Des airs de bout du monde
Les rayons du soleil, qui tapent déjà très fort malgré l’horaire matinal et les températures dignes d’un été austral, donnent des airs de bout du monde au Dorat, petite ville de 1 700 habitants, nichée au cœur de la Haute-Vienne. Une atmosphère surchauffée idéale pour accueillir une compétition où les Néo-Zélandais, les Australiens et les Gallois, trustent souvent les premières places : le championnat du monde de tonte de moutons. Pour cette 18e édition, organisée du 4 au 7 juillet, ils n’ont pas dérogé à la tradition. Chez eux, décalage horaire ou pas, tout le monde s’arrête pour regarder l’événement retransmis en direct à la télévision.
Un mondial très show
Au Dorat, la rencontre qui accueille des compétiteurs de 34 pays vient à peine de démarrer et pourtant les allées du village éphémère, construit de toutes pièces dans les pâturages par une armée de bénévoles en seulement quelques jours, résonnent de l’enthousiasme communicatif des speakers craché par les haut-parleurs. Des commentateurs qui s’égosillent jusqu’à perdre haleine en commentant en français mais aussi en anglais es matches qui se succèdent à un rythme endiablé. Trois catégories sont au programme : tonte à la machine, tonte aux forces (aux ciseaux) et tri de laine. La MSA est sponsor de la catégorie «tonte à la machine femmes».
Entre les Jeux Olympiques et le salon de l’agriculture
L’ambiance se situe quelque part entre les Jeux Olympiques, avec ses athlètes bronzés aux muscles saillants qui se concentrent avant les épreuves, et le salon de l’agriculture, avec ses éleveurs heureux de partager leur savoir-faire avec un public venu en nombre. 62 000 personnes ont arpenté les allées du mondial, installé dans le Limousin, au cœur de la première région agricole de France pourtant peu habituée à ce genre de compétition. 26 200 visiteurs dont 5 000 enfants rien que pour le dimanche. Un véritable exploit, tant l’élevage du mouton en France est d’abord et avant tout orienté vers la production de viande et de fromage et beaucoup moins vers la laine. Plus de 90 % des bouclettes made in France sont exportées en vrac sans être valorisées. 8 000 kilos de laine seront tondus sur les 5 000 moutons engagés pendant les quatre jours.
Une juge australienne sur le stand MSA
À l’ombre des étendards du monde entier qui dansent au rythme lent d’un vent paresseux dans une chorégraphie désordonnée et à l’abri du tumulte et de la chaleur, Realen Laidlaw a trouvé refuge sur le stand de la MSA. La juge australienne est en train de se faire dorloter par Frédérique, réflexologue plantaire. Un pur moment de plaisir égoïste que cette professeure de tonte dans le civil assume parfaitement.
Les quatre jours de compétition seront rudes non seulement pour le corps des 300 athlètes engagés mais aussi pour le sien. Elle a trouvé là une bonne façon de recharger ses batteries et de se remettre des 16 708,62 km qu’elle vient de parcourir pour arriver jusqu’au Dorat. Elle réside à Dunkeld Victoria, petite commune du sud australien, qui compte plus de moutons que de bipèdes. Sa catégorie : le woolhandling ou tri de laine. Une épreuve empreinte de doigté et de poésie. Qui n’a jamais assisté à un lancer de toison ne peut pas comprendre l’émotion et la beauté de ce geste, pur moment de grâce accompagné à chaque fois des acclamations d’un public, pourtant en grande partie novice, regroupé lors des épreuves dans une halle surchauffée et comble. « Chez nous, les moutons sont bien plus gros que chez vous, assure fièrement l’Australienne de 50 ans dans un anglais à l’accent rocailleux, et les tondeurs sont d’autant plus sujets aux douleurs au dos et au niveau des articulations des épaules. Le problème, c’est la répétition de gestes traumatisants pour le corps. » Elle-même traîne des douleurs à l’épaule et au dos depuis des années.
Sa catégorie : le woolhandling ou tri de laine
Juste à côté, Sandrine, kinésithérapeute, en pleine séance d’échauffement avec un groupe de volontaires, confirme : « Les tondeurs passent leur vie en extension et penchés en avant. Résultats : lombalgies chroniques, sciatalgie et arthrose. Ils ont le haut du corps trop musclé par rapport au bas ce qui crée des déséquilibres », explique-t’elle. C’est parce que la tonte sportive et professionnelle met le corps à rude épreuve que la MSA a déployé les gros moyens au mondial : préventeurs, médecins, infirmières et kiné ont répondu présent.
