Caché dans la forêt de Crépy, dans l’Aisne, au lieu-dit La Poudrière, protégé par de hautes grilles et des barbelés, le centre interdépartemental de déminage de Laon est un site protégé de 80 hectares. Un endroit qui impressionne par son allure de Zone 511.
Gilles Soreau nous y accueille vêtu de son uniforme de la sécurité civile. « L’automne est une saison charnière pour le déminage. Avec les travaux des champs – campagnes d’arrachages des pommes de terre, des betteraves, les labours et les semis qui remuent la terre – nos interventions sont plus nombreuses. » Sur le qui-vive et volontiers expansif sur son métier, l’émérite chef de centre a voué sa carrière à la lutte « intraterrestre » contre les engins explosifs.
11 000 munitions manipulées par an
Il y a 110 ans, la Première Guerre mondiale faisait rage, laissant marqués à jamais les sols français. Sur un milliard d’obus utilisés pendant le conflit, le quart n’aurait pas encore explosé. « Ces munitions remontent à la surface du sol au fil du temps. Elles peuvent provoquer accidents et pollutions. Notre mission est de les enlever et les détruire. »
Celui qui est devenu démineur pour l’armée française en 1986 dirige aujourd’hui une brigade de 18 professionnels. « Nous manipulons environ 11 000 munitions chaque année, la plupart datent de 14-18 et sont découvertes par des agriculteurs sur l’ancienne ligne de front. » En fonction du degré d’urgence, les équipes peuvent être mobilisées 7 jours sur 7, de jour comme de nuit, pour intervenir.
« Neutraliser une bombe nécessite de posséder des capacités d’analyse et d’adaptation car une part d’inconnue et de risque réside en chaque mécanisme. De plus, les gros calibres peuvent peser jusqu’à plusieurs tonnes et être situés dans divers lieux : cours d’eau, centres-bourgs, caves… » Habitué à faire de la prévention, le responsable rappelle ainsi qu’une demande d’enlèvement d’engins de guerre et des mesures conservatoires doivent impérativement être mises en place par les maires ruraux en attendant l’arrivée des services de déminage.
Le quotidien des démineurs
Des champs à l’Élysée
Le quotidien de démineur ne se cantonne pas à effacer les traces du passé. Il est directement lié au présent et à l’actualité. « Une partie de notre travail consiste à sécuriser les voyages officiels du président de la République. Nous sommes également impliqués dans la lutte anti-terroriste et avons participé à la protection des sites olympiques lors des JO de Paris. »
Gilles Soreau est aussi déjà intervenu à l’étranger, au cœur de territoires marqués par la guerre, comme dans les Balkans. Périples qui l’ont profondément marqué. L’homme de 61 ans tient à transmettre son expérience et former ses confrères, comme prochainement des démineurs ukrainiens. « Dans cette profession, il est important de partager les compétences dans le cadre d’échanges gagnant-gagnant. Chaque cas est particulier et la remise en question est donc vitale. » Paroles de féru d’obus.
(1) La Zone 51 est une base militaire hautement secrète située dans le désert du Nevada, aux États-Unis.