Quels sont les points communs entre Tony Parker, la star des Hornetts de Charlotte, jeune retraité de 37 ans et les membres du club rencontre valdainois de Saint-Geoire-en-Valdaine, association affiliée à Générations mouvement, dont la moyenne d’âge se situe plutôt aux alentours de 70 ans ?
Réponses : la retraite et le basket. Si la gloire française de la NBA vient de faire les gros titres de la presse internationale en annonçant qu’il raccrochait le maillot après une carrière qui l’a conduit vers les sommets, les seconds la jouent plus discrètement. Retraités tout comme lui, ils forment un groupe d’Isérois plus anonymes mais malgré tout heureux de se retrouver tous les vendredis matin pour faire crisser les semelles de leurs baskets sur les lattes du parquet du gymnase la Martinette. L’installation sportive qui les accueille est située à la sortie de la commune de 2 400 habitants, perchée sur les contreforts des Alpes, aux portes de la Chartreuse.
Un prétexte à bouger son corps et ses neurones
Au programme de ce 14 juin : pas de match mais une série d’exercices et de jeux basés sur l’adresse, l’équilibre et la mémoire, tous inspirés par le basket-ball.
L’activité est considérée ici comme un prétexte à bouger son corps et ses neurones qu’un sport de compétition façon « TP » (prononcez à l’anglaise : tipi), les initiales de Tony Parker.
« On fait de l’exercice. On rit, on s’amuse. C’est génial pour des vieilles comme nous », lance Christine, 71 ans, chaussures de sport aux pieds et sourire jusqu’aux oreilles. Une petite provocation qui ne manque pas de créer l’hilarité dans le groupe d’une quinzaine de personnes réunies ce jour-là. Des éclats de rire partagés qui sonnent comme une confirmation que le sport version « basket santé », le nom de l’activité, donne la pêche.
Ce jour-là, le gymnase raisonne non seulement du rire et des cris des enfants avec lesquels l’association partage le terrain mais aussi de ceux des anciens. « Un pied dans chaque cerceau et on shoote. » Mathieu Billon, le président de l’union sportive valdainoise basket, cadre la séance. Il est attentif à chaque détail et au bien-être de chacun. Les gestes sont parfois mal assurés mais les tirs atterrissent souvent en plein dans le panier. Les balles sont en mousses ou en matières douces. Heureusement car ils rebondissent parfois sur la tête des joueurs et même du journaliste en train de prendre des photos.
«Pour bien vieillir, il faut être actif physiquement, intellectuellement et socialement»
Adrien Chollat, médecin à la retraite, président du club rencontre valdainois et de la fédération départementale de Générations mouvement.
« La version du basket qu’on propose ici fait travailler aussi bien le corps que l’esprit, développe l’équilibre la confiance en soi et la mémoire », assure-t-il. « Le vendredi, de 10 h à 11 h 30, on s’échauffe, on boit le café, on papote et on joue au basket. Pas toujours dans cet ordre-là », plaisante Maryse, 73 ans.
Prix coup de cœur du jury de Génération actions
« Pour bien vieillir, il faut être actif physiquement, intellectuellement et socialement », confirme Adrien Chollat, médecin à la retraite, président de l’association locale ainsi que de la fédération départementale de Générations mouvement. Ce sport remplit ces trois missions sans faux-pas. Quand le club de basket a lancé l’idée d’une version adaptée du basket ouverte à tous, quel que soit l’état de santé et quel que soit l’âge, les membres du club rencontre valdainois ont sauté sur l’occasion et repris la proposition au bond. « Ça nous permet, depuis la rentrée, de proposer une activité adaptée de prévention capable d’agir sur la baisse des capacités physiques, poursuit le Dr Chollat. Les résultats sont déjà mesurables sur des critères tels que l’équilibre, la diminution des raideurs musculaires et le plaisir pris lors de l’activité. »
L’action a été primée nationalement et a reçu en avril dernier le prix coup de cœur du jury lors de Génération actions édition 2019, la couveuse d’idées de Générations mouvement. Une récompense remise par Thierry Manten, 1er vice-président de la caisse centrale de la MSA.
