« Je suis une infirmière en fin de carrière, j’ai travaillé 40 ans dans les soins à domicile et honnêtement, je n’aurais laissé ma place pour rien au monde car j’ai franchement eu l’impression d’être utile ! ».
L’amour du métier
Corinne Roume est cadre de santé. Celle qui déclare son « amour pour le métier » est l’une des 42 infirmières diplômées d’État (IDE) qui exercent au sein des sept centres de soins infirmiers de MSA Services Limousin(1). Loin du discours ambiant qui tourne autour de la désaffection du sacerdoce de soignant. Et pourtant : des journées de travail avec une grande amplitude horaire ; des astreintes de nuit ; des soins pour des prises en charge à domicile qui peuvent être lourdes ; des kilomètres de bitume avalés au volant d’un véhicule pour relier les intérieurs douillets et parfois moins douillets des patients qui s’enchaînent !
Alors c’est vrai, l’heure est plutôt à l’abandon des études infirmières. Différents chiffres circulent : 20% des élèves, selon François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention. « Les étudiants ont du mal à trouver leur place dans les services de soins hospitaliers où les conditions de travail sont parfois difficiles, constate Florence Estruc, coordinatrice du service infirmier de MSA Services Limousin. Des élèves de plus en plus jeunes, parfois choqués dès les premiers stages : à 18 ans, être confronté aux corps nus pour la première fois, ou à des situations complexes de fin de vie ou de soins lourds… C’est une réalité qui frappe fort ! »
Karen Breuilh, directrice du pôle services aux personnes et aux territoires, y voit une autre explication en lien avec Parcoursup, la plateforme en ligne destinée à recueillir et gérer les vœux d’affectation des futurs étudiants de l’enseignement supérieur français. « Depuis sa mise en place en 2018, la sélection n’est plus la même : les étudiants ne sont plus choisis en fonction de leur motivation et ils se positionnent souvent plus par défaut. »
Les infirmières de la MSA
Pour autant, elles s’en sortent. En enregistrant des évolutions. Favorables, comme avec les nouvelles générations de médecins, qui sont les prescripteurs de soins : « On se sent plus en situation d’égalité », lâche Corinne, qui se souvient d’un temps où le rapport d’autorité entre les deux professions était nettement plus marqué.
Évolutions également dans les relations avec les patients : « S’ils ont gagné en autonomie, ils sont aussi devenus plus exigeants, voire parfois procéduriers. La confiance s’est tarie : les gens sont seuls, leurs familles sont éloignées, ils revendiquent leurs droits et oublient qu’ils ont également des devoirs envers les professionnels de santé. »
Elles observent cependant une plus grande fidélité dans le milieu agricole, qui représente 20% de leur patientèle. « Les ressortissants du régime agricole sont fiers de savoir qu’il existe un service infirmier historiquement créé par la MSA », explique Florence. Elles ne boudent pas leur plaisir quand on les appelle encore « les infirmières de la MSA » !
Et par-dessus tout, pour tenir, elles ont un truc. Deux plutôt : le travail en équipe et la collaboration avec les autres professionnels de santé en faveur d’une meilleure qualité des soins. Ce qui leur fait déclarer qu’elles ne sont « jamais seules ». Cela va des transmissions – « c’est comme ça qu’on arrive à évacuer la surcharge mentale » – à la coordination avec les structures d’exercice coordonné (maisons de santé pluridisciplinaires, communautés professionnelles territoriales de santé, etc.) et les services d’hospitalisation à domicile (HAD), en passant par des dispositifs originaux comme M@do en Corrèze, entre autres(2).
De quoi améliorer l’attractivité d’un métier en tension, et finir par ne plus avoir la colère dans le cathéter.
(1) En Corrèze, les centres de soins infirmiers sont créés dans les années 1960, à l’initiative des élus de la MSA pour pallier le déficit infirmier sur le département. Dans son rapport du 26 mai 2020, la Cour des comptes les identifie comme des établissements dont les missions s’éloignent de celles de la sécurité sociale. Le service infirmier est transféré de la MSA du Limousin à MSA Services Limousin le 1er Juillet 2021.
(2) Première maison de retraite à domicile en France, M@do accompagne de façon évolutive et personnalisée des personnes âgées et/ou en situation de handicap. Elle apporte à leur domicile les mêmes services que dans une structure médicalisée : repas, toilettes, soins, surveillance… Elle assure un fonctionnement simplifié avec un interlocuteur unique pour la personne/sa famille et une prise en charge globale.