Malgré des conditions climatiques difficiles dans les vignes, ils sont nombreux à être venus ce 20 mai, à Châteaubernard, écouter la restitution des groupes de travail sur le problème du recrutement et de la fidélisation des salariés en viticulture. Groupements d’employeurs, maisons de négoce, syndicats, élus, chambre d’agriculture, organismes de formation ou d’insertion… si le sujet attire, ce n’est pas pour rien.
La MSA des Charentes a intégré en 2017 le dispositif Défi (pour « démarche emploi formation interfilières ») cognac, initié par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et piloté par la communauté d’agglomération Grand Cognac, depuis 2015. Le programme a pour but de développer des
actions pour répondre aux besoins des entreprises de la filière autour de trois grands axes : la formation, le soutien au recrutement, la sécurisation des parcours et l’amélioration des conditions de travail.
3 269 salariés viticoles et 20 075 saisonniers sur les deux départements.
Bien accueillir le nouveau salarié
Ayant déjà pour souhait de travailler sur ces sujets, la MSA a sollicité l’association régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) afin de mener une enquête de terrain et d’explorer les expériences positives de certaines exploitations du secteur. Des groupes de travail ont alors été constitués autour de cinq thématiques : le recrutement, les outils d’accueil, les équipements de protection individuelle, l’amélioration des conditions de travail et les compléments de rémunération.
Objectifs : échanger et proposer un ensemble d’outils, d’astuces, d’idées dont les employeurs pourront s’inspirer à chaque étape. Plusieurs questionnaires ont également permis de compléter l’étude. L’un d’eux, réalisé par la société Hennessy, producteur de Cognac, a permis de montrer que 70 % des viticulteurs interrogés recherchent un salarié à court ou moyen terme.
« Nous avons essayé de lister les améliorations mises en place dans des exploitations, de l’accueil à l’ouvrage dans les vignes, en passant par l’organisation et le sens du travail », explique Bruno Farthouat, conseiller en prévention à la MSA et pilote des groupes avec Pascale Aubert, animatrice de territoire Ouest Charente et Haute-Saintonge. Pour présenter ces résultats, six vidéos ont été réalisées, contenant plusieurs témoignages d’exploitants.
Ont été notamment identifiés les modes de recrutement usuels, du côté des employeurs comme des salariés. Le résultat des questionnaires montre que le bouche à oreille est le plus utilisé, à 77 %. Jean-Baptiste Mariau, exploitant en Charente-Maritime et membre des groupes de travail, pointe le besoin des viticulteurs d’une simplification des démarches : « On pourrait par exemple avoir un guichet unique pour recevoir les demandes et transférer auprès des opérateurs. Grâce au groupe, j’ai découvert des structures que je ne connaissais pas, ce qui m’a aidé à embaucher une personne ! » Pour commencer à répondre à ce besoin, Grand Cognac a construit une boîte à outils recrutement pour accompagner les employeurs.
Une fois l’étape de l’embauche passée, la mise en place d’un processus d’accueil s’avère un réel levier pour la fidélisation : « Nous avons travaillé sur une fiche qui recense les étapes et les outils que nous pensons nécessaires pour bien accueillir un nouveau salarié, avant, le jour même et après, précise Bruno Farthouat. Nous avons aussi fait un lien avec un travail réalisé dans la filière de l’élevage. »
Les équipements de protection et tenues de travail font partie de cet « après », et participent à la fidélisation des salariés. « Ça demande un investissement au départ, mais si on sait que la personne revient tous les ans, c’est un bon investissement et ça lui permet de retrouver son propre équipement », témoigne Sophie Barett de Couture, viticultrice en Charente.
Le bruit de certains tracteurs peut dépasser les 80 décibels. Les protections auditives deviennent vite indispensables et apporte un vrai confort de travail. Les salariés de Jean-Baptiste Mariau partagent un repas dans le local qu’ils ont eux-mêmes aidé à aménager. © MSA des Charentes
David Charron, responsable d’exploitation viticole, a notamment équipé ses salariés de protections auditives : « C’est un confort au quotidien, ça réduit les maux de tête et améliore la concentration. En plus, ça met la personne en confiance dès le départ. En contrepartie, un management est nécessaire pour responsabiliser les salariés, pour que ces équipements ne soient pas laissés au fond d’un hangar, pas entretenus. »
Attirer jeunes et demandeurs d’emploi
Toutes ces actions contribuent à l’amélioration des conditions de travail parfois difficiles. Frédéric Robaraud, exploitant à Saint-Simeux, a notamment aménagé un petit local en préfabriqué, avec une cuisine équipée, auquel pourrait être ajouté un vestiaire, voire des douches : « On mange avec eux, ce qui permet d’échanger, et ça fonctionne puisqu’ils reviennent pour la troisième année ». Formations en santé-sécurité au travail, exercices d’échauffement, Qi Qong, temps de travail de taille entrecoupé sont d’autres exemples pour prévenir notamment les troubles musculosquelettiques.
