L’urgence était vitale. Le territoire du sud du Cher compte trois fois moins de médecins généralistes que la moyenne nationale. Il concentre également le plus fort taux de patients atteints d’affections longue durée ne disposant pas de médecins traitants de tout le pays. Dans ce contexte alarmant, les acteurs locaux ont uni leurs forces pour implanter une structure médicale centrale, à Charenton-du-Cher. Cette commune de 1 014 habitants n’avait plus de médecin depuis plusieurs mois.
Protagonistes Berrichons
La MSA Beauce Cœur de Loire (Cher, Eure-et-Loir, Loiret) fait figure de pionnière en matière d’amélioration de l’accès aux soins en milieu rural. La Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Sud 28 a, par exemple, été l’une des premières à voir le jour en France. « De longue date, nous luttons contre les inégalités liées à la santé, indique Arlette Rébert, médecin cheffe du service médical de la MSA. Ces dernières années, nous avons accompagné l’installation de maisons de santé pluridisciplinaires, comme celles de Sancerre ou de La Guerche-sur-l’Aubois ».
C’est donc « naturellement » que le conseil d’administration et les délégués de la caisse se sont investis pour le centre de santé de Charenton. « Le projet est plus que pertinent au vu de la situation locale, poursuit la responsable. Il répond à la détresse des habitants. » La MSA a contribué financièrement à sa mise en place (à hauteur de 30 000 euros). Parallèlement, cet engagement donnera lieu à des actions de prévention sur le territoire.
Un relais médical en secteur sinistré
« L’attente était grande, c’était une question de survie. » Clémentine Labouré, médecin, témoigne du sentiment de soulagement qu’elle a ressenti chez les habitants lors de l’ouverture des portes du centre. « Le premier jour des consultations, en février 2024, une trentaine de personnes faisait la queue devant le cabinet pour être reçues. Certaines étaient arrivées jusqu’à deux heures à l’avance, souligne-t-elle, encore stupéfaite. C’est dire l’ampleur de la crise. En une matinée, il y a eu plus de 500 appels au standard pour des demandes de prises de rendez-vous. Du jamais vu… »
C’est Médecins solidaires, à l’origine du projet et dont le Dr. Labouré est membre, qui gère le volet médical. « L’association regroupe des médecins de toute la France qui se portent volontaires pour se relayer dans un secteur sinistré durant une ou plusieurs semaines dans l’année afin d’assurer les consultations de médecine générale », explique la professionnelle de 29 ans. Ainsi, à Charenton-du-Cher, un praticien différent est accueilli chaque lundi au cabinet pour mener à bien le relais médical pendant 52 semaines. Une méthode unique qui fonctionne. « Ça bouleverse l’image qu’on peut avoir du généraliste classique, mais le système a tout de suite été accepté par les Charentonnais, remarque Arlette Rébert. Une famille de médecins plutôt qu’un médecin de famille ! »
Le patricien, généralement affecté hors de sa région d’origine, devient salarié de l’association le temps de son séjour. Ses frais de déplacement sont remboursés. Un logement, dans un gîte du village, et un véhicule sont mis à sa disposition. « C’est une aventure humaine enrichissante, tant pour les médecins que pour les patients, résume Clémentine Labouré, qui a rejoint Médecins solidaires à l’issue de son internat. La totalité des professionnels de santé ayant participé au dispositif souhaite réitérer l’expérience. »
Création d’emplois locaux
Cette organisation hors du commun demande une gestion et une logistique strictes. Celles-ci sont rendues possibles par le travail de deux coordinatrices en charge de l’administratif. « Notre rôle est d’épauler les médecins qui arrivent et de planifier les rendez-vous », détaille Mélanie Blin, coordinatrice au centre de santé. Cette habitante de Saint-Amand-Montrond, à 10 kilomètres de là, a rejoint le projet à l’issue d’une formation de six mois. « C’est une reconversion qui m’apporte beaucoup, c’est enrichissant de collaborer avec divers profils de médecins, se réjouit celle qui travaillait auparavant en crèche. Nous prenons contact avec eux une dizaine de jours avant leur arrivée dans le cadre de la continuité des soins. Chaque lundi, nous accueillons le professionnel en place. Nous disposons d’un temps pour lui présenter les locaux et le matériel avant de commencer les premières visites. »
Environ 100 consultations par semaine sont programmées, du lundi matin au samedi midi. Elles durent entre 20 et 40 minutes, pour les personnes reconnues en Affection de longue durée (ALD). Le planning est rapidement complet, jusqu’à deux mois à l’avance. « Beaucoup de patients n’étaient pas ou plus suivis en l’absence de présence médicale, y compris certains atteints de diabète ou devant recevoir un traitement régulier, déplore Clémentine Labouré, qui exerce habituellement à Paris). Le retour aux soins se fait progressivement grâce au partage et suivi des dossiers entre praticiens, ce qui permet de garantir une implication sur la durée. Le fait d’avoir plusieurs avis apporte aussi un regard croisé sur chacune des pathologies. » Une belle histoire s’écrit en plein cœur de la diagonale du vide.