Du sarrasin breton à la châtaigne du Cantal, il n’y a qu’un pas. Pour participer à l’Assiette Solidel, certains ont traversé toute la France. Ce concours gastronomique pour les établissements et services d’aide par le travail (Esat), et les entreprises adaptées du monde agricole, organisé par l’association Solidel, a réuni à Maurs le 17 avril une quarantaine de participants de neuf départements. Onze équipes, sept en catégorie sucré et quatre pour le salé, se sont affrontées toute la journée sous un soleil généreux. 

« Aujourd’hui, vous allez vous étonner, vous faire plaisir et nous faire plaisir ! » Le chef Louis-Bernard Puech, restaurateur dans le Cantal, parrain de l’événement et président du jury, donne le top départ. Après le tirage au sort, les épreuves commencent. La pression monte, la motivation aussi. Pendant que les équipes de la catégorie salé se mettent derrière les fourneaux, les autres profitent d’un moment de détente dans la piscine du centre de vacances ou d’une balade printanière.

Le chef Louis-Bernard Puech examine chaque création en détail. – © Juliette Jem/CCMSA Image.

« C’est important de montrer nos richesses, nos compétences et pas que le handicap. »

Éric Van Daele, président de Solidel

Les équipes, composées de travailleurs des établissements et d’un encadrant, ont deux heures pour réaliser leur création, après plusieurs mois de préparation de la recette. Consignes à respecter : des produits locaux, de saison, un travail d’équipe et, bien sûr, le goût ! Le jury prend également en compte la présentation, l’équilibre alimentaire ou encore la créativité. Composé de cinq personnes, membres de Solidel et partenaires locaux et territoriaux, il visite les cuisines pendant la préparation, avant la présentation et la dégustation finale. Le stress se fait sentir chez les participants, mais la bonne humeur aussi. Les moins timides se lancent dans la description de leur recette. Les produits régionaux sont à l’honneur. Certains proviennent directement des Esat : pommes bio, porc cul noir du Limousin, noix de Dordogne… Une grande diversité de goûts et de couleurs, pour un résultat digne des plus grands chefs !

« On a travaillé la recette par petits bouts, en trois grandes étapes — le biscuit, la crème et le fruit — avant de passer à la composition finale », explique Jérôme Bodinier, chef cuisinier qui encadre Élodie et Céline, de l’Esat Val de Vay, en Loire-Atlantique. « On a ensuite montré et fait goûter le résultat au sein de l’établissement pour l’améliorer, continue Sandrine Bruckman, encadrante. On a aussi travaillé sur l’organisation, le voyage, le déroulement de la journée, etc. C’est aussi important car c’est du stress. Il faut beaucoup les rassurer. Sur place, on rencontre d’autres Esat, on discute avec d’autres moniteurs et travailleurs. C’est un moment agréable, une pause dans le quotidien. Élodie et Céline n’avaient jamais voyagé aussi loin. » « C’est la première fois que je vois les montagnes ! », confirme gaiement Élodie. Très fières, elles repartent avec le premier prix pour leur dessert « La Delis ô Miel » et ses jolies billes de pommes caramélisées. Croquantes et finement sucrées. Un délice !

Relever le défi

Le temps file dans les cuisines des bungalows du centre mises à disposition pour l’occasion. L’organisation doit être réglée au cordeau, mais les encadrants prennent le temps de réexpliquer les consignes, de faire travailler leur mémoire, de montrer les gestes… « Que faut-il faire ensuite ? », interroge l’encadrante des concurrentes de l’Esat de Pescheray, dans la Sarthe. Elle les aide à se rappeler les étapes de leur recette : un filet de sandre parfumé au miel des montagnes et son risotto aux senteurs du Cantal. « Je crois que je suis plus stressée qu’elles ! », souffle-t-elle. Du bon stress, puisqu’elles décrochent la troisième place du podium. 

Désormais habitué du concours, l’Esat de Clairvivre, en Dordogne, est revenu cette année avec deux équipes. Chacune remporte le 2e prix de leur catégorie respective. Les « makis périgourdins », au foie gras, cul noir et huile de truffe, et les « Délices aux noix », et leur décor en caramel, ont ravi les papilles du jury. « Moi, j’adore faire des gâteaux. Je voulais relever le défi, raconte Julia. Nos collègues qui ont participé l’année dernière nous en ont beaucoup parlé, alors ça nous a donné envie. » Côté salé, c’est l’équipe locale du centre de réadaptation de Maurs, et sa « Pastilla de canard façon Châtaigneraie », qui remporte la timbale en or. 

Pour Éric Van Daele, président de Solidel et membre du jury, « Le jeu c’est aussi la préparation, la mise au point de la recette sur laquelle ils ont travaillé plusieurs mois, ainsi que la valorisation de leur travail. Peu importe le classement. Et puis, il y a ce qui n’est pas organisé : les échanges de pratiques. Les concurrents reviennent avec des idées, des rencontres. C’est important de montrer nos richesses et nos compétences, et pas que le handicap. »

On y trouve aussi la passion. Et pour cela, les Bretons sont doués : l’Esat et l’établissement adapté « Les Hardys-Behelec », dans le Morbihan, en sont le parfait exemple. Légumes et élevage de poules bio, travail du bois et du métal, poulailler pliable, zéro déchet… Les équipes débordent d’idées et travaillent avec des partenaires locaux. Deux de leurs poules sont mêmes parties faire un tour du monde « zéro déchet » en voilier ! Le choix de la recette n’a donc pas dérogé à la règle : « Nous avons opté pour un crumble sarrasin, explique Julien, de l’équipe sucrée qui a gagné le coup de cœur AVMA/Solidel. Nous sommes allés à la chambre d’agriculture de Ploërmel pour trouver une association qui promeut le sarrasin bio et IGP. » « Cette démarche environnementale est importante pour nous, acquiescent Agnès Noël, éducatrice, et Danielle Legregam, animatrice soutien. Pour la recette salée, nous avons aussi utilisé de la farine de blé noir. Nous avons pris des légumes cultivés dans l’atelier maraîchage bio de l’Esat — des petits navets nouveaux — pour faire une tarte tatin revisitée avec du miel. » Le tout arrosé de cidre. Produit sur place, bien sûr ! 

Fiers d’eux et de leurs réalisations, les candidats sont soulagés lorsque sonne la fin des épreuves. « Moi qui ai l’habitude de participer à des concours, vous m’avez ému. C’était un vrai concours. Vous vous êtes battus et avez tous fait un travail remarquable. » Le chef Puech ne tarit pas d’éloges pour conclure une journée riche en émotion pour nos toques en herbe.


Le palmarès 2018

Catégorie salé

Catégorie sucré

Coup de cœur AVMA/Solidel

Les gagnants sont repartis avec des paniers garnis concoctés par l’Esat de la Cézarenque, dans le Gard, des repas gastronomiques et un séjour pour deux personnes de 3 jours et 2 nuits pour chaque travailleur gagnant du coup de cœur, dans un village de vacances AVMA au choix.


Gastronomie universelle

Découvrez également le premier livre Falc (facile à lire et à comprendre) élaboré avec des recettes d’Esat : www.solidel.fr/nos-actions/gastronomie-universelle