Dès 7 heures du matin, sur le quai, des chariots métalliques déversent les caisses orange remplies de plis électoraux : première mission accomplie. Les casiers sont acheminés à l’intérieur du bâtiment, où les salariés commencent à arriver pour entamer leur journée de travail ; car pendant le dépouillement, les activités habituelles ne s’arrêtent pas.

La vérification commence : le quartier général est installé au rez-de-chaussée et au 3e étage de la caisse qui se transforme en ruche. Chaque enveloppe est précieusement traitée. Pas de téléphones — leur usage est proscrit —, chaque geste est maîtrisé.

Les volontaires, formés en amont, suivent une véritable chorégraphie, sous l’œil vigilant de la commission électorale. Les premières équipes de dépouillement s’installent, après une collation rapide. La « banque de plis » est ouverte, les responsables des bureaux s’activent, les scanners de code-barres bipent à cadence régulière. La journée est bien lancée. Sébastien Tesson, animateur de la vie institutionnelle à la MSA Marne Ardennes Meuse, orchestre ce marathon avec calme et détermination : « C’est une mécanique complexe, mais bien huilée. Chaque bureau connaît sa mission, chaque acteur du grand rendez-vous démocratique sait ce qu’il doit faire. » Le sérieux est de mise.

Une participation majoritairement postale

Le 28 janvier dernier, une simulation grandeur nature avait rassemblé les futures équipes de dépouillement. Objectif : s’assurer que tout se déroule sans accroc. Cette préparation porte ses fruits.

Au bureau de vote numéro 20, Marie Brasselet, gestionnaire de paie, Claudine Baudart, retraitée de la MSA, et Alain Lantreibecq, du service communication, dépouillent les bulletins roses du collège des exploitants. Ils sont bleus pour les employeurs, et verts pour les salariés. Plus loin, Hervé Collignon, responsable informatique et superviseur de l’une des salles de vote, est sur le pont malgré les 60 ans qu’il fête ce soir. Il reste à l’affût du moindre bug : « On est prêt, tout a été testé. »

Comme en 2020, le vote en ligne peine à séduire : seuls 5,45 % des électeurs de la caisse ont opté pour l’urne numérique. Résultat : l’essentiel du dépouillement passe par le papier, à l’ancienne. Un choix qui reflète l’attachement du monde agricole à ses traditions.

Un dépouillement sous surveillance républicaine

Mais aujourd’hui, grâce aux bulletins renvoyés par La Poste, ce monde décide pour lui-même. « La MSA, c’est notre maison. Voter, c’est la faire vivre », confie Virginie. Comme elle, de nombreux agents ont tenu à être là, malgré les kilomètres et les contraintes familiales.

Pour garantir la transparence du processus, les opérations sont scrutées par des représentants de l’État. Un délégué préfectoral est présent, aux côtés d’observateurs syndicaux tels qu’Amélie Piquet (Saveal) ou Guillaume Caillez (RATP). Leur mission : veiller à ce que chaque étape respecte les règles strictes du Code rural et de la pêche maritime, en vigueur depuis 1949, année du premier scrutin MSA, qui encadre ce vote organisé tous les cinq ans.

Au-delà du dépouillement, cette journée marque symboliquement le début d’un nouveau mandat. Jean-Marc Pilard, président de la MSA Marne Ardennes Meuse, salue l’engagement des candidats — prêts à porter les préoccupations du monde agricole pour les cinq prochaines années. Ils sont 24 632 dans tout le pays.

Un combat pour la ruralité

« Nous devons continuer à rassembler, au-delà des différences. Ce qui nous unit, c’est de défendre l’avenir de notre protection sociale agricole », affirme Frédéric Chiny, premier vice-président représentant les salariés. Même esprit chez Étienne Hamaide, ancien directeur d’agence bancaire devenu administrateur : « On n’est pas du même syndicat, ni du même département mais, à la MSA, on travaille ensemble pour le bien commun. Et c’est tout ce qui compte. »

Parmi les administrateurs, Vincent Bertrand, maire de Bouvellemont dans les Ardennes et agriculteur, incarne cette fidélité au terrain : « Je me bats pour cette ruralité qui m’a forgé. Être délégué est une manière concrète d’agir et ne pas laisser d’autres décider à notre place. »

Les heures s’enchaînent. Les derniers casiers se vident, les bips du scanner de code-barres se font plus rares… Vers 15h30, plus de plis à l’horizon. Mais tout n’est pas fini. Il reste les procès-verbaux, les tris, les statistiques… La commission électorale se réunit et pourra faire remonter les résultats à la caisse centrale, avec le sentiment du devoir accompli. Ils seront disponibles dès demain en ligne sur les sites web des 35 caisses de MSA.

La fatigue se lit sur les visages, mais aussi une certaine fierté : celle d’avoir fait vivre, une fois encore, un modèle social unique en Europe, pensé par le monde agricole et pour le monde agricole.

Photos : Alain Lantrebeicq