« Patrick, 68 ans, sympathique et blagueur, exploitant en bio et éleveur de canards cherche une personne passionnée et impliquée pour sa ferme. » Ceci n’est pas une annonce publiée sur un site de rencontres. C’est pourtant (presque) ce qu’on aurait pu lire sur l’un des écriteaux posés sur l’une des tables de la MFR d’Aire-sur-l’Adour, commune des Landes de 6 200 habitants.

La chambre d’agriculture y a tenu un farm dating spécial installation. L’événement a été organisé en partenariat avec le Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) Adour-Chalosse-Tursan, Agrobio (groupement d’agriculteurs bio) et l’Association pour le développement de l’emploi agricole et rural des Landes (Adear 40).

Reprenant le principe du speed dating amoureux, le farm dating a pour but de proposer des rencontres rapides en tête-à-tête entre des agriculteurs cédant leur exploitation ou en recherche d’associés et d’éventuels repreneurs intéressés.

Partage d’expériences

Ce jour-là, ce sont trois cédants qui se sont assis autour d’une table attendant de pied ferme un futur repreneur. Enfin… presque ! Cette fois, la rencontre a pris une tournure un peu particulière. En effet, ce sont de jeunes apprenants à la MFR en métiers de l’agriculture, grandes cultures et polyculture-élevage qui jouent le rôle de potentiels repreneurs. Peu de chances donc pour qu’un « mariage » se noue mais une belle manière de partager des expériences de vie et de projets. Ce Farm dating est d’abord l’occasion pour les jeunes de découvrir d’autres parcours. Mais c’est aussi l’occasion de se poser des questions, de confronter des expériences, de mûrir leur projet.

C’est une manière de « planter une graine qui germera au fil du temps », comme l’explique Sabine Dauga du conseil départemental des Landes. Elle est là pour présenter l’espace-test Etal 40. Un dispositif d’accompagnement innovant, à destination de futurs exploitants agricoles (lire en page 14 pour en comprendre le principe). Pour Anaïs Balian, conseillère installation et transmission et Philippe Davaud, de la chambre d’agriculture des Landes, qui ont co-organisé l’événement, ces moments de rencontres sont importants dans le parcours des apprenants. Même s’ils n’ont pas forcément de projet immédiat d’installation, « se confronter à d’autres expériences nourrit leur réflexion », notent-ils.

Avec des parcours très différents, les trois cédants ont partagé leurs expériences et répondu aux questions des jeunes toute l’après-midi.

Foncier, retraite, enfants qui ne souhaitent pas reprendre l’exploitation familiale… Les agriculteurs ont abordé des problématiques dans lesquelles les élèves déjà investis professionnellement peuvent facilement se reconnaître.

Trouver un repreneur : le parcours du combattant

Patrick Darrigade, agriculteur en bio à Pomarez et éleveur de canards, est à la retraite. Avec une petite exploitation comme la sienne, 30 hectares, il conseille aux apprenants de se démarquer. Il a fait le choix du bio et de faire de la transformation. « Avec ce genre de configuration, je préconise par exemple l’élevage de petits ruminants. Cela permet de fabriquer du fromage de chèvre ou de brebis et d’avoir une carte supplémentaire en main », note l’agriculteur de 68 ans.

François et Claudette Lalanne, 57 et 58 ans sont agriculteurs à Arboucave. Ils espèrent trouver un repreneur avant la fin de l’année 2026, dernier délai avant la retraite. Pour l’instant, ils n’ont pas encore vraiment cherché mais ils sont inscrits au registre de la chambre d’agriculture. Cette rencontre leur permet aussi de concrétiser leur projet de vente.

Quant à Guillaume Larrieu, 36 ans, c’est un nouveau défi qui l’a poussé lui et sa conjointe Christelle, à vendre leur ferme à Aire-sur-l’Adour pour en acheter une nouvelle dans le Gers. « Nous avons une petite structure de 30 hectares et des terres dispersées. Nous nous sommes associés à une foncière agricole [entreprise à mission qui facilite l’installation], pour acheter notre nouveau terrain. Nos 40 hectares seront cette fois en un seul morceau. »

Au-delà de l’aspect professionnel, les élèves de la MFR ont pu aussi profiter de conseils donnés par leurs aînés qui dépassent parfois le cadre « professionnel ». Guillaume a par exemple abordé la question du travail en couple. La règle qu’ils se sont fixée est simple : pas de boulot dans l’enceinte de la maison (et tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler !). On parle de speed (farm) dating non ?

Installation : des projets à bâtir

Certains ont déjà un projet bien défini, comme Pierre, 19 ans, qui a déjà fait deux ans de menuiserie. Pour lui, tout est déjà planifié : il reprendra d’abord la ferme de son patron. Puis, quand ses parents partiront eux aussi à la retraite, il reprendra les terres familiales. Il pourra continuer le maraîchage, la production de fraises et de melons. Le clou du projet « récupérer la maison de mes grands- parents au milieu des terrains et la retaper pour en faire des logements pour les personnes en difficulté ou en réinsertion », explique ce jeune motivé.

Pour d’autres au contraire, les projets sont plus flous. Certains savent qu’ils vont reprendre l’exploitation familiale. D’autres n’ont pas de parents dans le milieu agricole et devront trouver une exploitation hors-cadre familial. D’autres parlent quant à eux parlent de s’associer…

Dans les Landes, pour favoriser l’installation des agriculteurs et faire avancer les problématiques agricoles du territoire, élus, associations et organismes se sont mis autour de la table. Ils organisent ainsi des comités de pilotage pour faciliter l’échange entre cédants et repreneurs. « Depuis deux ans, des cafés paysans sont montés sur toute la région », explique Sophie Ducher de l’Adear 40, l’Association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural. Mise en relation, médiation, accompagnement à l’installation…

Pour Matthieu Duchaussoy, chargé de développement économique du Pôle territorial. « Tous les acteurs du secteur marchent main dans la main pour répondre aux besoins existants et les élus s’impliquent sur ces problématiques. On se rend compte de l’importance d’un travail collectif. »