Perchées à 1 849 mètres d’altitude, les abondances et montbéliardes paissent tranquillement à l’alpage de Joux. En pleine saison, Flavie, son compagnon et associé Pierre et leur équipe s’activent vivement au chalet à la préparation des plats du jour et à servir les touristes attablés à l’ombre des parasols, sirotant un thé glacé maison aux myrtilles sauvages.

Un problème avec la caisse ? Plus de réserve d’eau ? Flavie s’affaire à droite et à gauche, sa fille de 19 mois dans les bras. Heureusement, la famille donne un coup de main.

Le sens du collectif

Malgré un emploi du temps chargé entre ses deux filles, ses 65 chèvres, 30 vaches, 8 porcs, le restaurant d’alpage, la transformation et le magasin de vente directe… elle trouve pourtant toujours du temps à consacrer aux autres et à l’avenir du métier. Élue pendant six ans au conseil municipal, trésorière de la Société d’intérêt collectif agricole (Sica) du Pays du Mont-Blanc, responsable du pré de foire de la foire de Saint-Gervais, éleveuse témoin pour la maison du lait à Paris…

« Si on n’a pas le sens du collectif dans le milieu agricole, on ne survit pas. » Le ton est donné. La nouvelle déléguée MSA, élue administratrice et coprésidente de la commission de la vie mutualiste de la MSA Alpes du Nord, a déjà marqué les esprits lors de sa première réunion en se présentant en premier lieu en tant que maman.

Alpage Joux Haute-Savoie ferme fromage mont blanc Arbois
Pour monter au chalet de l’alpage du Joux, 1 849 mètres d’altitude, face au mont blanc, il faut compter 35 minutes de marche depuis la télécabine du mont d’Arbois.

Celle qui porte dans le sang son pays natal, le Mont-Blanc, n’en est pas à son premier exploit, ni sa première vie. Car avant de rejoindre les champs, elle a exercé pendant onze ans en tant qu’infirmière aux urgences.

Un métier qu’elle n’a pas complètement mis de côté puisqu’en décembre 2019, tout juste installée à la ferme après avoir repris ses études agricoles en 2017, elle rempile temporairement pour aider les équipes de l’hôpital en manque de personnel. C’était sans compter sur le Covid, qui déboule sans prévenir.

Prix de la Femme d’influence

Son engagement pendant la crise, entre cotte et stéthoscope, tape dans l’œil d’un journaliste. Après la parution de quatre pages dans Le Figaro en mai 2020, les sollicitations pleuvent. En fin d’année, elle reçoit même le prix coup de cœur du concours Femmes d’influence, une consécration inattendue dont elle se sert pour parler du « manque de reconnaissance de nos métiers indispensables ».

« N’étant pas du milieu agricole, je suis arrivée avec plein d’idéaux et de préjugés, notamment sur la prédation. Aujourd’hui, le vivre de l’intérieur a changé ma vision des choses. C’est aussi ce qui m’intéresse dans mon engagement auprès de la MSA : comprendre comment ça fonctionne, où vont nos cotisations… C’est un acteur essentiel mais qui n’est pas perçu par les agriculteurs comme un allié. Il y a un important travail de pédagogie à faire.

J’aimerais également pouvoir être une ressource pour mes confrères, que ceux qui se retrouvent dans une situation difficile, de santé notamment, mais ne savent pas maîtriser l’outil MSA, puissent m’appeler pour que j’essaie de résoudre leur problème, trouver des solutions. »

L’agricultrice pourrait évoquer ses multiples aventures pendant des heures, mais un groupe de touristes l’attend pour une visite pédagogique de la ferme. Faire connaître le métier au plus grand nombre, c’est aussi ce qui la motive.

« Le but est d’expliquer en quoi le lait que l’on produit ici est différent, le fonctionnement de la salle de traite mobile et toutes les contraintes dont ils sont à mille lieues de se rendre compte. De rappeler l’importance de l’entretien du paysage et que s’il y a quelque chose dans nos assiettes, c’est parce qu’on est là. »

Flavie Melendez agricultrice Haute-Savoie chèvres fromage
Le lait des 40 chèvres est transformé sur place et le fromage vendu directement au magasin des Roches Fleuries ouvert par le couple, situé à Saint-Gervais-les-Bains.

On se dit presque tout…

Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?
Notre noble métier, de travailler en respectant la nature, ce que les anciens nous ont laissés et d’être fière d’être indispensable à la vie des Français. Et aussi d’ouvrir nos portes, même si le clivage avec les citadins est parfois compliqué.

Une personnalité que vous admirez ?
Karine Le Marchand. Car au-delà de l’émission L’amour est dans le pré, elle s’est intéressée à ce milieu qu’elle ne connaissait pas et s’est retroussée les manches pour venir à notre secours, notamment lors de la crise avec les grandes et moyennes surfaces. Elle a eu un impact important pour faire entendre la voix des agriculteurs.