« Je savais qu’il fallait mettre la balle dans le panier, mais à part cela, avant de commencer, je n’avais aucune idée des règles. » Andrée, 78 ans, est pourtant une sacrée sportive. « Je marche beaucoup, j’aime ça. » Il faut dire que le grandiose panorama isérois se prête à la balade, aux flâneries solitaires ou à plusieurs. Marie-Jo, 81 ans, en paraît 10 de moins. Son secret ? L’air de la montagne ? Peut-être, mais plus sûrement sa pratique assidue du sport. « Avec l’association, je pratique la marche le mardi, la gym le mercredi, le basket le vendredi et je vais à la piscine tous les jours. » Le sport fait partie de son hygiène de vie. « J’ai pratiqué le basket quand j’étais au collège. Vous imaginez… ça remonte un peu… Ici, on s’est fait des copines, disons qu’on saute sur la première occasion pour se voir même en dehors. »
« Il n’y pas de jugement entre nous. »
Adrien a aussi pratiqué ce sport. C’était il y a 60 ans, en pension. « Ce que j’aime, c’est qu’on bouge sans s’en rendre compte. La coordination n’est pas évidente au début mais on finit par y arriver. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est qu’il n’y pas de jugement entre nous. » Un fait que confirme Françoise Fagot, l’ancienne présidente du club de basket. « L’essentiel, c’est d’oser, d’accepter sa difficulté et de ne pas avoir peur du regard des autres. »
Avant de prendre sa retraite, Colette, 69 ans, ne faisait pas de sport. « J’ai bien fait des tentatives mais rien de suivi. Avant, mon rythme c’était : le travail, les enfants, les courses, la maison et rebelote. J’ai beau habiter la commune depuis toujours, je ne me suis vraiment fait des amis que depuis que je suis au club. » René 75 ans et Juliette 73 ans, mariés depuis 48 ans, tentent l’expérience du basket santé en couple pour la première fois. « C’est un prétexte pour travailler l’équilibre et la mémoire. C’est vraiment intéressant mais est-ce qu’on va trouver le temps ? » Les 40 ans de foot de monsieur et autant dans les champs n’ont pas entamé la vitalité des deux Isérois qui égrènent eux aussi un agenda touffu du lundi au dimanche, qui va de la randonnée à la belote en passant par la gym.
« J’ai trouvé dans le cadre de mes études que c’était pertinent par rapport à la localisation du club de proposer ce genre d’activités ici, explique Célia Omacini, jeune basketteuse et étudiante en brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS), qui est à la base du projet. Il y a une maison de retraite, un foyer logements pour personnes âgées mais aussi une unité de vie pour personnes souffrant de troubles psychiques, autant de publics qui peuvent tirer un large bénéfice de l’activité. Le basket est en effet un outil formidable pour aider à la prévention, à la lutte contre les chutes, à la reprise de la confiance en soi. Il permet de sortir de sa zone de confort pour évoluer, sortir de ses habitudes et simplement constater qu’on peut le faire. »
Mathieu Billon, le président de l’union sportive valdainoise basket veut aller encore plus loin en ouvrant l’activité aux personnes en situation de handicap. « En tant que handicapé et sportif, je sais les bénéfices que peut apporter le basket sur la santé mais aussi sur l’estime de soi. »
– Photos : © Alexandre Roger/le Bimsa
Génération actions : 11 actions primées
Le concours, qui existe depuis 2016, est organisé en partenariat avec la CCMSA et valorise les projets et les actions qui créent du lien social et de la solidarité, développent des relations entre les générations et luttent contre l’isolement.
Découvrez les autres lauréats :
• Cantal : Les Chênes / 93 adhérents – 235 habitants
Ce projet vise à donner la parole aux aînés de plus de 80 ans en retraçant leur vie afin de ne pas les laisser de côté, cela par plusieurs moyens : organisation d’un goûter festif en présence des familles et d’élus, animé par des témoignages, des récits, des anecdotes, une remise de diplômes et de cadeaux personnalisés ; visites à domicile ; rencontres avec les écoliers pour leur faire découvrir la vie d’autrefois. Grâce à ces différentes actions, les anciens se sentent revalorisés, écoutés. Certains ont retrouvé l’envie de sortir et d’aller vers les autres. Les familles sont également heureuses et émues que leurs aînés soient mis à l’honneur.
• Cher : les jardins de Victorine / 40 adhérents – 1 370 habitants (deux communes)
Grâce à ce projet qui consiste en la mise en place d’ateliers de soins animés par des bénévoles de Générations mouvement en partenariat avec l’Institut de soins ostéo-articulaires du Cher (ISOA 18) et la maison de santé pluridisciplinaire, les seniors sont accompagnés pour préserver leur autonomie et prévenir les risques de chutes.
Cette action autour de la prévention et de la santé crée du lien et de la solidarité. La sensibilisation est plus facile car les animateurs et animatrices sont des personnes du même âge, une « éducation par ses pairs » toujours très profitable.
• Gers : Les vignerons en culotte courte / 61 adhérents – 1 000 habitants (trois communes)
En accompagnant des groupes d’enfants de maternelle à l’occasion d’une sortie scolaire dans un vignoble gersois, le projet vise à éveiller la curiosité des petits pour leur environnement et à les sensibiliser aux savoir-faire du monde agricole. Ce projet répond également à la sollicitation de l’équipe pédagogique de l’école d’animer des activités et de faire découvrir les traditions de la région (carnaval, vendanges…).
