« Il n’existe aucun dispositif de dépistage, de prise en charge et de suivi de l’obésité infantile en milieu hospitalier dans le Lot, décrit Victoria Labruyère. Nous sommes à une heure et demie du premier centre spécialisé obésité (CSO) situé à Toulouse, ce qui est un gros frein pour les enfants et leur famille. » S’ajoute à cela le manque de personnels de santé sur certains territoires. « Il y a quatre établissements hospitaliers dans le département mais tous ne disposent pas de pédiatres à temps plein. Ils n’ont pas toujours le temps de réaliser ces dépistages ou, au moins, d’orienter les familles vers le bon dispositif », ajoute-t-elle.

Un travail d’équipe

Victoria Labruyère est la référente du projet « Du ventre de maman à l’assiette de bébé » qu’elle mène en compagnie d’un pédiatre et de sage-femmes au sein du centre périnatal de proximité (CPP) du centre hospitalier de Gourdon.

Après un master en endocrinologie pédiatrique réalisé en partenariat avec le CHU de Toulouse, où elle a travaillé en tant que diététicienne, c’est tout naturellement que Victoria Labruyère et ses collègues de l’établissement de Gourdon se sont emparés du sujet : « Nous avons discuté de façon informelle au départ puis le projet a mûri. Nous en avons parlé avec le centre périnatal de proximité qui comprend des sages-femmes et un pédiatre. Nous avons également échangé avec les acteurs du Département, notamment la protection maternelle et infantile (PMI), avec qui nous étions amenés à travailler. Nous nous sommes tous mis d’accord sur le fait qu’il y avait un réel besoin. C’est un constat de territoire et une implication collective. »

Constat et implication qui ont pour résultat l’élaboration du dispositif « Du ventre de maman à l’assiette de bébé ». Il consiste à prendre en charge les femmes, de leur grossesse jusqu’à la diversification alimentaire de l’enfant. Si son objectif de mettre en place des actions en prévention primaire de la conception aux deux ans de l’enfant s’inscrit parfaitement dans le cadre de la politique des 1 000 jours lancée par les pouvoirs publics, il en fait surtout un récipiendaire de l’appel à projets Coup de pouce prévention de la MSA.

Une gratuité fondamentale

« En plus de tout un accompagnement méthodologique de gestion de projet avec l’équipe, le financement par Coup de pouce prévention nous permet de garantir sa gratuité aux familles, précise Victoria. C’est primordial. Le dispositif est conçu à la carte, selon les besoins. Nous réalisons des entretiens pendant la grossesse en partenariat avec les sages-femmes, durant lesquels on fait le point sur les facteurs de risque, l’alimentation, la consommation d’alcool, l’activité physique, le tabac. L’objectif étant d’avoir différentes portes d’entrée pour parler d’hygiène de vie. Nous proposons également des rencontres sur des thèmes spécifiques comme l’alimentation pendant la grossesse, la préparation au post-partum et à l’allaitement. Ils peuvent se poursuivre après la grossesse si besoin.

Tous les mois, nous animons l’atelier Dans l’assiette de bébé en groupe de huit personnes maximum. Son but est de parler de la diversification alimentaire de l’enfant, de transmettre les grands principes et nos informations à travers des jeux. C’est surtout un temps d’échange pour les jeunes parents qui peuvent venir seuls, en couple, avec ou sans bébé. Ils se rencontrent et partagent leurs expériences, leurs conseils. Cela leur permet de réaliser que d’autres peuvent faire face aux mêmes difficultés. Nous ne sommes que les modérateurs de ces échanges et notre message passe beaucoup mieux dans ce contexte-là. »

« Concernant l’obésité infantile, c’est un grand raccourci de penser que remettre un flyer « Manger, bouger » suffit. »

Victoria Labruyère

Sortir du cadre

Créer un cadre informel, voilà l’une des clés du succès de ce dispositif. Il n’y a pas de notion d’admission, les acteurs de la santé sont en civil, on ne parle pas de consultations mais d’entretiens – ces derniers se déroulent hors des murs de l’hôpital, au sein de l’espace du service Prévention, éducation et promotion de la santé (Peps) – et des visites sont réalisées à domicile par Victoria Labruyère accompagnée d’une sage-femme et d’une puéricultrice de la protection maternelle et infantile.

« On se rend compte que le contexte compte autant que le message, explique la diététicienne. Le lieu, la tenue peuvent être un frein. Le fait que l’on propose cette démarche à domicile facilite l’échange car il peut y avoir un côté anxiogène à se dire : ce que je mange maintenant détermine la santé future de mon enfant. De même, donner des préconisations alimentaires qui sont à l’opposé de ce que fait une jeune maman peut être très violent. Pour elle, le sous-entendu c’est : je m’occupe mal de mon enfant, je suis une mauvaise maman. Être chez elle permet de discuter pendant qu’elle prépare le repas, vulgariser les recommandations, les adapter à ses habitudes, sa culture, son quotidien, lui donner des astuces, la rassurer. »

Le succès au rendez-vous

Mis en place depuis le début de l’année, le dispositif « Du ventre de maman à l’assiette de bébé » rencontre un joli succès. « Entre janvier et mai 2023, nous avons eu 30 entretiens. Nous étions partis sur un prévisionnel de 90 sur deux ans ! Nous avons de nombreuses demandes sur l’allaitement. C’est vraiment quelque chose dont on reparle de plus en plus. Cela peut paraître naturel, facile, mais ça demande pourtant un certain accompagnement. Dans le cadre de séances de préparation à la naissance, nous avons réalisé des ateliers collectifs avec des femmes enceintes qui étaient très curieuses de savoir comment se passerait la diversification alimentaire de leur enfant. »

La gratuité du dispositif associée à la diffusion de l’information sur son existence doit ainsi permettre de répondre à la problématique initiale : « Nous avons informé la CAF, les relais petite enfance, les crèches, etc. de la création de ce dispositif. J’ai intégré la filière « santé de la femme et périnatalité » avec tous les collègues sages-femmes, diététiciens, pédiatres, auxiliaires de puériculture et les centres hospitaliers du Lot, souligne Victoria Labruyère. Nous discutons notamment de ce projet qui est le seul existant dans le département et on fait passer le message pour éviter aux parents d’aller à Toulouse ou Bordeaux. »

(1) Le contrat local de santé (CLS) est un outil porté conjointement par l’agence régionale de santé et une collectivité territoriale pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé.

Un appel à projets à l’initiative de la MSA

Coup de pouce prévention est un appel à projets lancé à l’initiative de la MSA, ouvert à tous les acteurs agissant dans le domaine de la promotion de la santé et de l’éducation sanitaire et sociale. Il s’ancre dans le cadre du plan national de santé publique et des plans régionaux de santé intégrant notamment les structures d’exercice coordonné. Pour en savoir plus, rendez-vous sur coupdepouce.msa.fr.