Chaque jour, depuis le 3 octobre, les épisodes de Déter sont disponibles dès 18 heures sur YouTube et visionnables avec un mois d’avance sur la plateforme numérique de France.tv Slash.

Une tombe, un nom : Max Dupuy, l’année de sa naissance, 2006, et la date de son décès : 2 août 2023. Le défunt avait 17 ans. Et ces mots : « Je vais comprendre, je te jure. » Celui qui prononce ce serment semble être du même âge : Sohan, l’allure nonchalante, vernis noir sur les ongles, casque collé aux oreilles et « beau gosse ». Le début de la web-série Déter donne le ton de cette première saison de 200 épisodes de 7 minutes, visionnable depuis le 3 octobre sur la plateforme numérique de France tv Slash. Il y est question d’une quête de la vérité.

Rencontre d’une vache et d’un Parisien

Le personnage, campé par Bastien Savarino, nous ouvre les portes du lycée agricole Anjela-Duval, implanté à Vitré en Ille-et-Vilaine, le jour de la rentrée scolaire. Il vient de Paris. C’est un nouvel élève qui intègre la classe de terminale conduite et gestion de l’entreprise agricole (CGEA). D’emblée, l’immersion dans cet univers du Parisien est synonyme de heurts, de découvertes et de confrontations hilarantes comme la rencontre improbable avec une vache dans un couloir, abandonnée à cet endroit par un élève farceur. Apparemment, les bêtises ont fait aussi leur rentrée. Sohan est là pour Max scolarisé dans cette école l’an passé. Personne dans l’établissement ne semble au courant de la disparition de ce dernier.

Les 7 minutes de chaque épisode ne laissent pas de répit : les scènes s’enchaînent à toute allure, filmées caméra à l’épaule, suivant au plus près des adolescents toujours en mouvement, ne tenant jamais en place. L’action semble s’inscrire dans le temps réel. Les échanges sont brefs. Le rythme intense sied au public de 15 à 30 ans visé par Slash.

Déter, qui traite des jeunes pousses de l’agriculture, entend les toucher et pourquoi pas leur instiller l’envie de découvrir le monde agricole, ses activités, ses pratiques, voire de susciter chez eux le désir d’en faire leur métier.


« On a travaillé dans des exploitations »

Pour la première fois, une série française choisit de raconter la vie de lycéens agricoles âgés de 17 à 19 ans, de plonger dans leur quotidien, de rendre compte de leurs difficultés, de dévoiler leurs centres d’intérêt et leurs fragilités. Elsa (Romane Mondoulet), Lia (Jeanne Hendschel), Medhi (Yanis Khiar) et Chloé (Alix Dehais) en sont les autres protagonistes.

Chacun représente un profil, une trajectoire, un lien particulier avec le monde agricole. « Chacun d’entre-nous est déterminé, dans son domaine, à faire bouger les choses », témoigne l’acteur de 21 ans Yanis Khiar, originaire de Bretagne, heureux de faire partie du casting.

Yanis Khiar, 21 ans, joue un personnage touchant victime de racisme.

« Mehdi, mon personnage, vient d’une famille franco-marocaine. Ses parents, des ouvriers, ne gagnent pas beaucoup d’argent. Il sait qu’il doit travailler comme un acharné pour s’en sortir. Lia est dans la même situation. Elle est en foyer sous la responsabilité de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et elle a conscience qu’à 18 ans elle n’aura plus rien. Soit elle réussit à se construire un avenir, soit elle est à la rue. Sohan, lui, est là pour trouver des réponses aux questions concernant la disparition de son meilleur ami. Il veut savoir. Elsa, elle, rêve de reprendre la ferme familiale. Elle se bat pour y arriver. »

Coproduits par France Télévisions et Black Sheep films, tous les épisodes sont tournés jusqu’au 24 novembre à l’intérieur de l’ancien lycée privé d’Étrelles, en Bretagne, région choisie pour la diversité de son agriculture. Le lycée a été mis à disposition par le campus de formation agricole The Land.

C’est devenu un décor grandeur nature qui reconstitue au détail près la routine scolaire d’un véritable établissement agricole préparant notamment au métier de l’élevage (poules, chèvres et vaches laitière) et à celui du maraîchage.

Fière de donner de la visibilité au monde agricole

Pour interpréter leur personnage le plus précisément possible, et éviter l’écueil de la caricature, les acteurs ont appris à connaître les métiers, à en acquérir les gestes techniques et le vocabulaire aux cotés d’agriculteurs. À tel point qu’ils savent maintenant déployer les bons réflexes adaptés à toute tâche et sont à l’aise avec les bêtes. Les initiations, précieuses pour le jeu d’acteur, donnent une idée de l’ambition des producteurs de Déter : faire plus vrai que nature.

Jeanne Hendschel est fière de son rôle.

« On a travaillé dans des exploitations, raconte Jeanne Hendschel. On a un rapport proche du milieu agricole. » L’actrice est d’autant plus fière de contribuer à lui donner de la visibilité et à le défendre dans le rôle qu’elle incarne qu’elle est dans son élément. « Je suis familière avec tout ça. Mon grand-père était maraîcher. Petite, j’ai conduit un tracteur. »

Un sujet lui tient à cœur : le suicide des agriculteurs. « Mon grand-père m’en parlait souvent. À l’époque, je ne comprenais pas forcément. Je trouvais ça triste évidemment mais je n’en avais pas encore saisi les tenants et aboutissants. »

Si le tournage de la série est un retour aux sources pour certains interprètes, il est aussi l’occasion de mises au point. « À la base, je ne connaissais rien du monde agricole, confie Yanis Khiar. J’avais les clichés qu’on a tous. Avec en tête l’émission L’amour est dans le pré. C’est une image ni négative ni positive. Mon grand-père maternel était fils d’agriculteurs. Jusqu’à ses 25 ans, il était à la ferme avec ses parents. Ma mère y a passé ses étés. Petit, j’y allais aussi. En grandissant, j’ai perdu le lien avec la campagne. J’étais très content de me reconnecter avec tout ça. »

Mieux, souligne-t-il : « Maintenant quand je vois un produit issu de l’agriculture, je sais d’où il vient et comment il a été fabriqué. On a trouvé ici une conscience agricole. »


Bienvenue en Bretagne

La culture bretonne est aussi mise à l’honneur dans la série. Impossible de ne pas remarquer les panneaux arborant des traductions en breton, langue d’origine celtique et en gallèse, langue d’origine romane, intégrées dans le quotidien des élèves du lycée.

Selon l’étude de l’institut TMO Régions menée en 2018 dans les cinq départements de la Bretagne historique (Finistère, Morbihan, Côtes d’Armor, Ille‑et‑Vilaine et Loire-Atlantique), « 27 % de la population entend parler breton et/ou gallo au moins une fois par mois. » Ces langues sont des marqueurs identitaires forts et un héritage. Elles sont encore parlées par les anciens.

Autre hommage, le nom donné au lycée pour les besoins de la série, soufflé par la région : Añjela Duval, nom de plume de Marie-Angèle Duval, Issue d’une lignée de paysan. Cette poétesse et agricultrice composait des vers la nuit et cultivait la terre le jour, tout cela en langue bretonne.

Entre autres textes à découvrir, Quatre poires, Peder Berenn (Coop Breizh). Découvrez la traduction en français de ses poèmes sur anjela.org.

Photo d’ouverture : © Estelle CHAIGNE – FTV ; photos articles © Fatima Souab/Le Bimsa.