Dylan, Malik, Tiphaine, Lucile, Maréva, Inès, Yanay, Rui, Gabriela, et les deux Audrey, les gagnants du TPJ 2021, voient loin. Pas seulement parce qu’ils étudient au lycée Le Mas Blanc, un établissement scolaire haut perché installé à Bourg-Madame, un petit village niché sur les contreforts des Pyrénées, mais aussi parce qu’ils ont compris qu’ils vont devoir ménager leur santé tout au long de leurs carrières au service de ceux qui sont fragilisés par la maladie, le handicap ou le vieillissement.
Ces élèves de première bac pro services aux personnes et aux territoires (Sapat) se destinent à des carrières d’aide à domicile, d’agents des services hospitaliers, d’aide-soignants ou d’infirmiers, autant de métiers physiques qui mettent le corps à rude épreuve mais qui sont indispensables au maintien de la vie dans nos campagnes.
L’outil baptisé « Tam code »
Après avoir fait le constat, lors de leurs stages, d’un véritable besoin de la profession, ils ont choisi de développer une application pour smartphone conçue pour prévenir les troubles musculosquelettiques.
L’outil baptisé « Tam code » permet aux futures recrues de vérifier leurs connaissances des bonnes pratiques et postures. Leur invention donne aussi la possibilité aux recruteurs de vérifier si un nouvel employé est déjà opérationnel ou s’il doit suivre au préalable une formation ou être accompagné par un collègue. À la façon du code de la route, l’appli donne les règles de bases pour préserver son dos, ses articulations et éviter les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Comme de vrais starteupeurs
Comme de vrais starteupeurs, les élèves ont fait valider leur concept par des experts du secteur pour mieux cibler les postures les plus à risque. Le jeudi 6 mai, lors de la remise des prix, l’équipe des organisateurs du trophée pousse un « ouf » de soulagement.
« Soixante-huit jeunes ont montré la vitalité de l’enseignement agricole et rural », se réjouit Élodie Biringer, responsable des TPJ 2021 et conseillère en prévention des risques professionnels depuis dix-neuf ans à la MSA Grand Sud. « Le jour où on a appris qu’on ne pouvait pas réunir le jury en présentiel à cause des conditions sanitaires, on a eu un vrai moment d’abattement, se rappelle-t-elle avec émotion. Il a été bref. On s’est dit qu’il fallait trouver un moyen d’aller jusqu’au bout. Pour nous, l’essentiel est que les élèves travaillent ensemble sur des projets en lien avec la prévention et qui les préparent à leur future vie professionnelle. »
En plus d’Élodie Biringer, l’équipe projet TPJ 2021 était composée de deux assistantes prévention, Sonia Ould-Rabah et Yvette Rubio ainsi que d’un autre conseiller en prévention des risques professionnels, Nicolas Garcia. Ensemble, ils ont repensé le concept du concours pour l’adapter au format numérique et à l’organisation à distance. Car le risque était bien l’annulation pure et simple de l’édition 2021 pour raison sanitaire, à l’image de celle de 2020. Les TPJ en Occitanie sont une belle histoire commencée il y a vingt-huit ans qui donne l’occasion aux équipes de professionnels des deux caisses de MSA, Languedoc et Grand Sud, d’œuvrer main dans la main.
Un palmarès impressionnant d’inventivité
Le trophée est organisé par chaque caisse à tour de rôle dans un département différent chaque année. Il transforme les jeunes en acteurs et en promoteurs de la prévention des risques. En s’impliquant dès l’école, ils intégreront plus facilement la prévention dans leur métier, et seront incités à réfléchir en amont pour concevoir ou aménager des situations de travail limitant les risques. On trouve au palmarès de ces dernières années, une ceinture multifonctions pour éviter les piétinements au personnel des crèches, un porte-outils astucieux pour les métiers du paysage ou encore un tablier de maréchal- ferrant repensé pour offrir plus de sécurité. On pourrait remonter comme cela jusqu’en 1993, date de la première édition de cette fête de la créativité au service de la prévention des risques professionnels dans l’enseignement agricole et rural. Signe des temps, cette année, c’est la première fois qu’une création purement digitale obtient le premier prix.
