C’est un début de printemps assez calme à Cabourg… Mais dans les rues de la station balnéaire, une petite bande composée de jeunes et de personnes âgées ne passe pas inaperçue. La dizaine de fauteuils roulants poussés par les jeunes déambule tant bien que mal sur les trottoirs. Elle s’arrête dans les magasins de souvenirs, découvrent les alléchants étals du marché couvert… Ce petit groupe, ce sont les participants d’un séjour Part’âge, des vacances intergénérationnelles qui favorisent le départ de seniors. Mais qui donnent aussi la possibilité aux élèves des filières médico-sociales d’établissements d’enseignement agricole de se trouver en immersion professionnelle.
Aux petits soins du matin au soir
Fanny, Sabrina, Marina et leurs camarades sont en deuxième année de CAP agricole Services aux personnes et vente en espace rural (ou Capa Sapver) à la MFR de Coulans-sur-Gée, dans la Sarthe.
Ils s’occupent du matin au soir pendant cinq jours de 16 résidents de sept établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes du département le temps d’un séjour pas comme les autres.
S’ils sont évalués par leurs professeurs lors de la semaine, cette escapade n’en reste pas moins une parenthèse inoubliable pour eux comme pour leurs aînés. Jeunes ou moins jeunes, certains n’avaient jamais vu la mer. « C’est la première fois que je sors du Mans !, confirme Sabrina, 17 ans. D’avoir la vue sur mer en plus, c’est très émouvant pour moi. » Même sentiment chez Odette, 84 ans, qui n’était jamais allée en vacances sur la côte. « On est content d’être là avec les jeunes ! », lâche-t-elle tout en choisissant soigneusement les coquillages décorant son terrarium revisité, l’une des animations proposées par les élèves.
Balades sur le remblai, visites d’une ferme, d’une fromagerie, musée, soirées karaoké, jeux… un programme relevé ! C’est l’objectif de ces séjours Part’âge lancés en 2017 par l’Association de vacances de la mutualité agricole (AVMA), en partenariat avec la MSA, l’Agence nationale pour les chèques -vacances et Agrica depuis 2019 : permettre à des personnes âgées de sortir de leur quotidien en structures d’accueil, de (re)trouver le goût aux vacances (10 % des participants en moyenne ne sont jamais partis) et de créer du lien avec des jeunes en formation services à la personne issus d’établissements scolaires agricoles. Ils contribuent ainsi à lutter contre les risques de fragilité et l’isolement tout en offrant la possibilité aux jeunes d’être en immersion professionnelle.
Part’âge ou comment reprendre confiance en soi
Pour ces jeunes qui peuvent avoir des difficultés avec les études, cette immersion est un nouvel univers qui s’ouvre à eux. « Certains de nos élèves étaient même déscolarisés avant d’arriver chez nous, explique Pamela Leroi, responsable de classe. Ils reprennent pied en MFR. Pour eux, par exemple, aller au musée ou visiter une fromagerie c’était l’inconnu ! »
Malgré une petite appréhension au moment du départ, des liens se sont rapidement noués. « On apprend plein de choses. Je me couche moins bête tous les soirs !, s’enthousiasme Fanny. Ça m’a plu de découvrir des choses avec eux. » L’adolescente qui souhaite devenir aide-soignante était aux petits soins pour Michel, doyen du séjour à 97 ans, et de Monique, plus jeunes de quelques années. « C’était compliqué parfois car il fonçait avec son déambulateur tandis qu’elle allait lentement derrière ! Mais quand j’avais besoin d’aide, je demandais à mes camarades. On s’entraide. »
Une expérience enrichissante
« Ils ont tous fait un stage auprès de personnes âgées mais pas en soins car ce n’est pas l’objectif de leur formation, continue Pamela Leroi. Là, on leur assigne une ou deux personnes chacun, selon leur autonomie, qu’ils suivent 24 heures sur 24 ; il faut penser à tous les actes de la vie quotidienne, les transferts, manipuler un fauteuil roulant, l’accompagnement aux repas… ils travaillent également la communication. Ce n’est pas facile pour eux, mais ils apprennent aussi de leurs erreurs. C’est très riche et ça leur permet également de prendre confiance en eux, de confirmer ou d’avoir une meilleure idée de leur avenir professionnel. Si tous ne se destinent pas forcément à l’accompagnement, parfois ça créé des vocations ! L’année dernière, une élève en vente a changé de voie. »
Sabrina et Fanny, quant à elles, confirment d’autant plus leur choix. « Le contact avec les personnes âgées c’est quelque chose que j’aime énormément, même mes profs me disent qu’ils le voient dans mes yeux ; c’est vraiment le métier que je veux faire. » Au-delà de leur orientation professionnelle, des liens d’amitié ont pu se créer, qui continueront après le séjour.
Tous repartent ainsi avec en prime, des souvenirs d’une soirée karaoké où chaque génération s’est essayée à chanter les chansons de l’autre. D’Édith Piaf à Eddy de Pretto, l’essentiel est de vibrer à l’unisson.
Douceur de vivre depuis 1948
Construit au début du 20e siècle par les frères Renault sur un parc de huit hectares face à la mer, Sweet Home Cabourg est racheté en 1948 par la MSA qui le rénove afin d’accueillir les jeunes ruraux en vacances, puis des retraités de l’institution dès 1967.
« Aujourd’hui, l’établissement fait perdurer cette tradition tout en cultivant l’activité hôtelière de la côte Fleurie, explique Aymeric Hautot, directeur général. Chaque année, nous accueillons des familles et groupes issus de tous horizons. Une partie importante de notre activité se concentre sur des séjours sociaux grâce à de nombreux partenariats avec France Alzheimer, le Secours populaire, la CAF, Agrica et bien entendu les MSA. Séjours bien-être, répits, premiers départs, ou encore colonies de vacances… Ils offrent au monde agricole une parenthèse inestimable à un secteur qui en a fort besoin.»
Part’âge, une réussite
Et inversement, le tourisme social est nécessaire sur la Côte Fleurie, traditionnellement occupée par des estivants franciliens de classe sociale aisée. « L’air de la mer, le repos, le sable des plages de Normandie ne sont pourtant pas l’apanage d’une catégorie socioculturelle en particulier. Il est important d’ouvrir les portes et de favoriser la mixité. » note Aymeric Hautot.
Trois à quatre fois par an, ce sont les participants de Part’âge qui débarquent dans la bâtisse belle époque. « Pendant ces cinq jours et quatre nuits en pension complète, un esprit familial embaume les murs, ravit nos équipes et donne de l’espoir à toutes les générations ! Les bienfaits sont visibles. Nous voyons les sourires s’afficher sur les visages et leurs échanges rassurent quant à la bienveillance des plus jeunes. C’est l’occasion d’apprendre à se connaître, se comprendre et se respecter. C’est une réussite qui ne demande qu’à se développer ! »
Plus d’infos sur les séjours AVMA : avma-vacances.fr