« Je ne pensais pas qu’on ferait quelque chose d’aussi bien ! » À la découverte du résultat de leur travail, Julie et Mélodie, 16 ans, étaient étonnées et ravies. Quand ces deux élèves en bac pro services aux personnes et aux territoires (Sapat) ont découvert le projet socio-culturel qu’elles allaient devoir réaliser tout au long de l’année, elles ne savaient pas ce qui les attendait. « Au départ je pensais que ça serait ennuyeux, qu’on n’allait pas s’en sortir… Mais c’était un beau projet », avoue Mélodie.

Donner accès aux étudiants à une forme d’art ou à de nouvelles techniques, dans la réalisation d’un projet de groupe, fait partie des objectifs des maisons familiales rurales (MFR). Et, pour participer à l’appel à partenariat MFR-MSA, les 27 élèves de cette classe de seconde se sont lancé un défi ambitieux : réaliser des vidéos en time-lapse — technique cinématographique qui fait défiler un grand nombre d’images en accéléré et donne l’illusion du mouvement — pour mettre en valeur le patrimoine local à travers des petites saynètes. 

« On cherche toujours à ce que le jeune s’ouvre à d’autres univers, explique Céline Damay, responsable de l’éducation socio-culturelle à la MFR de Seyssel, en charge du projet. Cette idée m’est venue car nos élèves vivent dans trois départements — Ain, Savoie et Haute-Savoie — et viennent parfois de loin. Ils ne sont que deux dans la classe à vivre à Seyssel même. Ils peuvent être déstabilisés au début par cet éloignement. Et ils ne connaissent pas forcément le territoire. » 

Tous les élèves ont été surpris par les résultats.

La troupe a tout d’abord visité Seyssel et son patrimoine, ainsi qu’une exposition, avec un animateur de la Maison du Haut-Rhône. Un lieu qui a la particularité d’être divisé en deux communes distinctes qui portent le même nom, partagées par le Rhône entre la Haute-Savoie et l’Ain. Lors d‘une deuxième balade, les jeunes ont dessiné deux endroits au choix avec des techniques naturelles.

Puis, Jérôme Prugniaux, photographe professionnel et, heureux hasard, ancien formateur en MFR, leur a appris dans un premier temps la technique photo. « Il nous a beaucoup aidés à chaque étape du projet, raconte Julie : comment ça allait se passer, le time-lapse, l’appareil photo, comment se placer… Ça m’a beaucoup plus plu de découvrir la technique du time-lapse que je ne connaissais pas du tout. C’est beaucoup de travail. Ça prend du temps de faire toutes les photos. » Il faut en effet de 500 à 1 000 prises de vue pour une minute trente à deux minutes de vidéo ! 

« Les appareils étaient assez gros. On avait peur de les faire tomber !, continue Mélodie. Personnellement, je m’y connaissais déjà un peu car je voulais être photographe avant. Ça m’a énormément intéressée d’en découvrir plus avec un professionnel. J’ai appris beaucoup de techniques grâce à ce projet et je continue aujourd’hui à les pratiquer de retour à la maison ! » « Et c’est quelque chose qu’elle pourra réutiliser dans son futur métier, avec les gens qu’elle va accompagner », ajoute Céline Damay. 

Par petits groupes, ils ont sélectionné un lieu et écrit un petit scénario pour le mettre en scène. La réalisation a duré une demi-journée. Puis, ils ont fait le montage des photos pour réaliser le time-lapse, en y associant de la musique qu’ils ont également choisie.

Un projet artistique, collectif et citoyen

Julie, Mélodie et leurs deux camarades ont intitulé leur oeuvre : « La solitude sous les quais ». « On a trouvé cette idée car dans ma commune — Oyonnax, à 55 kilomètres de Seyssel — il y a beaucoup de personnes seules », explique Julie. « Et ce lieu isolé collait bien au thème », complète Mélodie. Une autre équipe s’est mise en scène devant les tags situés sous le Pont-Neuf pendant que, près de l’église, se jouait le drame d’une sportive épuisée qui a besoin d’un miracle. Sera-t-elle exaucée ? Du côté de la gare, des élèves montrent le trajet bucolique qu’ils empruntent quotidiennement pour aller à la MFR. 

Un projet artistique, citoyen et collectif, qui développe le lien social avec les acteurs du territoire mais aussi entre les élèves. « Ils ont dû travailler avec des personnes qu’ils connaissent moins : c’est porteur pour la classe. Ils ont tous participé à leur manière. C’est un peu difficile de se mettre en scène : quelques introvertis se sont pourtant facilement prêtés au jeu. D’autres ont posé leur voix sur le film. Ils doutent énormément, mais savent en fait beaucoup de choses. Ces jeunes sont souvent en échec dans l’enseignement général classique et n’ont pas souvent été mis en avant : on leur a plutôt vu des incompétences que des compétences. Tous ont été très surpris par les résultats. » « On a appris à se connaître et à découvrir des capacités cachées », confirme Mélodie. « Il nous a tout de même fallu garder notre sérieux car, entre amis, on peut vite rigoler quand il faut poser ! », s’amuse Julie. 

« La difficulté, c’est aussi que nous sommes dans un système en alternance, remarque la responsable. Il faut donc tenir leur motivation semaine après semaine. Cette année, ça s’est bien passé, personne n’a voulu changer de groupe et ils ont su s’adapter aux difficultés et rebondir. » Comme lorsqu’une camarade de Mélodie et Julie s’est blessée juste avant le tournage. Elles ont dû adapter le scénario au dernier moment. 

Une expérience dont ces jeunes se souviendront. Leurs vidéos seront présentées aux autres élèves de la MFR lors de la dernière semaine de cours, à la fin du mois de juin, ainsi que lors de leur stage de mobilité Erasmus 2018/2019. Elles seront également mises à disposition des collectivités territoriales. Une belle occasion de faire connaître leur ville et leur quotidien au pied des montagnes.

Photos : © MFR de Seyssel