Vous êtes le nouveau visage des territoires ruraux : comment voyez-vous votre rôle ?
Quand je suis arrivé, l’agenda était déjà élaboré, mais il manquait une incarnation de ces politiques publiques, ce que les élus de la ruralité ont toujours réclamé. Il y a bien, c’est vrai, un secrétaire d’État et un ministre délégué de la Ville. Michel Fournier, président de l’association des maires ruraux de France (AMRF) l’a d’ailleurs dit : c’est la première fois que la ruralité est incarnée au sens politique et administratif du terme. C’est positif. Ma mission essentielle est d’animer l’agenda rural. La tâche n’est pas facile car ses 181 mesures sont costauds. Mais dans ma carrière administrative à Bercy comme dans mon mandat de député, je suis connu pour être quelqu’un qui ne lâche jamais rien. Et je dis ce que je pense.
Comment travaillez-vous avec les différents ministères ?
Je participe à des réunions bilatérales avec tous les ministres, pour déterminer, dans leur secteur, quels sont les éléments de l’agenda à développer, mais aussi pour trouver d’autres idées. Par exemple, avec le ministère de la Santé, nous contribuons au Ségur ; nous appuyons certaines mesures ayant très bien fonctionné pour la ruralité, comme la télémédecine remboursée ou la possibilité pour les paramédicaux d’effectuer des actes médicaux pendant la crise sanitaire. Il y a aussi des sujets qui n’ont pas été abordés dans l’agenda, notamment l’égalité hommes-femmes ou les problèmes de discrimination envers les LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres], pour lesquels j’ai rencontré Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances.
Dès mon arrivée, j’ai demandé la nomination des référents ruralité dans les ministères (cabinets et administration centrale), de façon à ce qu’il y ait quelqu’un qui se pose la question de la ruralité à chaque demande de fonds d’action publique. C’était une requête de l’AMRF. C’est désormais chose faite.
Quel est l’enjeu de la nouvelle définition de ruralité, adoptée lors du comité interministériel aux ruralités le 14 novembre dernier ?
La ruralité était définie depuis des temps immémoriaux en creux, c’est-à-dire par ce qui n’est pas urbain. Nous avons repris les conclusions d’un groupe de travail comprenant l’Insee et l’AMRF. Ils sont tombés d’accord sur le concept d’Eurostat, qui est celui de la grille communale de densité. Aujourd’hui, il faut avoir quelque chose de cohérent. Pour les associations d’élus, ce qui permet de mieux la définir, c’est plus cette notion de densité que des considérations purement démographiques. Il y a en effet des communes de 3 000 à 5 000 habitants qui peuvent être totalement rurales et d’autres périurbaines.
• 1 Français sur 3 habite en zone rurale
• + de 21 millions d’habitants
• 30 000 communes
• 80 % en croissance démographique
Nous avons donc demandé aux ministères d’adopter cette définition officielle et nous l’intégrons déjà dans certaines politiques publiques. C’est le cas, dans la dernière loi de finances qui va s’appliquer dès cette année, avec les dotations d’équipement des territoires ruraux (DETR). Ces enveloppes départementales prendront désormais en compte uniquement la population rurale des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), et non leur population globale. Ce qui a l’effet mécanique d’apporter plus d’égalité dans la notion de dotation par habitant. C’est un premier exemple opérationnel. Ce travail va se poursuivre avec la prochaine refonte des zonages – prorogés de deux ans – dont les zones de revitalisation rurale (ZRR).
Quelles sont les priorités de l’acte 2 de l’agenda rural ?
Mi-novembre, nous avions environ 50 % de l’agenda en cours de mise en œuvre ; aujourd’hui, nous sommes aux deux tiers. Il y a des petites et des grandes mesures qui vont à des rythmes différents. Jusqu’au printemps, où se réunira le troisième comité, l’une de nos priorités sera tout d’abord le volet santé, qui n’avait pas encore été franchement ouvert avec le travail sur le Ségur en cours. Plusieurs mesures sont prévues, comme la présence de médecins référents des centres hospitaliers universitaires (CHU) dans les maisons de santé afin d’avoir des internes en dernière année de médecine en zone rurale. Les retours de visites officielles sont importants, car ils permettent de faire remonter des expérimentations de territoire qui peuvent se heurter à des problèmes juridiques. La France a l’art d’empêcher les gens de tourner en rond sur ce plan ! J’ai pu voir notamment en Saône-et-Loire ou dans le Puy-de-Dôme ces départements prendre la compétence santé de fait. Ils ont créé des dispensaires et embauché des médecins pour les placer en zones sous-denses. Il faut voir dans quel véhicule juridique on peut sécuriser ces initiatives.
