Le réseau Sentinelles
En 2011, face à la prévalence du risque du suicide des exploitants agricoles, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation donne mission à la MSA de piloter un plan national de prévention chez les ressortissants du régime agricole. Elle propose alors deux dispositifs pour les adhérents et affiliés en situation de mal-être, en dépression nerveuse, voire avec des idées suicidaires : la cellule Agri’écoute (09 69 39 29 19) et des cellules pluridisciplinaires de prévention au mal-être et au suicide dans chaque caisse.
En 2013, le réseau Sentinelles se constitue à l’initiative du réseau MSA avec l’objectif de mobiliser les différents acteurs du monde agricole pour qu’ils signalent les cas de détresse et amorcent les procédures d’accompagnement. « En fait, il est peut-être un des premiers à l’échelle de la France puisque nous avons commencé à le mettre en place dès 2012 », précise Magali Deniaud, travailleur social de la MSA de Maine-et-Loire et animatrice du réseau sur les Mauges et du Choletais.
Une initiative locale
Tout part d’initiatives de délégués de la MSA de Maine-et-Loire qui, constatant de nombreux cas de mal-être chez leurs collègues du secteur viticole, s’emparent du sujet parallèlement à la demande du ministère de l’Agriculture, comme le détaille Dominique Pichot, responsable de secteur, en charge de la coordination des réseaux Sentinelles dans le département : « L’initiative agricole a croisé tout un travail que faisait l’agence régionale de santé (ARS). En 2011, quand on nous a demandé de piloter le premier plan de prévention du suicide, l’ARS proposait déjà des formations mais nous n’étions pas au courant. Le pont s’est fait à partir de 2012 et nous avons été les premiers à suivre ces formations de deux jours, proposées jusqu’en 2018-2019, pour aider tout citoyen à développer une écoute active et repérer les signes d’une crise suicidaire éventuelle à travers le risque, l’urgence et la dangerosité. »
Ce maillage de nombreuses personnes formées est « homologué » réseau Sentinelles en 2018 : « Cette appellation est demandée et labellisée par l’ARS, il faut donc répondre à un certain nombre de critères. Une personne qui s’y inscrit doit suivre la formation et s’engager à être attentive à ce qui se passe autour d’elle, il y a une charte à signer, explique Dominique Pichot. En Maine-et-Loire, nous avons deux types de réseaux : les Veilleurs, qui mobilisent des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma), des exploitants, des élus MSA, des banques, des professionnels qui gravitent autour des exploitants agricoles et que l’on va outiller pour repérer des difficultés économiques ; et les Sentinelles, qui font de la prévention auprès de l’ensemble de la population rurale au titre de la santé publique et qui œuvrent avec l’ARS, le régime général et le régime agricole confondu. »
Une ouverture aux populations rurales
Destiné au départ aux populations agricoles, ce réseau vigilant étend peu à peu son action à l’ensemble du monde rural : le Maine-et-Loire compte quatre réseaux. Au niveau des Mauges et du Choletais, il est constitué d’une soixantaine de personnes formées et s’articule avec les deux contrats locaux de santé.
« Nous avons des professionnels de divers horizons : médico-sociaux, des infirmiers psychologue, des médecins en pédopsychiatrie, explique Magali Deniaud. Il y a trois, quatre ans, quand le réseau a souhaité travailler auprès de la jeunesse, il a intégré des infirmières scolaires, des coordinateurs jeunesse et des professionnels travaillant auprès de public jeune. »
En effet, le mal-être chez les jeunes est un sujet prégnant ces dernières années. Pour prévenir le harcèlement ou les discriminations dont ils peuvent être victimes, des réunions de réseau d’information deux à trois fois par an et la constitution de sous-groupes de travail sont alors organisées par les Sentinelles du Groupe Mauges Prévention Suicide.
L’un des groupes travaille autour d’un outil de réflexion permettant d’échanger avec les jeunes. Émerge alors l’idée d’un escape game (“jeu d’évasion”). Julie Tison, coordinatrice jeunesse, connaît dans son réseau professionnel une société capable de réaliser le projet, la société coopérative et participative Nitescence située à Bléré.
Escape game made in MSA
Entièrement créé pour et avec la MSA, l’outil a fait l’objet d’un cahier des charges et de nombreux aller-retour pour qu’il réponde entièrement aux attentes. Il a été présenté le 14 octobre dernier à quinze professionnels de santé et du secteur médico-social des Mauges et du Choletais au complexe sportif Pierre-de-Coubertin à La Séguinière.
« Nous avons choisi de l’utiliser dans des vestiaires mais ça fonctionne aussi dans une salle de classe. Nous avons deux mallettes. Chacune correspond à un décor avec des outils qui représentent l’escape game », indique Magali Deniaud. L’essentiel reste que les jeunes se retrouvent dans un environnement familier, se l’approprient et se sentent à l’aise.
Pour autant, « ce n’est pas un escape game habituel, c’est un jeu pour amener à l’échange autour de la notion de mal-être et de harcèlement, précise l’animatrice. L’enquête dure entre 45 minutes et une heure et il faut quasiment le même temps d’échange à la fin. Il est préférable qu’il soit coanimé avec un professionnel de santé en lien avec la thématique et les jeunes ».
Et pour cause, la finalité de ce jeu est de pousser les jeunes à se poser les bonnes questions : qu’est-ce que le harcèlement ? Quel numéro contacter en cas d’actes ou de faits ? Avec qui en parler ?
Contre le harcèlement des jeunes
Pour cela, ils auront au préalable découvert, non pas qui est un harceleur, mais qui est harcelé au moyen d’un journal intime, de lettres, de messages sur un téléphone ou d’informations et d’indices découverts dans un ordinateur portable.
« L’escape game a été testé par Julie Tison lors des animations d’été au centre social, ajoute Magali Deniaud, et il l’a également été lors des vacances de la Toussaint. Les jeunes ont apprécié le jeu. En tant qu’adultes, nous avons eu beaucoup de mal à retrouver les codes des téléphones… pour les jeunes, c’était très simple. C’est un outil idéal pour les 11-17 ans. »
Collégiens et lycéens sont une population particulièrement impactée par le harcèlement, et les coordinateurs jeunesse du département les premiers concernés par cet outil. « Le secteur est très mobilisable en termes d’acteurs sociaux, médico-sociaux et centres sociaux. Nous avons un certain nombre de ces derniers sur notre territoire et ils sont les premiers bénéficiaires de notre outil, continue Magali Deniaud. Les coordinateurs jeunesse peuvent réserver cet escape game. J’ai deux mallettes à disposition que nos partenaires du réseau Sentinelles peuvent emprunter gracieusement (prêt avec convention). Elles partent jusque fin décembre et sont déjà réservées en février et mars. J’ai été contactée par une animatrice d’une autre MSA ainsi que l’instance régionale d’éducation et de promotion santé (Ireps) qui aimeraient le tester début janvier. »
Si le harcèlement et ses répercussions n’ont rien d’un jeu, leur prévention en vaut la chandelle. L’outil développé par la MSA de Maine-et-Loire et la société Nitescence semble être un support idéal pour entamer le dialogue et permettre aux jeunes d’exprimer leurs émotions et identifier leurs questionnements face aux situations de harcèlement scolaire et sportif.