Filmés en condition réelles
« Nous sommes allés dans chaque établissement scolaire filmer les huit équipes candidates en conditions réelles de passage devant le jury, explique Nicolas Garcia, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA Grand Sud. Une séquence vidéo de questions/réponses a remplacé les traditionnels échanges entre les élèves et les membres du jury, composés de professionnels intervenant dans le domaine de la prévention et de l’agriculture. »
Prix spécial Web
Autre nouveauté cette année, le public a lui aussi pu choisir son projet préféré grâce à la création d’un prix spécial Web, qui récompense l’équipe ayant reçu le plus de « J’aime » sur la chaîne YouTube Trophée Prévention Jeunes MSA Grand Sud et Languedoc créée pour l’occasion . L’équipe du lycée Martin Luther King de Narbonne et son Conductest, permettant de mesurer son état de fatigue avant de prendre le volant, a conquis les internautes.
« Les organisateurs ont fait preuve d’un esprit constant de réactivité et d’adaptabilité face aux contraintes de la crise sanitaire, souligne Sophie Bonnery, présidente de la MSA Grand Sud. Je remercie les responsables d’établissements scolaires pour la qualité de relation qu’ils entretiennent avec la MSA et leur adhésion aux enjeux de santé et sécurité au travail. Aux membres du jury, j’exprime ma profonde gratitude pour le professionnalisme dont ils ont fait preuve pour départager les réalisations présentées, qui avaient chacune leur mérite. Ce trophée est à l’image d’un souhait important des conseils d’administration de nos caisses de faire des jeunes une priorité dans le cadre du plan santé-sécurité au travail 2021-2025. »
Pont du Gard en 2017
Les organisateurs restent très attachés à la version traditionnelle de l’événement, qui peut réunir jusqu’à 300 personnes dans un lieu magnifique, comme le Pont du Gard en 2017 pour les vingt-cinq ans du concours. « Cette manifestation donne la possibilité aux élèves de sortir de leur département, comme ces jeunes de 18 ans originaires de Lozère qui nous ont confié n’avoir jamais vu la mer avant les TPJ organisés à Villeneuve-lès-Maguelone en 2019, insiste Élodie Biringer. Ceux qui viennent de loin sont accueillis à l’hôtel, c’est souvent aussi une première fois pour beaucoup d’entre eux. Avec nos partenaires, nous mettons les petits plats dans les grands pour les recevoir et pour faire de ce rendez-vous annuel un jour mémorable. »
Quand on leur demande ce qui a fait la différence, les onze membres de l’équipe gagnante répondent en cœur : « D’abord notre aisance à l’oral, pendant l’enregistrement vidéo nous n’avions pas de texte sous les yeux car nous avions tout appris par cœur, mais aussi l’aspect novateur de notre projet. » On pourrait ajouter la cohésion de l’équipe franco-hispano-andorrane, une particularité de cet établissement à taille humaine situé en pays catalan, à cinq mètres de l’Espagne et à 35 kilomètres d’Andorre.
Ces futurs professionnels exerceront indifféremment dans ces trois pays. Leur conseil pour les participants de l’année prochaine : « S’investir, être sérieux, solidaires et confronter ses projets au regard d’experts du secteur concerné pour avoir plusieurs points de vue et améliorer son concept. »
Insuffler de la solidarité et de la motivation dans une classe
« Se lancer dans les TPJ est un excellent moyen d’insuffler de la solidarité et de la motivation entre les élèves, confirment Julie Gosset, enseignante en économie sociale et familiale, et Sandra Adam, professeure d’espagnol et d’informatique. C’est idéal pour les faire travailler en mode projet, les faire regarder dans la même direction et les faire mûrir. Entre le début et la fin de cette aventure, ils ont énormément évolué. Nous sommes certaines que cette cohésion et cette solidarité vont se pérenniser l’année prochaine en terminale, et peut être plus tard dans leur vie d’adulte. »
Refaire le monde sur un canapé
Solidaires, ils le sont aussi avec le reste de leur établissement puisqu’ils veulent consacrer les 1 500 euros de leur prix à l’amélioration du foyer des élèves, un endroit stratégique dans un lycée de montagne où la plupart d’entre eux sont internes. Ils vont acquérir une machine à café et un nouveau canapé au profit de la communauté pour prendre le temps de refaire le monde et pourquoi pas créer ensemble de nouvelles applis pour nous faciliter la vie au travail.