Autre volet important : le numérique. Dans le cadre du new deal mobile, pour lequel nous payons les nouvelles antennes dans les zones blanches, je fais de nombreux déplacements pour vérifier s’il y a des retards. Les situations sont inégales. À ma grande surprise, dans l’Isère, par exemple, sur 26 zones blanches, 22 sont budgétées mais un seul pylône installé… C’est quand même une accélération considérable : on a fait plus en deux ans qu’en dix. Aujourd’hui, 76 % des territoires sont couverts par tous les opérateurs, 96 % par au moins un. On a presqu’un milliard d’euros sur la transition numérique (dont la fibre), ainsi que le déploiement de conseillers numériques qui aideront jusqu’au papi et la mamie du fin fond des campagnes. Nous venons d’ailleurs de signer avec Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, une convention avec le département de l’Allier, où sera utilisé un bus itinérant.
Qu’en est-il des dispositifs pour la jeunesse ?
C’est une autre priorité hyper importante. Ce qui manque le plus dans les collectivités, c’est de l’ingénierie. L’apport complémentaire issu de l’agenda rural, ce sont les volontaires territoriaux en administration (VTA), lancés en février. L’idée est d’avoir 800 jeunes diplômés volontaires, originaires ou non du territoire, recrutés par les collectivités (avec 15 000 euros par an de notre part) de façon à apporter de l’ingénierie dans toutes les petites intercommunalités. Sachant qu’on en dénombre 850 en France, urbaines comprises, c’est un bon maillage. L’objectif est aussi d’offrir à ces jeunes gens des perspectives de carrière, voire de reprendre des études.
Qu’apporte le plan de relance de 100 milliards d’euros aux territoires ruraux ?
Plusieurs volets les concernent directement. Le premier d’entre eux est l’augmentation [d’un milliard] des crédits de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) de l’État, qui est fongible avec la DETR et a pour but d’aider des projets structurants. Je passe mon temps à rappeler qu’elle n’est pas réservée aux grandes villes, mais qu’elle est bien un instrument de développement de la ruralité pour de gros projets.
Un pan entier est consacré aux projets alimentaires territoriaux (PAT), avec 80 millions d’euros d’aide. Si on veut lutter contre l’agribashing, je pense que les PAT sont une bonne formule. On trouve également les 650 millions d’euros pour la rénovation des bâtiments communaux, la rénovation thermique des bâtiments départementaux, qui concerne beaucoup de collèges, ou encore de nombreuses aides globales, notamment sur la mobilité, ainsi que les 4,7 milliards pour le réseau ferroviaire. Après estimations sur l’impact du plan de relance, on aurait ainsi au minimum cinq milliards d’euros directement pour les territoires ruraux.
Comment voyez-vous l’apport de la MSA dans toutes ces avancées ?
Le maillage territorial que la MSA connaît bien permet de mieux appréhender les territoires. Elle est présente en tant que partenaire et gère notamment un certain nombre de maisons France services. Sa présence doit être renforcée dans les Petites villes de demain (PVD). Beaucoup d’entre elles sont dans des zones très rurales ou dont l’entourage du bourg-centre est à dominante rurale, car nous avons refusé, avec Jacqueline Gourault, qu’il y ait un plancher. Certaines ont 700 habitants, d’autres 15 000. L’objectif est de bien mailler ces territoires ruraux avec des bourgs-centres dynamiques.
La place de la MSA est évidente d’autant plus qu’elle a l’habitude de faire plus que de la protection sociale. C’est là aussi l’intérêt. Cet opérateur sait mettre en place des actions, comme sur la question du numérique, ce qui nous intéresse beaucoup. La ruralité inclut aussi les espaces agricoles, et la présence de la MSA est rassurante notamment là où les Jeunes agriculteurs sont bien implantés. J’ai vu des départements très dynamiques sur ce plan-là. En Aveyron par exemple où je me suis rendu récemment, et où la politique de dynamisation pour l’installation des jeunes agriculteurs est très intéressante. Avec les chambres d’agriculture, les syndicats et la MSA, l’ensemble du monde agricole est représenté. Ça aide beaucoup à la restructuration du milieu rural.
Parcours politique
• 1989-2017 : maire d’Argentière-la-Bessée, commune d’environ 2 268 habitants des Hautes-Alpes (située à 1 000 m d’altitude)
• 2002-2020 : député de la 2e circonscription des Hautes-Alpes (membre de la commission des affaires économiques puis de la commission des Finances)
• 2004-2014 : conseiller régional et vice-président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur
• 2017-2020 : rapporteur général du budget