Vivre à la campagne, c’est aussi pouvoir accéder à des services qui facilitent le quotidien des familles, tant sur le plan de l’accueil et du développement, des temps libres et des loisirs, du soutien à la parentalité que de la vie sociale et de la santé. Or, certains espaces sont fragilisés par l’absence ou l’insuffisance de ceux-ci. La France est marquée par une fragmentation sociale et des inégalités géographiques, ce qui accentue le sentiment d’isolement de secteurs moins bien dotés et pose aussi la question de l’égalité des chances.
La Drees a entrepris un programme d’étude afin d’éclairer la situation des enfants et des jeunes habitant en milieu rural, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (2018-2022) qui vise, entre autres, à cette égalité des chances dès l’enfance quel que soit le lieu de vie. Elle a publié, dans le numéro de mars d’Études et résultats le dernier volet de son travail : « Grandir dans un territoire rural : quelles différences de conditions de vie par rapport aux espaces urbains ? ». Les zones très isolées y font l’objet d’un développement particulier (voir encadré ci-dessous).
La cellule familiale
La direction s’est d’abord intéressée aux caractéristiques de la cellule familiale, soulignant que, « dans les territoires ruraux, il y a moins de familles monoparentales ou nombreuses, des parents plus souvent en emploi mais moins fréquemment dans les catégories sociales les plus favorisées, et moins de logements sociaux ». Selon la Drees, les enfants y bénéficient, en moyenne, de meilleures conditions de vie que ceux des villes (13 % vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, contre 23 % dans les espaces urbains). Un écart qu’elle explique notamment par les caractéristiques des foyers et par l’activité des adultes : plus touchées par la pauvreté, les familles nombreuses et monoparentales sont moins présentes à la campagne. De plus, les couples ruraux occupent plus souvent un emploi : deux jeunes sur trois vivent au sein d’un ménage dont les deux ascendants travaillent, contre seulement un urbain sur deux.
L’habitat
Un volet de l’étude s’attache aux conditions de logement, jugées plus favorables pour les filles et garçons du monde rural : « Neuf sur dix ont leur propre chambre et vivent dans une maison avec un espace extérieur (jardin, terrain, cour), contre respectivement sept sur dix et cinq sur dix en milieu urbain. » Un type d’habitat cependant moins répandu pour les jeunes des foyers monoparentaux (sept sur dix) mais encore plus rare en milieu urbain (trois sur dix).
Trois fois sur quatre, les parents à la campagne sont propriétaires de leur logement, contre seulement une fois sur deux en milieu urbain. Peu d’enfants résident dans un logement social (5 %, contre 27 % en ville), même au sein des familles monoparentales (16 % contre 43 % en milieu urbain).
L’accès aux services et aux équipements
Sur ce plan, la différence est notable. Il en est ainsi pour l’accueil en crèche (huit places à moins de 15 minutes pour 100 petits de moins de 3 ans, contre 26 en milieu urbain). Une grande mobilité est aussi indispensable pour se rendre chez un professionnel de santé, en particulier chez un spécialiste. Le temps pour rejoindre les lieux sportifs ou culturels s’avère également plus long : ils résident en moyenne à moins de 5 minutes d’une bibliothèque, mais à 16 minutes d’un cinéma et à 22 minutes d’un musée.
Concernant l’accès aux équipements sportifs, l’écart entre campagne et ville est le plus marqué pour les bassins de natation et les stades d’athlétisme.
Comme les précédents volets : « Conditions de vie des jeunes femmes en zone rurale : des inégalités par rapport aux hommes ruraux et aux urbaines » (Études et Résultats n°1154 – juillet 2020) et « Études, emploi, ressources : les jeunes ruraux sont-ils différents des jeunes urbains ? » (Études et Résultats, n° 1155 – juillet 2020), cette dernière partie du projet d’étude peut être consultée dans son intégralité sur le site de la Drees.
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Focus sur les territoires très isolés
Les conditions de vie varient fortement selon le type de territoire dans lequel les enfants habitent. Lorsqu’ils se trouvent dans des zones très isolées (500 000 sur les 4,2 millions), ils grandissent plus souvent que les autres dans une famille monoparentale. Ils ont aussi un niveau de vie inférieur et vivent plus fréquemment sous le seuil de pauvreté (taux de pauvreté de 22 %, identique à celui enregistré en milieu urbain). La Drees précise également qu’ils vivent moins généralement dans un foyer où les deux membres du couple travaillent. En cas de séparation, pointe l’étude, l’organisation en résidence alternée n’est pas aussi répandue que chez les autres jeunes ruraux.
Pour ce qui est du logement, les différences à la campagne sont faibles. C’est du côté de l’accès aux équipements et aux services que la fracture se creuse encore. Les collégiens isolés mettent en moyenne quatre fois plus de temps que ceux de la ville pour se rendre dans leur établissement (24 minutes en moyenne en voiture) et les lycéens trois fois plus de temps (50 minutes en moyenne). Même constat pour le recours aux professionnels de santé (plus de 40 minutes en voiture pour un pédiatre et plus de 30 pour un ophtalmologiste) ou pour atteindre les lieux culturels – musée, théâtre, conservatoire.