« Première chose à faire ? Attacher sa ceinture ! » Hugo positionne le casque de réalité virtuelle sur la tête du pilote en herbe. Autour d’eux, il y a foule. Il faut dire que son simulateur de vol est un peu l’attraction à l’espace Brassens-Camus de Lormont, en Gironde.
Lors d’une journée d’échanges le 22 octobre dernier, il est venu, avec d’autres, parler de son parcours et de son projet. À 19 ans, il fait partie de ces Jeunes en actions, soutenus par les acteurs du département.
Ce dispositif [voir encadré ci-dessous] relève du schéma départemental de la jeunesse 2016 – 2021, mis en place pour soutenir les 11-25 ans. Une politique publique menée par le département, la CAF, la MSA de Gironde, la direction des services départementaux de l’Éducation nationale et la direction départementale déléguée de la cohésion sociale de la préfecture. 63 projets ont déjà été financés depuis 2016, dont une vingtaine par la MSA, pour un montant d’environ 108 000 €. La MSA, via son service développement social, en assurait la présidence jusqu’à fin 2019.
« Si ça m’est arrivé, ça peut arriver à d’autres. »
À Lormont, les visiteurs pouvaient rencontrer les institutions organisatrices, des jeunes qui ont réalisé leur projet, ainsi que de nombreux acteurs associatifs, comme les Junior associations, le centre régional information jeunesse (CRIJ), la Ligue de l’enseignement ou encore les Francas. Des ateliers pratiques sur le financement, la communication et un speed dating leur permettaient également de répondre à de nombreuses questions sur comment développer leur projet. Spectacle de danse, rap, association caritative… Beaucoup d’idées, parfois déjà bien avancées, pour lesquelles il ne manque qu’un coup de pouce pour faire toute la différence.
Celle d’Hugo a mûri pendant deux ans, depuis un petit club d’aviation à l’aérodrome de Montendre-Marcillac, au nord du département. « Il y a trois ans, je n’aurais jamais pensé entrer dans l’aéronautique. En 2017, j’ai passé avec un ami le brevet d’initiation à l’aéronautique (BIA), un diplôme proposé aux lycéens qui favorise la connaissance sur le sujet. J’ai trouvé ça génial. Ensuite, j’ai passé d’autres examens pour pouvoir l’enseigner dans les établissements scolaires. Mais j’avais envie d’aller plus loin, car ça reste peu connu. On a cherché un moyen d’intéresser les jeunes. C’est alors qu’un ami nous a parlé de son projet de simulateur de vol. On a trouvé ça super, mais ça demande des moyens pour acheter tout le matériel, et du temps. On s’est lancés, on a monté un dossier pour trouver des fonds, et notre communauté de communes nous a parlé du dispositif Jeunes en actions. »
Du budget et une bonne huile de coude (et de codage) plus tard, Hugo et ses amis promènent leur ordinateur géant sur le territoire pour promouvoir l’aéronautique et le BIA auprès des jeunes. « Leur montrer que ce n’est pas si compliqué. Et, pourquoi pas, s’ouvrir une voie à laquelle ils n’auraient jamais pensé. Aujourd’hui, je suis en 2e année de fac de sciences en aéronautique et je veux être pilote de ligne. Si ça m’est arrivé, ça peut arriver à d’autres. » Des histoires comme celle-ci, Jeunes en action en a plusieurs dans sa hotte.
Des projets qui rassemblent
L’une des plus iconiques et dans l’air du temps, c’est Tribus libres. Un festival pas comme les autres imaginé par deux amis qui, lorsqu’ils étaient ados, étaient en mal d’animations dans leur petite commune d’à peine 300 âmes, perdue dans la forêt des Landes. « Nous avons monté une junior association, raconte Anaïs Modolo, créatrice et directrice du festival. On a commencé par des choses très simples, comme des soirées jeux de société, du théâtre, la rénovation du lavoir du village… Puis on a grandi, on a fait de la solidarité internationale, j’ai fait une licence en événementiel et me suis investie dans d’autres associations. Un jour, on s’est lancé le défi avec un ami de monter notre propre festival. »
Leur projet a beaucoup plu, notamment à la MSA. Après deux ans de préparation, la première édition a réuni en 2018 plus de 1 500 personnes et 90 bénévoles au château de Cadaujac, près de Bordeaux. Concerts, théâtre, danse, photographie, ateliers sur l’écologie, marché de créateurs locaux, escape game géant… Un événement rassembleur dans un univers de légendes et de magie.
