Les travailleurs « essentiels ». Érigés en héros il y a cinq ans, durant l’épidémie de Covid-19, les saisonniers sont indissociables de l’agriculture française. La diversité des cultures et des exploitations, avec une centaine de métiers différents, offre à tous les publics, notamment ceux éloignés de l’emploi, des opportunités professionnelles accessibles à divers niveaux de qualification.
À l’aube de la période estivale, où le besoin en main-d’œuvre agricole atteint son pic, plusieurs milliers de contrats sont à pourvoir en maraîchage, arboriculture ou grandes cultures.
Des emplois en tension
« Au niveau national, on compte actuellement plus de 200 000 intentions d’embauches dans l’agriculture, et 85 % d’entre elles concernent des contrats saisonniers, annonce Angélique Goodall, directrice régionale de France Travail Bretagne. Les besoins en main-d’œuvre sont extrêmement importants chaque année. » Particularité notoire, une large partie de ces emplois est en tension. Un employeur sur deux considère qu’il est « difficile » de recruter, d’après France Travail.
En cause : la nature occasionnelle des postes, leur durée limitée, des formations accélérées et des horaires parfois contraignants. « Les contrats saisonniers durent généralement moins de trois mois, avec une moyenne de 27,58 jours, ce qui complique l’attractivité de ces postes », indique Amandine Thibault, cheffe de projet à la direction métier, entreprises et recouvrement (DMER) de la caisse centrale de la MSA.
« La plupart des entreprises souhaitent fidéliser les salariés formés d’année en année, mais il est parfois compliqué de maintenir une continuité », poursuit Hafida Herzinger, responsable relations et développement à l’Agence nationale paritaire pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa). Selon elle, il faut agir « collectivement » pour pallier les difficultés de recrutement en agriculture, afin de pérenniser des emplois locaux, non délocalisables, qui constituent un levier important pour la dynamique d’embauche dans les territoires ruraux.
« Autonomie, droit à l’erreur et heures fixes »
Fils d’éleveurs laitiers, il a fait germer sa propre ferme florale, nommée Pétales. Jean-Baptiste Marsaud est un des rares producteurs de fleurs en France. Après avoir fait ses armes dans le commerce à Paris, le passionné plaque tout en 2022 pour vivre de son art et s’installer à Levroux, dans l’Indre.
« Je m’inscris dans le mouvement de relance de la culture de fleurs dans l’Hexagone. La demande est importante », précise le professionnel. Pour prendre soin des 300 variétés qui fleurissent sous serre et en dehors, puis les commercialiser auprès des fleuristes, des particuliers et sur les marchés, Jean-Baptiste Marsaud a besoin de bras.
« Deux contrats de courte durée me prêtent main-forte cet été. L’activité demande un savoir-faire pointu, entre la préparation du sol, la reconnaissance des végétaux ou la différentiation des stades de cueillette. Suite à une formation pratique, j’applique le management que l’on m’a inculqué dans le tertiaire, à savoir : autonomie, droit à l’erreur et heures fixes. J’estime qu’il faut offrir aux saisonniers les conditions de travail que l’on voudrait pour soi-même. C’est un gage de réussite car, en retour, les employés sont hyper-engagés. » Sa façon de faire fleurir le bien-être.

Faciliter les démarches
Ces derniers mois, la MSA a engagé deux démarches d’ampleur destinées à favoriser l’emploi saisonnier. Premièrement, une nouvelle version du Titre emploi service agricole (Tesa) simplifié, active depuis 2024. Un outil en ligne dont les employeurs sont amenés à se saisir pour déclarer un CDD de très courte période. « La plateforme se veut plus pratique et souple d’usage en vue de faciliter les démarches administratives, souligne Mohamed Idardon, attaché de direction à la DMER. C’est un nouveau service qui fait sens pour les ressortissants. »
Autre nouveauté : la création du parcours « J’embauche un salarié saisonnier ». Expérimenté actuellement par les caisses de MSA, il est notamment destiné à accompagner les primo-employeurs. « Il est primordial de les soutenir pour soigner l’accueil des salariés et être au fait des réglementations de santé ou de sécurité au travail, déclare Juliette Chatelut, sous-directrice de la MSA Berry-Touraine et référente nationale entreprises. Cette démarche, basée sur des actions clés et des conseils, vise à soutenir proactivement les employeurs en prévision et pendant les périodes de fortes activités. »
Alternatives locales
Parallèlement à ces démarches, de multiples initiatives voient le jour à travers la France pour répondre aux besoins de main-d’œuvre, comme des job-dating, des applications mobiles pour connecter recruteurs et recrutés, et bien plus encore. Dans le Grand-Est, par exemple, une ligne téléphonique « Alsace vendanges » – lancée par l’Association des viticulteurs d’Alsace (AVA), la MSA d’Alsace et France Travail – ouvre chaque été pour mettre en relation viticulteurs et saisonniers. « La récolte du raisin est particulière, nous avons besoin de cueilleurs dès le mois d’août pour le crémant et jusqu’en novembre pour les vendanges tardives. Nous devons anticiper ces échéances au maximum », informe Simone Kieffer, chargée de mission à l’AVA.
En régions, France Travail propose également des visites de fermes ou des immersions professionnelles, allant de un jour à un mois, permettant de découvrir un secteur d’activité. « L’idée est de casser les représentations que chacune et chacun peut avoir sur les métiers de l’agriculture, présente Angélique Goodall. L’objectif de la loi Plein emploi est de partager, avec les collectivités et les partenaires de l’insertion, les problématiques des territoires pour construire ensemble des solutions, notamment autour des aides à la mobilité, à la garde d’enfants et au logement. »
L’Anefa expérimente justement, via un partenariat avec les Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) des Landes et Centre-Val de Loire, l’accueil de saisonniers au sein de logements étudiants vacants durant la période estivale. Une pratique amenée à se développer sur l’ensemble du territoire français.
Jusqu’à 600 euros d’aides au logement
Chercher un logement à louer peut s’apparenter à un parcours du combattant pour les saisonniers, surtout dans les zones en tension. Il est possible de solliciter un rendez-vous auprès d’une caisse
de MSA pour faire le point sur les aides auxquelles les employeurs de main-d’œuvre pourraient être éligibles. Un accompagnement financier d’Action Logement peut atteindre jusqu’à 600 euros pour prendre en charge les frais d’hébergement.