D’un trait, il lâche ses tweets incendiaires pour clouer le bec de ceux qui ne savent pas et profèrent des « bêtises » sur l’élevage, l’agriculture et les agriculteurs, qu’il s’agisse de personnalités politiques (les « fous écolos » en tête), d’asso­ciations militantes (comme les antispécistes), d’animateurs télé ou de gratte-papiers, signant même au journal Le Monde. Tous ces « sachants » autoproclamés sur des sujets que l’éleveur connaît sur le bout des doigts en prennent pour leur grade depuis 2013, année où il s’avise de gazouiller sous le nom d’Étienne Agri (@agrikol).

Cette vidéo aux millions de vues démonte les fausses idées véhiculées sur l’élevage et le traitement des bêtes.

Défense du monde agricole

Le ton des messages se teinte de l’humeur de l’instant (colère, indignation ou ironie) et de l’humour avec lequel il se plaît depuis toujours à arroser la vie. Le format court des tweets (280 caractères) favorise le jeu des saillies, des clashs et des punchlines, à coup de mentions (ou d’inter­pellations avec le symbole @), ce dont il use et abuse avec gourmandise au gré des sujets d’actualité qui ont le chic de mettre à l’index le monde agricole pour une raison ou pour une autre.

« J’ai beaucoup de respect pour les abonnés et la communauté.
C’est grâce à eux que ça fonctionne. »

Ces temps-ci, l’eau et le dérèglement climatique ont les faveurs de la twittosphère, sécheresse oblige. Que les promoteurs de solutions imaginées sur le dos des paysans se le tiennent pour dit. À 41 ans, Étienne Agri appartient à la génération des professionnels agricoles qui ne laissent plus personne parler à leur place, osent s’exposer sur les réseaux sociaux et même prennent plaisir à le faire pour redorer le blason du monde agricole et apporter la contradiction.

Sur Twitter, fort de ses 29 700 abonnés, il s’amuse à faire contre­poids aux détracteurs. Ferrailler afin de débusquer les inco­hérences, les imprécisions, les erreurs voire les mensonges sur la profession ne lui fait pas peur. Il en a la férocité. Et aussi l’expérience : il a officié activement pendant quatre ans au sein du syndicat Jeunes agriculteurs. « Comme je n’allais plus aux réunions, j’ai continué à faire mon métier sur twitter. »

Á lire aussi : Thierry Bailliet agriculteur et influenceur d’aujourd’hui

Les portes grandes ouvertes sur sa ferme

Avec les vidéos publiées sur sa chaîne Étienne Agri youtubeurre, l’éleveur de vaches laitières, au débit de mitraillette, ouvre grandes les portes de sa ferme et complète autrement sa défense et illustration d’un métier et d’un milieu méconnus ou mal connus. En donnant à voir l’activité exercée au quotidien, dans ses différents moments, allant de la traite, aux soins apportés aux bêtes en passant par la distribution des rations de nourriture et la rénovation du bâtiment, c’est la réalité qu’il offre au grand public, donnée en partage sans fard ni filtre, tout juste égayée par l’enthousiasme du vidéaste, ravi de dévoi­ler son métier.

« Le but est de parler aux consommateurs. Ces derniers n’ont aucune idée de la façon dont fonctionne une ferme. Donc il faut l’expliquer simplement, être souriant et un peu drôle. Ça passe toujours mieux. » La recette marche : en juillet dernier, il a atteint les 100 000 abonnés. Un score pour lequel il reçoit une récompense de la plateforme vidéo. « Il s’agit d’un joli cadre en métal avec le logo YouTube. Et mon nom dessus. C’est pas mal. »

Les 100 000 abonnés

Pour défendre le monde agricole, il faut en passer par là. « C’est tout nouveau que les agriculteurs prennent la parole ainsi, signale-t-il. Dans les messages que je reçois, les collègues sont très heureux qu’un des leurs s’expose, explique comment ça fonctionne et que ça marche bien. » Dans les campagnes, à l’en croire, la loi du silence est omniprésente. Les mentalités peinent à changer. Pour la majorité des agri­culteurs, ce qui prévaut, c’est : « Pour vivre heureux, vivons cachés. » « Sauf que ça ne marche plus aujourd’hui. »

Photos : DR.