La dégustation de raisins entre aînés et enfants au travers de ce rendez-vous annuel favorise un moment d’échange basé sur la tendresse, le plaisir de savourer un bon fruit. À la fin de la sortie, un fascicule illustré comprenant un reportage et des commentaires d’enfants est édité pour garder trace de ce moment partagé.
• Hérault : Anglais pour tous ! / 61 adhérents – 1 000 habitants (trois communes)
À travers l’organisation de cours d’anglais, les adhérents et les écoles primaires ont bénéficié d’ateliers de conversation donnés par des natifs installés dans la région, donnant à tous la possibilité d’améliorer sa pratique de la langue et de développer une meilleure connaissance de la culture anglaise.
Grâce à cette action, les adhérents d’origine britannique se sentent davantage impliqués dans les activités de l’association et les adhérents français améliorent leur pratique et communiquent mieux avec la communauté anglaise, très importante dans la région et en demande d’insertion dans la vie locale.
• Loire-Atlantique : Transmission de savoir-faire / 93 adhérents – 5 200 habitants
Ce projet d’initiation à la vannerie animé par les aînés pour des enfants de 8 à 12 ans promeut la transmission d’un savoir-faire traditionnel et la valorisation des personnes qui le maîtrisent. Il renforce d’autant plus le partage de connaissances entre générations et permet de donner de la notoriété aux activités de l’association autour de l’artisanat.
• Marne : Voitures du cœur de la bonne humeur / 104 adhérents – 756 habitants (Prix d’encouragement du jury)
Cette initiative a pour point de départ la solidarité envers les enfants hospitalisés. L’idée ? Offrir pour Noël des petits véhicules électriques pour transporter les enfants hospitalisés au bloc opératoire, en coordination avec l’équipe médicale, et ainsi dédramatiser ce moment source d’angoisse.
Pour changer de la traditionnelle collecte de fonds, l’opération a été financée par la vente d’objets de décoration, fabriqués à partir de matériaux recyclables par le collectif Les petites abeilles. Ces objets ont ensuite été vendus lors de différentes manifestations telles que la fête des vendanges, le marché de Noël et ont financé l’achat de véhicules pour les enfants.
• Puy-de-Dôme : À quoi jouais-tu quand tu étais enfant ? / 104 adhérents – 756 habitants
Ce projet a pour objectif de transformer la fête du 14 juillet en un moment de rencontre entre toutes les générations. Un travail en amont a été réalisé en partenariat avec la bibliothèque autour du jeu et du jouet afin de préparer des animations sur ce thème à cette occasion. Un après-midi de jeux a réuni tout le monde dans la salle de l’école, avec en parallèle l’organisation d’une activité pétanque sur la place du village. L’affiche de la journée du 14 juillet a fait l’objet d’un travail de groupe par les enfants des écoles.
• Pyrénées-Atlantiques : Le verger du château / 38 adhérents – 230 habitants
La mobilisation des bénévoles vise à sauvegarder les essences fruitières anciennes grâce à la plantation de 21 arbres fruitiers, un travail collectif qui a fédéré plusieurs associations ainsi que des écoles maternelles et primaires de sorte que tous les habitants ont pu en profiter. Cette action s’inscrit dans le cadre d’une requalification des espaces publics par la commune. Elle contribue également au bien-être, encourageant la consommation de fruits frais et la création de liens autour de la nature entre seniors et enfants.
• Savoie : Bien-être et harmonie / 123 adhérents – 680 habitants
Des activités de découverte de nouvelles techniques de bien-être facilement utilisables par les habitants sont mises en place par les bénévoles : diététique, récolte de sève de bouleau, fabrication de tisanes de jardins, connaissance de la flore médicinale, fabrication de produits d’entretien naturels, aromathérapie, réflexologie plantaire, pastoralisme, utilisation des produits de la ruche… Elles sont facilitées grâce à l’environnement riche en ressources naturelles de la région.
Ce projet allie découverte en commun de nouvelles pratiques autour du bien-être et amélioration de la qualité de vie des habitants. L’initiative est très populaire, notamment auprès des jeunes, en quête d’activités de ce type.
• Haute-Vienne : Folklore et générations / 74 adhérents – 2 063 habitants
Avec ses ateliers hebdomadaires de danse ouverts aux parents et aux enfants, le projet a relevé haut la main son pari : faire découvrir le folklore local et intégrer enfants et adultes autour d’une activité commune. La préparation d’un spectacle de danse qui nécessite adaptation, écoute et respect de l’autre, valorise tous les participants autour d’une activité ludique et artistique.