Qui a dit que l’homme était un loup pour l’homme ? Certainement pas les animaux du Parc zoo du Reynou qui regardent passer leurs soigneurs avec du nouveau matériel qui facilite le port de charges.
C’est l’un des effets apparents du contrat de prévention signé cet été entre la structure dédiée à la protection des espèces et la MSA du Limousin. L’un des premiers du genre1. « Notre équipe de santé-sécurité au travail (SST) accomplit un boulot admirable que l’on ne met pas assez en avant, lance Cédrick Capy, administrateur et président du comité de protection sociale des salariés. Le volet prévention est assez méconnu des assurés, mais il est essentiel tant pour les employeurs que pour les salariés agricoles ». Une petite visite s’impose.
Étude ergonomique
Commençons-la par un inventaire à la Prévert : un mini-chargeur équipé, entre autres, d’une fourche à palettes, d’un dispositif de rotation (appréciable pour déverser le fumier), d’un godet industriel à grappins et d’un pic-bottes, une benne basculante hydraulique, deux voiturettes électriques aménagées en deux parties (propre/sale), des palox, un palan, un brancard pour les soins vétérinaires, du matériel paysager électrique et léger (rotofil, taille-haies), etc.
Le tout pour un investissement total de quelque 77 000 €, dont près de 30 000 € pris en charge par la MSA du Limousin dans le cadre du contrat de prévention des risques professionnels. Bien évidemment, cette partie émergée de l’iceberg – qui pourrait contenter l’ours polaire –ne fait pas tout à fait notre affaire.
Avant d’en arriver là, une démarche de longue haleine est nécessaire. « Elle débute par un état des lieux qui se traduit par une étude ergonomique des conditions de travail », explique Stéphane Dardillac, préventeur à la MSA du Limousin. Un ergonome se livre à des entretiens individuels avec le personnel de terrain (18 ETP) et suit les équipes dans leur quotidien. Il s’agit alors d’observer le travail et de poser les bonnes questions.
Les soigneurs sont des soigneuses
« Les missions des soigneurs, en majorité des femmes, sont très physiques, indique Nicolas Lefrère, directeur du zoo. Beaucoup d’exercices de manutention à froid notamment, auxquels s’ajoutent des contorsions pour circuler dans des loges exiguës, des températures élevées, une pression psychologique auprès de certains animaux, comme l’ours ou les félins. Environ 80 % des occupations régulières concernent la préparation des aliments des animaux, la distribution des rations alimentaires, le nettoyage des abris, enclos, cages, bassins, volières, l’évacuation des fumiers et le renouvellement des litières. »
Soulever 80 kilogrammes d’excrément de rhinocéros n’est pas de tout repos ! Le zoo récupère 30 tonnes de fumier par an, utilisés pour l’épandage dans le parc et dans les champs d’un agriculteur du cru. Les 20 % du temps restant, des soigneurs sont répartis équitablement entre l’enrichissement – qui vise à augmenter les possibilités, pour l’animal, d’exprimer des comportements naturels – et la pédagogie (accueil du public, ateliers, animation). L’équipe tourne sur cinq postes : les carnivores, les herbivores, les primates-oiseaux, la cuisine et les animations.
Associer les salariés à la démarche
Suivez-moi, s’il vous plaît. La visite se prolonge par la deuxième étape de cette démarche SST. Trois réunions pluridisciplinaires se tiennent dans la plaine. Ainsi, sous l’arbre à palabres, on retrouve : le vétérinaire et directeur zoologique, Franck Haelewyn, l’ergonome, Patrick Suire, et l’équipe SST de la MSA du Limousin, composée de Stéphane Dardillac, conseiller en prévention, Arnaud Lamour, médecin du travail, et de Fanny Rigal, infirmière en santé au travail.
Objectif : partager les constats. En l’occurrence, la discussion s’articule autour de la problématique des micro-ports de charge visant à prévenir ou limiter l’apparition des troubles musculosquelettiques (TMS). Une fois le point névralgique repéré, il reste à faire émerger des solutions. Principalement des mesures matérielles, qui sont détaillées et validées par les salariés.
Classé monument historique
À ce stade, il faut préciser que les bâtiments du zoo sont classés au titre des monuments historiques : le château du Reynou et ses dépendances ont appartenu à Charles Edward Haviland, le célèbre porcelainier. « Notre chambre froide a été installée dans une grange classée ! », précise Nicolas Lefrère.
Les travaux de modification sont alors soumis à une autorisation administrative particulière et à des démarches longues et coûteuses. Ce qui dissuade de procéder à certaines améliorations du bâti. « Ainsi, pour l’atelier cuisine, dont l’entrée ne peut pas être rénovée, nous avons travaillé sur le redimensionnement des bacs de nourriture. Le parc, de son côté, a négocié avec les fournisseurs, les grandes et moyennes surfaces (GMS), pour que ces dernières remplissent directement les bacs de denrées non valorisables », explique Stéphane Dardillac2.
Un volet formation
Puis vient la phase de chiffrage des mesures d’amélioration. Le dossier finalisé est soumis au vote des élus du comité de protection sociale des salariés de la MSA du Limousin, qui dit « oui » à 100 %. Le contrat de prévention peut enfin être signé : il court sur une période de deux ans. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, l’acte de mariage comprend également un volet formation : quatre salariés recevront les enseignements pour devenir sauveteurs secouristes du travail. Qui a dit que l’homme était un loup pour l’homme ? Certainement pas la MSA du Limousin.