« Il y a un réel besoin de communiquer sur le monde agricole et d’apporter de la nuance au débat. » Pour défendre sa vision de l’agriculture, Maryse Dallene, sous-directrice de la MSA Picardie, a volontiers parcouru la centaine de kilomètres qui sépare Amiens de Vieux-Manoir, en Seine-Maritime, où s’est déroulée la 11e édition des Terres de Jim, la plus grande fête agricole en plein air d’Europe, organisée par le syndicat des Jeunes agriculteurs (JA). L’organisation professionnelle, qui revendique 50 000 membres, veut faire entendre sa voix.
« Confronter le grand public à la réalité »
Entre les ateliers, les animations et les concerts, Rémy Silly, délégué régional JA de la région Centre-Val de Loire est ravi de pouvoir échanger avec ses pairs dans cette ambiance festive et décontractée, mais aussi politique. « On n’est pas uniquement là pour prendre l’apéro avec nos confrères, sourit-il. Le panier moyen consacré à l’alimentation est en baisse constante depuis les années 1960. Il faut que les consommateurs et les pouvoirs publics comprennent que produire en France a un coût et qu’il est nécessaire d’investir. Je pense notamment que la filière fruits et légumes doit être largement relocalisée. » Selon France Agrimer, près d’un fruit ou légume sur deux consommé en France est importé.
Un mélange de revendications et de bonne humeur qu’on retrouve au stand de la chambre d’agriculture de Seine-Maritime, où sa présidente Laurence Sellos veut montrer que : « Le monde agricole, ce n’est pas que les barrages et les manifestations. Nous voulons confronter le grand public à la réalité de notre métier, expliquer que l’équilibre de la production française est fragile si l’on ne veut pas dépendre d’autres parties du monde pour se nourrir. Je pense notamment aux volailles, aux œufs et aux bovins. C’est indispensable si l’on souhaite attirer des jeunes dans le métier. » Un vrai défi alors que près de la moitié des exploitants en activité seront à la retraite d’ici 10 ans.

Des apprentis la tête sur les épaules
Ce défi, Colin Nicol est prêt à le relever. Bénévole pour Les Terres de Jim, il est actuellement en formation pour obtenir le bac agro équipement à la maison familiale et rurale de Buchy, située à une trentaine de kilomètres au nord de Rouen. S’il n’est pas fils d’agriculteurs, ce grand gaillard de 17 ans a toujours vécu à la campagne et se souvient être monté sur le tracteur de ses voisins tout-petit. Il est actuellement en stage chez un vigneron des Corbières, en Occitanie. « Comme tous les gens de ma classe, j’aime vraiment ce que je fais, indique-t-il, je savoure le bonheur de travailler dehors. J’aimerais m’installer en Normandie, où les terres sont fertiles et les nappes phréatiques en bon état. »
Également bénévole le temps du week-end, son camarade de classe Baptiste Servaes, 16 ans, est toutefois conscient des difficultés. « Lors de mon premier jour de travail, mon patron, blasé, m’a dit que ce métier n’avait pas d’avenir. » Mais lui garde la tête sur les épaules et a déjà réfléchi à son business plan : « Je sais que la petite exploitation à l’ancienne, c’est fini, il faut se réinventer. J’aimerais m’installer en polyculture tout en montant une entreprise de machinisme agricole pour proposer des prestations de moissonnage par exemple. »
Tout près de ces deux apprentis, des petits écoliers ont chaussé leurs bottes en caoutchouc pour piétiner les chemins de terre et participent à des animations découvertes afin de tout savoir sur les plantes et végétaux locaux.


Au pays du lin
C’est le cas du lin, dont 75 % de la production mondiale est cultivée sur une zone allant de la Normandie aux Pays-Bas, en passant par les Hauts-de-France. 131 000 hectares sont plantés en France, notamment dans le pays de Caux, en Seine-Maritime, surnommé le Pays du Lin. Le secteur, qui fait travailler près de 11 000 liniculteurs, est bien sûr à l’honneur aux Terres de Jim.
Les membres de l’association générale des producteurs de lin évoquent le dynamisme de la filière dont la surface agricole a augmenté de 133 % en 10 ans. La plante est un emblème de la production régionale très appréciée à l’international, notamment en Asie. L’immense majorité du lin textile normand est en effet consacré à l’exportation. Cependant, une nouvelle filature ouverte il y a trois ans commercialise des vêtements made in Normandie sous la marque Lin de France.
Près de 75 000 personnes ont assisté à ces trois jours de foire. Les visiteurs du vendredi étaient largement composés de scolaires. Samedi et dimanche, le grand public a répondu présent. Tout a été fait pour l’attirer : tapis à mémoire de forme pour le repos des vaches, machines à traire hightech et tracteurs rutilants et surtout le concert de Black M ou encore les courses de tracteurs- tondeuses largement bidouillés pour être transformés en engins de circuit, avec quelques cascades à la clé. Comme un symbole d’un monde agricole riche, semé d’embûches mais qui cherche à s’adapter.
Un village MSA au cœur normand
Un bon coup de pédale pour la bonne cause : les visiteurs du village MSA pouvaient participer au défi vélo solidaire, où chaque kilomètre parcouru était transformé en don pour la Ligue contre le cancer. 781 euros ont été récoltés pour l’association.



Par ailleurs, le décor des stands, composé notamment de trompe-l’œil de maisons à colombages, s’inspirait de la commune de Ry, en Seine-Maritime. « Cela représente notre ancrage sur le territoire, explique Marie Garnavault, sous-directrice de la MSA Haute-Normandie. Nous avons su montrer la force de nos différents services pour proposer le meilleur accompagnement à nos adhérents. »
Durant trois jours, sur le village réalisé en collaboration avec l’Union des fédérations agricoles normandes, les milliers de curieux ont pu tester le simulateur de tracteur, jouer à un mikado géant, se sensibiliser à la prévention du cancer du sein et bien sûr s’informer sur les différents services de la MSA et ses partenaires (Présence Verte, MSA Services Haute-Normandie, MSA Tutelles 27, l’association de vacances de la Mutualité agricole et l’association de santé, d’éducation et de prévention sur les territoires).
Autres temps forts : la table ronde sur le glanage solidaire animée par Solaal (l’association de Solidarité des producteurs agricoles et des filières alimentaires), la signature d’une convention entre la MSA et France Travail pour dynamiser l’emploi agricole ou encore la visite du réalisateur Édouard Bergeon.
La présence en nombre des délégués MSA, maillons essentiels de la Sécurité sociale agricole sur les territoires, a été saluée par Grégoire Petit, président de la MSA Haute-Normandie : « Nous avons vu beaucoup de délégués, et notamment des jeunes. Une cinquantaine a participé activement à l’animation du village durant tout le week-end et une centaine est venue le découvrir »