L’univers de Nicolas Guidoux, c’est le hip-hop. Son rêve, sortir un album*. Après trois ans de travail, c’est chose faite : Nocturnal savages est dans les bacs depuis le 20 septembre. Un bébé né d’une rencontre avec deux rappeurs new-yorkais, que le jeune beatmaker [concepteur rythmique] d’Izon, près de Libourne, est fier de présenter aux jeunes qui lui demandent conseil. « En 2017, on sort de studio avec une vingtaine de morceaux. Mais une problématique se pose : comment financer l’album ? Ingénieur du son, graphiste, production du CD, clips vidéo, promotion… Au départ, on ne sait pas trop quoi faire pour trouver cet argent. Parallèlement, je crée avec des proches une association, Global Hip-Hop, pour organiser des événements et promouvoir la culture hip-hop sur la région bordelaise. Pour faire des demandes de subvention, c’est important d’avoir une association. Quatre nous ont été accordées. Ce fut un long processus, mais ça vaut le coup. »
Tout est possible, si on y croit. Quand une aspiration est sincère, ça finit toujours par marcher.
Ce n’est pas Sébastien Urbain qui le contredira. Son projet de film, démarré il y a deux ans, n’en est qu’à la moitié du parcours, mais a déjà bien évolué. « Je me suis lancé avec mon cousin dans la réalisation d’un documentaire qui parle de réaliser ses rêves, explique-t-il. Tout part de l’histoire de ma mère, comptable à Paris, qui a changé de vie après un cancer. Elle avait conscience de ne pas être à sa place, mais il lui a fallu cette épreuve pour qu’elle lâche prise. On veut y parler des peurs qui nous empêchent d’agir, avec plusieurs éclairages comme ceux d’un neurologue et d’une psychologue. Le but est de s’interroger : est-ce qu’on est vraiment à notre place ? À notre plein potentiel ? Exprime-t-on ce qui nous parle le plus dans la vie ? Fait-on de notre mieux ? »
Baroudeur, graphiste autodidacte, alternant voyages et petits boulots, un jour, Sébastien s’est posé ces questions. Une idée a germé : parcourir l’Amérique latine en compagnie de son cousin avec une caméra et un sac à dos pour interroger les gens sur ce que veut dire la foi pour eux. « Non pas religieuse, mais cette petite voix qui nous anime, qui nous pousse en avant, qui nous dit que c’est possible, la voix de nos rêves. Je ne connaissais rien à la vidéo. J’ai appris les bases avant de me lancer complètement et de chercher un financement. Petit à petit, étape par étape, le petit projet est devenu un film à plusieurs dizaines de milliers d’euros, avec une équipe de tournage. Ce qui a été déterminant, ce sont les rencontres. En cherchant, j’ai eu la chance de trouver des gens prêts à m’aider. »
Prévu pour février 2022, Chasseurs d’espoir sera tourné en France, en Suisse et en Bolivie, il durera 1h30 et invitera au débat. « Tout est possible, si on y croit, confie-t-il. Quand une aspiration est sincère, ça finit toujours par marcher, ça nous emmène dans un endroit sympa, même si ce n’est pas celui où on espérait aller. Il ne faut pas douter de la voix de nos rêves. »
* Son projet, tout comme celui d’Anaïs et Hugo, ont également été soutenus par la MSA Gironde dans le cadre de l’Appel à projet jeunes.
Comment ça marche ?
Lancé en 2012, Jeunes en actions est un dispositif pour aider les jeunes, de 13 à 25 ans, à concrétiser leurs projets. Ils peuvent être liés à une association, une junior association, un foyer socio-éducatif, à titre individuel (majeur obligatoirement) voire en groupe. L’idée doit comporter une dimension d’utilité sociale et d’animation de la vie locale du quartier ou du territoire.
Pour candidater, il suffit de déposer sa demande en ligne sur www.gironde.fr/acteurs-jeunesse/les-actions/jeunes-en-actions.
Selon les critères de chaque institution, le projet pourra être soutenu par une ou plusieurs de celles-ci. S’il est retenu, il bénéficiera d’une aide financière et d’un accompagnement méthodologique à chaque étape. Le dispositif cherche ainsi à promouvoir l’autonomie, la prise de responsabilité et l’engagement des jeunes. Et ainsi contribuer au développement local.