 étangs (source : parc-naturel-brenne.fr).

On se dit tout …

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
« Ma revue de presse : j’épluche le journal, La Nouvelle République, à 5 heures du matin. »

Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
« J’aurais souhaité être agriculteur, comme mes parents. Je ne pensais pas faire carrière dans un bureau. »

Et si c’était à refaire ?
« Pareil. Actif, j’ai refusé une promotion dans une grande ville car je préfère la qualité de vie à la quantité. Je ne suis pas fait pour vivre sous cloche, même celle d’un fromage de Valençay. »