Au cœur du dispositif : la présentation d’une étude sur les troubles musculo-squelettiques (TMS), liés à la tonte d’ovins menée pendant une année. L’objectif pour l’ensemble des MSA de Nouvelle-Aquitaine, qui ont travaillé en collaboration avec la caisse centrale, est d’améliorer la connaissance de ces troubles. Un groupe de travail, piloté par la MSA du Limousin, a ainsi été mis en place. Une équipe de spécialistes a été chargée il y a un an d’observer les différents types de tontes : salle de tonte, en couloir de tonte et au sol. Ces observations ont été réalisées par un ergonome, un préventeur et un médecin du travail, dans huit élevages de la région. « Le championnat du monde était le moment idéal pour rendre publics les résultats de cette étude et sensibiliser les professionnels de la filière à cette thématique, précise Stéphane Dardillac, conseiller en prévention de la MSA du Limousin.
Opération réussie et validée par une figure des tondeurs français, Christophe Riffaud, président de l’Association pour le mondial de tonte de moutons (AMTM), organisatrice de l’événement, et lui-même tondeur professionnel et sacré plusieurs fois champion de France de la discipline. « Pour être bon tondeur, la technique est importante, j’ai souffert moi-même de problèmes de dos. C’est une activité très physique pour laquelle il est important de s’échauffer et de s’étirer mais l’environnement de travail dans lequel le tondeur exerce son métier est primordial. Mon choix va plutôt vers la salle de tonte car le professionnel arrive dans un endroit adapté à ses besoins, à niveau et propre. Avec elle, on simplifie aussi le travail de l’éleveur, car c’est le tondeur qui attrape son animal. Elle permet ainsi des relations apaisées entre les deux professionnels. C’est aussi moins de risques de blessures pour le tondeur et pour l’animal. Elle permet aussi de réduire fortement le risque sanitaire car le matériel reste sur l’exploitation. »
« La salle de tonte est l’outil de prédilection des tondeurs mais elle n’est pas l’outil absolu, tempère Stéphane Dardillac. Elle n’est pas adaptée à toutes les exploitations, notamment au regard de l’investissement qu’elle demande et de sa durée d’utilisation dans l’année. Notre objectif n’est pas de faire la promotion d’un système mais d’attirer l’attention sur les avantages et les inconvénients de chacun d’eux pour que l’éleveur puisse faire ses choix de manière éclairée. »
Pour Gérard Liboutet, administrateur central, local de l’étape, qui a lancé l’idée d’un conseil central de la CCMSA organisé à Limoges, une première pour l’institution de protection sociale du monde agricole, le mondial du Dorat était une occasion en or.
Vitalité des territoires ruraux
« C’est pour nous le moyen de démontrer la vitalité de nos territoires ruraux et la mobilisation de toute la famille MSA au service du bien-être des adhérents. Cette manifestation permet aussi de mettre en valeur un haut lieu de l’élevage où des personnes sont capables relever ensemble des défis qui peuvent sembler fous sur le papier, comme celui d’organiser un championnat international en faisant venir des athlètes du monde entier dans une commune de 1 700 habitants située au fin fond du Limousin. »
Le conseil d’administration décentralisé
Afin de marquer son ancrage au plus près des populations rurales, la MSA décide de délocaliser son conseil d’administration en juillet. Après avoir applaudi le 18e championnat du monde de la tonte au Dorat, en Haute-Vienne, le 4, les administrateurs de la caisse centrale de la MSA se retrouvent à Limoges, au siège de la caisse du Limousin, le 5 juillet.
Ce déplacement est l’occasion de confirmer la volonté du régime agricole de promouvoir la place de la MSA dans la protection sociale de demain. Cette ambition intervient dans un contexte de fracture sociale, territoriale et numérique où une partie de la population rurale a un sentiment de déclassement et de recul des services publics sur leurs lieux de vie. Or, la MSA souhaite rappeler qu’elle porte dans son ADN des solutions et une offre de services qui répondent avec précision aux attentes exprimées par les populations rurales et agricoles.
Le plan stratégique MSA 2025 voté lors de l’assemblée générale du 20 juin (voir notre dossier) conforte sa volonté de garantir aux adhérents un service homogène et performant, d’amplifier ses services de proximité grâce, entre autres, à la consolidation des points d’accueils physiques, de développer des activités pour répondre aux besoins des espaces ruraux en matière de lutte contre la pauvreté, d’accès aux soins et de panier de services accessibles à tous…
Ce déplacement prend également tout son sens dans le contexte préélectoral : 2,5 millions d’adhérents vont être amenés à voter pour élire 15 000 représentants en janvier 2020. Ces délégués cantonaux élus porteront les valeurs du régime agricole mais également les projets qui répondent aux besoins concrets de leurs concitoyens sur leurs territoires de vie.