« Bonjour, voici les informations du mardi 16 septembre. » Le journaliste Yann Brillaud s’est installé dans le studio de la radio D4B à Melle, dans les Deux-Sèvres, pour le journal de 12h30. Parmi les titres, l’évacuation d’un Ehpad à Lezay à la suite de l’explosion d’un extracteur d’oxygène, un nouveau candidat aux municipales de la commune de La Crèche ou encore un gros plan sur l’association des Amis des musées de Niort.

Engagé pour un territoire

La station assume son identité locale. Son nom, D4B, fait référence à la première lettre des rivières de sa zone d’émission : Dive, Belle, Boutonne, Berlande et Béronne. Dans la régie, le mur de disques vinyles témoigne de son ancienneté : la radio est née en 1981. Yann Brillaud y officie depuis 40 ans, entrecoupés de passages à France Inter et RTL. La passion du terrain le fait se lever à 6 heures du matin pour finir parfois tard le soir. « Je suis engagé pour un territoire », revendique-t-il.

L’engagement, c’est aussi celui des dizaines de bénévoles, comme Jean-Louis Sonnard, entré dans la bande il y a 40 ans. « Venir ici, c’est une manière de partager avec les gens », glisse-t-il avant de pénétrer dans le studio pour enregistrer deux heures de programme où il diffuse ses pépites musicales.

Les auditeurs retrouvent aussi des programmes en parlanjhe, le patois poitevin, ou encore Dédie Musette, une émission phare particulièrement plébiscitée. « Les auditeurs nous racontent que pendant l’émission, ils poussent les meubles de leur maison et se mettent à danser », s’enthousiasme Maryline Auriaux, la présidente de D4B.

Un modèle à préserver

Avec deux émetteurs FM à Melle et Niort, la radio émet dans la partie sud du département de 375 000 habitants. « Notre public est très large, soutient Yann Brillaud, le monde rural et agricole, les élus ou encore des employés des mutuelles de l’agglomération de Niort nous écoutent. » L’audience n’est pas mesurée par Médiamétrie. « Leur méthode de calcul fonctionne pour des grands bassins de vie, explique Thomas Moreau, président de la Fédération des radios associatives non-commerciales de Charentes-Poitou et directeur de Radio Gâtine, à Parthenay. Pour les petites radios rurales, il est compliqué d’obtenir des données fiables. »

Alors que la locale de Radio France, Ici Poitou, ne compte qu’un seul reporter pour tout le département, les quatre principales radios associatives des Deux-Sèvres (D4B, Gâtine, Val d’or et Collines) emploient huit journalistes. Depuis 2005, ils mutualisent leurs moyens au sein de la banque d’information radiophonique des Deux-Sèvres, soutenue par le Conseil départemental. Un système d’échanges de reportages permettant une meilleure couverture de la zone, assortie d’une subvention de 12 500 euros par station.

Donner la parole au monde rural

« Il était important de les soutenir. La radio locale, c’est l’expression d’un territoire », affirme Delphine Peronnet, attachée de presse au département. « Nous donnons la parole au monde rural, aux gens du cru, renchérit Thomas Moreau. L’indépendance journalistique que représentent les radios associatives est vitale dans le paysage médiatique. »

Mais l’avenir de ces stations, principalement financées par de l’argent public, s’assombrit. En 2024, la principale subvention, le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, a failli être rabotée de 30 % par le ministère de la Culture. Avant que ce dernier ne fasse machine arrière devant la levée de boucliers. Mais Thomas Moreau demeure inquiet : « On nous annonce que l’État ne peut plus payer le modèle associatif, mais depuis cent ans, on a maillé le pays d’associations. Leur pérennité est une vraie question si l’on veut assurer le vivre ensemble. » Quant aux revenus publicitaires, ils ne peuvent constituer plus de 20 % de leurs recettes en raison du statut non-commercial de ces radios.

Maryline Auriaux ne cède pas au découragement et fait part d’un nouveau projet : proposer aux habitants de faire un recueil de mémoires radiophoniques. « Faire parler les gens et les enregistrer, conserver l’empreinte de leur voix pour avoir un souvenir des anciens après leur mort. » Comme une carte postale sonore de l’au-delà pour aider à faire vivre la radio locale et rurale.