Si, depuis la crise sanitaire, des difficultés d’engagement se font ressentir dans le milieu associatif, des irréductibles bretons résistent encore et toujours à la démobilisation. Ils se prénomment Andréa, Caroline, Céline, Erwan, Justine, Marie ou encore Rémy. Ils sont étudiants en BTS commerce international au lycée Notre-Dame du Kreisker de Saint-Pol-de-Léon, à quelques kilomètres de Morlaix, ou engagés en service civique, et se sont lancés dans un projet audacieux : la création d’une épicerie solidaire.
En 2021, leur professeur Jean-Luc Mazé, également président de l’association Atelier des parcours, les interroge sur les problèmes majeurs auxquels ils font face aujourd’hui. Les réponses sont toujours les mêmes : le manque d’argent pour faire ses courses et de lien social dans ce bout de Bretagne. Dès lors, un groupe commence à réfléchir sur les moyens d’agir, avec l’aide de l’association qui accompagne les projets des jeunes adultes de la commune.
Épicerie mobile
Après un an et demi de travail, de rénovation du local, de formation avec l’appui du réseau Andes (association nationale de développement des épiceries solidaires), de recherches de financements et de partenariats, le rêve devient réalité.
L’échoppe solidaire, première du genre sur le territoire, ouvre son magasin tous les mardis de 16 à 18 heures derrière la maison de retraite de Saint-Pol-de-Léon, tandis que son camion parcourt quelques communes du territoire deux mercredis par mois – [le magasin est actuellement fermé afin de concentrer les forces disponibles sur l’échoppe itinérante].
Elle est accessible aux habitants mais cible en particulier les 18-30 ans, via une adhésion mensuelle, sous conditions de ressources (un reste à vivre situé entre 4 et 12 € par jour). L’échoppe itinérante est ouverte à tous. Les produits alimentaires et de première nécessité, récupérés grâce aux dons et invendus de la coopérative agricole de la commune (Sica), des supermarchés Leclerc et U et des surplus de producteurs, sont vendus 70 % moins chers que leur valeur en magasin.
Retrouver du plaisir à faire ses courses
« Un jour, une bénéficiaire est repartie avec deux sacs pleins de courses pour seulement 20 €, se souvient Céline Poisson, en 2e année de BTS. Nous proposons des produits de base mais également des aliments plaisir, qui sont très demandés. Les personnes sont contentes de pouvoir s’en acheter. »
L’inflation, qui a fait son retour en Europe et en France, a compliqué la vie de ceux qui avaient déjà du mal à joindre les deux bouts. « C’est une charge mentale supplémentaire, ce n’est plus du tout un plaisir de s’acheter à manger pour ceux qui ont un faible revenu », souligne Justine Guinard, une autre jeune engagée dans ce projet solidaire.
« Avec l’échoppe itinérante, notre but est d’aller directement chercher les gens, notamment ceux qui ne peuvent pas se déplacer, continue Céline. Mais aussi parce que, lorsqu’on est dans le besoin, on ne veut pas forcément le dire, l’assumer. Nous voulons montrer qu’on est là. C’est pour cela qu’on a beaucoup travaillé sur notre communication, distribué des flyers, etc. » L’équipe compte aussi sur le bouche-à-oreille, qui commence déjà à faire son effet grâce au travail mené auprès des mairies et de la mission locale : le premier jour de la tournée du camion à Mespaul et Plouénan, le 5 avril, cinq personnes attendaient déjà avec impatience son arrivée.
Afin de remplir sa deuxième mission, créer du lien social pour les jeunes de la ville, l’équipe organise des animations tous les 15 jours : soirées jeux, films, ateliers cuisine et sport… Les idées ne manquent pas pour la dynamique équipe, qui jongle entre leurs emplois du temps de lycéens et de gérants. Ils peuvent compter sur les deux jeunes en service civique pour les aider au quotidien sur l’approvisionnement, la gestion des stocks et des rayons, l’entretien, le suivi des inscriptions, la programmation des activités, l’organisation des tournées du camion. Prochain défi de nos jeunes armoricains : passer le relais avant d’obtenir leur diplôme, pour que la solidarité continue durablement.