85 304 hectares de vignes sont consacrés à la production de cognac.
Pour compléter cette panoplie, il ne faut pas oublier bien sûr la rémunération et autres avantages : primes, intéressement, chèques cadeaux, repas, visites chez les partenaires à la fin des relevages, aide administrative… De nombreux exemples ont été listés par les membres du groupe de travail. La rencontre se termine sur des échanges et de nouvelles pistes de réflexion : la mobilité et le renforcement des rencontres entre salariés, employeurs et formateurs.
Toutes ces actions seront efficaces si un travail de communication est également fait pour attirer les jeunes qui sortent des écoles ou les chômeurs. « Notre travail ne va pas tout résoudre, loin de là, concluent Bruno Farthouat et Pascale Aubert. Nous avons répertorié des idées, mais chaque exploitation est spécifique. À chacun de se les approprier, de voir ce qu’il est possible de faire et, plus loin, d’élargir à d’autres secteurs agricoles. » Déjà, les élus et salariés d’autres territoires de la MSA des Charentes réfléchissent à comment transposer la démarche dans d’autres filières agricoles. Quand des acteurs d’un territoire s’unissent, l’émulation est palpable et toujours bénéfique.
David Charron, responsable d’exploitation viticole à Verrières, en Charente.
J’ai intégré le groupe de travail il y a un an pour faire part de mon expérience.
Je suis entré en tant qu’ouvrier viticole dans une exploitation en 2001 avec l’opportunité de remplacer le cogérant sur le moyen terme. J’ai dû faire mes armes, investir du temps personnel, beaucoup échanger avec cette personne. J’ai ainsi fini par prendre ses responsabilités.
En tant que responsable du recrutement dans l’entreprise, j’ai maintenant les deux casquettes : celle de la personne qui a été embauchée, à qui on a fait confiance pour gravir des échelons, et celle qui fait face aujourd’hui de façon récurrente à ce problème de recrutement.
Les viticulteurs doivent prendre conscience aujourd’hui il ne faut pas sous-estimer le travail des employés viticoles et les accompagner. Il faut un échange permanent, prendre le temps d’un café le matin pour débriefer sur les travaux faits et à venir. C’est une façon de leur montrer qu’on leur porte de l’intérêt, et qu’il faut que ça aille dans les deux sens. Aujourd’hui j’utilise le mot collaborateurs, car ils sont partie prenante de la réussite de l’exploitation.
Parallèlement, l’interprofession doit prendre à bras le corps ce problème pour améliorer l’image véhiculée notamment dans les collèges et lycées. Le métier change, il faut le montrer, et faire en sorte qu’il soit autant valorisé que notre produit.
Zoé Saffar, chargée de mission développement économique pour Grand Cognac, pilote de Defi Cognac.
Nous voulons répondre aux difficultés de recrutement liées à la saisonnalité.
Depuis 2015, nous avons mené un certain nombre d’actions, comme sur la question de l’emploi partagé. Plus de 1 000 entreprises ont été rencontrées, plus de 150 contrats signés.
En plus de notre boîte à outils du recrutement, pour accompagner les employeurs, nous avons également communiqué sur les métiers à destination des jeunes et des demandeurs d’emploi. Le travail sera encore long, il faut continuer. Defi Cognac est une démarche partenariale. La MSA étant aussi une entité qui représente la viticulture cognaçaise, c’était légitime qu’elle l’intègre et qu’on accompagne son action. Tout comme la MSA, on s’appuie sur le terrain, on est ancré dans le concret : écouter, soutenir et répondre aux difficultés des personnes concernées. Ce sont les valeurs de Defi Cognac. Aujourd’hui, des grands noms de l’interprofession sont présents, il y a des échanges, c’est une bonne chose. Ça veut dire qu’on va réussir à les mobiliser et qu’on peut espérer avancer groupés dans la même direction.
Pour en savoir plus..
Retrouvez toutes les informations, brochures et vidéos sur la page dédiée du site de la MSA des Charentes.