À quoi pensez-vous en vous réveillant le matin ? « Je pense que je me lève pour nourrir la planète », confie Anna Boucard. Le thème de la superhéroïne est planté. Et tout de suite après vient, des semences dans les yeux, ses pépites à elle : « Je me demande ce que je vais pouvoir poster sur les réseaux sociaux pour valoriser l’agriculture ! ». On tient là nos superpouvoirs.

Wonder fermière

Elle est présente sur Instagram, Facebook et Twitter (elle manie moins bien LinkedIn mais elle n’a pas renoncé). Dans quelques milliers d’années, quand des anthropologues mèneront des recherches sur notre civilisation, ils tomberont peut-être sur les fossiles du premier spécimen d’humain augmenté. Anna concourt en bonne place pour devenir la future Lucy.

Autant évacuer le sujet tout de suite, foin du pathos : si Anna est bien pourvue d’une panoplie de « dons » que nous allons découvrir, elle est aussi atteinte du poumon du fermier, depuis 2016. Cette maladie est connue également sous les noms d’alvéolite allergique extrinsèque ou plus généralement de pneumonite d’hypersensibilité. Elle est ordinairement causée par la respiration de poussières de foin moisi, de paille, de maïs, d’ensilage, de céréales, de grains et de tabac, entre autres. L’équivalent de la kryptonite, ce matériau imaginaire utilisé par les ennemis de Superman pour lui nuire.

« C’est en courant après une vache que je me suis rendu compte que je n’avais plus de souffle. J’ai beaucoup perdu de ma force musculaire. Les journées chaudes, je reste cloîtrée à la maison. » Ce qui n’empêche pas notre Wonder fermière d’être partout (don d’ubiquité).

À 53 ans, avec son mari Jean-François, Anna est à la tête d’une exploitation en polyculture élevage de 120 hectares ― à Bournois, dans le Doubs ― sur laquelle batifolent 42 vaches de race montbéliarde.

Leurs 420 000 litres de lait par an sont transformés par la fromagerie de Clerval en emmental grand cru label rouge ― « une fabrication artisanale au lait cru pour donner un fromage à trous avec des saveurs d’autrefois », dit la publicité ― et en Comté.

Après avoir été pompiste, entre autres, elle reprend l’exploitation de ses beaux-parents en 2004. Aujourd’hui, elle opère en agriculture raisonnée et elle dit : « C’est un métier qui n’est pas reconnu à sa juste valeur, sans compter les rapports avec le voisinage : les gens pensent que quand on arrose dans les champs tôt le matin, c’est pour se cacher. Non ! C’est pour préserver la biodiversité. Nous n’apportons à la plante que ce dont elle a besoin, comme nous quand nous allons chez le médecin. Et pour les animaux, c’est comme pour les êtres humains : les antibiotiques, c’est pas automatique ! Malgré tout, cela reste un beau métier : enrichissant, polyvalent. » (don de positivité).


Quelle personnalité admirez-vous ? « Moi-même » (rires). Don de je-me-la-pète ? Pas du tout ! Il faut entendre Anna le dire avec naturel et spontanéité. En fait, elle assume. Personne n’est venu la chercher pour lui demander de se présenter comme candidate aux élections de la MSA, il y a 12 ans. « Je m’apercevais que les gens rencontraient des difficultés et qu’il fallait les aider » (don de solidarité).

Si elle s’est investie de nombreuses fois dans les actions de terrain ― 923 bonnets vendus sur Internet et un euro reversé pour chaque à l’association Oncodoubs dans le cadre de la campagne de sensibilisation au dépistage du cancer du sein Octobre rose, par exemple ― elle regrette cependant son manque de visibilité en tant qu’élue du régime agricole (le don d’invisibilité ne fait pas partie des capacités des superhéros de ce genre).

Batman et Robin

Elle milite pour une amélioration de la relation client. Pour la remontée des situations particulières à la MSA de Franche-Comté, elle utilise un équipement de sa panoplie : le SMS à l’animateur de l’échelon local, qui transmet aux services techniques compétents ! Elle est très active dans trois groupes privés de femmes sur Facebook : « La parole des agricultrices se libère. Il y est aussi beaucoup question d’entraide. »

Récemment, Anna a ouvert un site en ligne, Agricultrice solidaire, étendu aux hommes (don d’initiative). Elle permet à chacun de témoigner de sa solidarité en achetant casquettes, bonnets, doudounes, mugs, tee-shirts, blousons… à l’effigie d’Agricultrice ou Agriculteur solidaire.

Enfin, Anna, comme beaucoup de superhéros, se drape d’une cape : elle est aussi l’ambassadrice de l’association #agridemain, « premier mouvement rassemblant les principales organisations professionnelles du secteur agricole autour d’une vision commune de l’agriculture », selon le site Internet dédié. Ainsi, elle s’engage notamment à exercer son métier en valorisant des modes de production et d’élevage durables et responsables.

C’est à cet instant précis que l’on aperçoit se profiler à l’horizon la joyeuse ribambelle des élèves de CM1-CM2 de l’école de Fallon, le village d’à côté. Anna avait annoncé leur venue (dons de supervision et de superaudition). Le temps est au beau fixe (don de contrôler la météo). La visite de la ferme va pouvoir débuter.

Ce n’est que le début d’un week-end de portes ouvertes surhumaines organisées dans le cadre des journées nationales de l’agriculture (JNAgri), avec pour compagnon d’armes, la MSA de Franche-Comté : présente aux côtés d’Anna, telle Robin (prononcez « robine ») auprès de Batman, pour l’accompagner dans l’organisation et pour faire de la prévention sur les cancers, les risques respiratoires (réseau pathologies respiratoires agricoles national-Repran) avec un médecin du travail, les risques solaires et la maladie de Lyme.