Au début du mois de juillet, près de 1 500 spectateurs étaient attendus à Valdivienne, dans la Vienne, pour l’Art’cacius festival. Une journée de concerts et de spectacles d’arts de rue dans cette commune de 2 700 habitants. Ce projet a été lancé il y a cinq ans par Élodie Ranger. « Chez nous, pour aller voir une expo ou un concert, il faut se rendre à Poitiers et parcourir 60 kilomètres aller-retour », explique cette employée de mairie de 33 ans, originaire de la région.

Avec une amie, elle émet l’idée d’un festival à proximité. Elle réunit ses proches, ses amis et toutes les bonnes volontés du voisinage pour créer une association. Et en août 2022, après des mois de préparation, la première édition voit le jour. « On était vraiment fiers », se souvient l’organisatrice du festival.

Naissance du projet

Une idée, un lieu, des copains, c’est ainsi que naissent nombre de festivals ruraux. Emmanuel Négrier, coauteur de Création et devenir des festivals en France (Presses de Sciences Po, 2025) et professeur en sciences politiques, le confirme : « En zone rurale, la dynamique de création obéit davantage à ce qu’on appelle en sociologie “la force des liens forts” : les équipes, pour la plupart bénévoles, sont souvent constituées d’amis, de membres de la famille, de connaissances. Alors qu’en ville, les groupes se forment davantage par le réseau professionnel, sans forcément se connaître personnellement. »

Festival Art Caciuex, Vienne
À Valdivienne, le festival Art’cacius a été créé par deux amies. Sa 4e édition a rassemblé 2 000 personnes début juillet.

Les chiffres de l’étude du Centre d’études politiques et sociales (Cepel, 2025) indiquent que 58 % des membres de l’organisation des festivals ruraux mentionnent des liens familiaux contre 21 % dans les grands centres urbains. Mais cette proximité comporte aussi des inconvénients.

« Il faut réussir à mettre de côté les rapports amicaux pour faire aboutir le projet, souligne Élodie Ranger. Parfois, il peut y avoir des désaccords et il n’est pas toujours facile de recruter des bénévoles. » Malgré ces écueils, l’aventure continue : Art’cacius fête cette année sa quatrième édition.

Au-delà de l’art

Paul Bourgeois espère de son côté que son projet aura au moins la même longévité. À 18 ans, avec une dizaine d’amis rencontrés au Club ados local, il a lancé début juillet le festival Les Nouvelles étoiles, à Oulchy-le-Château, commune de 800 habitants entre Soissons et Château-Thierry, dans l’Aisne.

L’initiative est subventionnée à hauteur de 2 500 € par la MSA via son Appel à projets jeunes. « On voulait montrer qu’on était capable de créer un événement qui apporte de la culture en milieu rural », confie Paul Bourgeois. Le festival propose une programmation musicale orientée rock et pop à tarif modique (8 € pour deux jours). Un compromis entre exigence artistique et accessibilité. Car ici, l’enjeu n’est pas seulement de promouvoir une discipline.

Selon le Cepel, la motivation principale de plus de 30 % des organisateurs ruraux interrogés est de « revitaliser le territoire ». Dans les zones rurales les plus dispersées, « créer du lien social » est l’impératif majeur pour 34 % des sondés. Car la préparation d’un festival rassemble les individus et fédère les énergies. « Pendant des semaines, abonde Emmanuel Négrier, les équipes travaillent à l’organisation, cherchent des lieux pour accueillir des spectacles, etc. C’est une façon de “faire société” par la culture, et aussi de “faire culture” par la société. »