L’unique cabinet médical de son village a fermé ses portes il y a quelques mois. Bec et ongles, il s’est mis en quête d’un nouveau médecin pour ses administrés. Pari réussi pour Gilles Noël. Une praticienne doit débarquer à Varzy, municipalité nivernaise de 1 255 âmes dont il est le premier édile, en septembre 2025.
Spécialiste de la santé en milieu rural et défenseur des territoires reculés, le représentant des maires ruraux se livre sur l’accès aux soins en milieu rural.
« De très nombreux bassins de vie sont concernés par ces inégalités territoriales. »
Gilles Noël, vice-président de l’association des maires ruraux de France.
Quel est l’état de l’accès aux soins en zones rurales en cette rentrée 2024 ?
En tant que maires ruraux, nous sommes les réceptacles des doléances de nos concitoyens. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne nous fasse part d’inquiétudes relatives à la pénurie de médecins, de dentistes ou d’ophtalmologistes dans nos campagnes. La situation reste tendue et la problématique est plus que jamais actuelle, voire préoccupante. De très nombreux bassins de vie sont concernés par ces inégalités territoriales. Beaucoup de municipalités ne peuvent compter que sur les infirmiers libéraux. Je pense notamment aux opérations hivernales de vaccination qui approchent – ou les services d’urgence (sapeurs-pompiers).
Comment peut-on contrer la désertification médicale selon vous ?
Pour agir, il faut connaître les particularités du terrain. À la suite du mouvement de contestation des gilets jaunes, où une France à deux vitesses était pointée du doigt, notamment en matière de santé, l’AMRF a engagé une série d’études pour documenter, comprendre le phénomène et argumenter. Elles portent sur l’accès à l’hôpital et aux cliniques, la surmortalité ou la santé mentale. En nous constituant une base de données et en communiquant, nous voulons interpeler l’opinion et les pouvoirs publics sur ces constats parfois dramatiques. C’est une étape importante et nécessaire qui permet d’œuvrer plus efficacement dans les territoires.
Quels sont les résultats les plus marquants de ces études ?
Deux conclusions m’ont particulièrement marqué. La première : un enfant qui naît en zone rurale a une espérance de vie plus courte que s’il était né en ville, jusqu’à deux années de moins. Deuxièmement, celle qui indique que les habitants en milieu rural ont moins recours aux soins hospitaliers (- 20 %). Ils utilisent aussi jusqu’à 30 % en moins de séances de soins en établissement (dialyse, chimiothérapie, etc.). En clair, faute d’accès équitable aux soins, on déplore un renoncement de la population rurale qui creuse la fracture sanitaire dans notre pays.
La réponse à cette rupture est collective…
Tout à fait. Notre ambition est de construire des réponses de manière globale, avec les élus, les conseils départementaux, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les organismes de protection sociale, mais aussi le Conseil national de l’Ordre des médecins ou le Parlement à travers des auditions. C’est ensemble que nous pourrons bâtir des stratégies communes pour rapprocher médecines des villes et des campagnes.
12 000 communes
adhèrent à l’Association des maires ruraux de France.
Quels leviers actionner à l’échelle d’une commune ?
Les maires ont pour rôle de créer les conditions du changement. Ils se doivent d’être force de proposition et de prendre le taureau par les cornes. Pour attirer les professionnels de santé, un village peut faire valoir son cadre de vie avant tout. Il faut être à l’écoute et attractif, notamment sur le volet extra- professionnel : immobilier, écoles, solutions de garde d’enfants, installations sportives, environnement, animations… Bien sûr, la médecine évolue et il est important de disposer de locaux adaptés pour accueillir un médecin. C’est également valable pour maintenir les vétérinaires ruraux dont la profession souffre des mêmes problématiques.
Quelles solutions émergent ?
Deux initiatives territoriales rassemblent et rationnalisent : les communautés professionnelles territoriales de santé et les maisons de santé pluridisciplinaires. Ces dispositifs fonctionnent bien à condition de couvrir la totalité d’un territoire donné et que les élus ne se fassent pas la guerre pour les accueillir au sein de leurs circonscriptions. Ils sont nécessaires mais pas suffisants à ce jour. En revanche, ces collectifs d’acteurs de santé sont efficaces pour former des stagiaires ou étudiants en espérant les garder par la suite.
Ces initiatives locales atteignent-elles parfois leurs limites ?
Oui, certaines communes mettent à disposition des bâtiments, offrent des loyers, payent des frais de déplacements… Nous ne voulons pas être pris pour des tiroirs-caisses ! En ce qui concerne l’accès aux soins en milieu rural, l’argent n’a rien résolu depuis 30 ans. C’est dans la durée, avec des solutions pérennes et des politiques fixes pour garantir le suivi régulier des patients, qu’il est nécessaire d’œuvrer au nom de la proximité.
Dans ce contexte, la télémédecine fait-elle ses preuves ?
L’offre de santé s’étoffe en termes de télémédecine, parallèlement au déploiement d’un réseau Internet plus qualitatif sur le territoire. Plébiscitée pendant la pandémie liée au Covid-19, qui a permis une accélération de son développement en ruralité, les consultations à distance sont devenues une habitude. Dans certains villages, notamment dans ceux qui ont encore une pharmacie, des points (ou bornes) de téléconsultation voient le jour et permettent aux habitants de garder un lien avec un praticien. Cette pratique reste un moyen de transition, qui ne remplace pas le contact direct, et qui doit privilégier les consultations avec un professionnel en local, dans un rayon géographique limité.
Les maires ruraux se réunissent en Côte-d’Or du 27 au 29 septembre
Des maires au service des maires. Créée en 1971, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) porte la voix des communes enracinées dans les territoires pour défendre leurs enjeux spécifiques. Son objectif est de fédérer, informer et représenter les maires des communes de moins de 3 500 habitants. Aujourd’hui, 87 associations départementales représentent ces maires auprès des interlocuteurs publics et des services déconcentrés de l’État.
Ces derniers se retrouveront du 27 au 29 septembre à Arceau, en Côte-d’Or, pour le congrès national de l’AMRF. Les discussions porteront sur les liens de proximité entre les communes et les conseils départementaux. La MSA Bourgogne participera à cette manifestation, et la CCMSA interviendra lors d’une table ronde.