Le Lion-d’Angers, 9 heures. La pellicule grise qui voile le ciel bleu ne va pas tarder à s’étioler. Mais pour l’heure, c’est une triste et froide matinée de novembre qui plane sur la place de la mairie. Devant l’édifice, une petite cabane en bois sur pilotis et aux fenêtres encadrées de rose, floquée « Maison de l’alimentation itinérante », vient quelque peu égailler cette carte postale monotone.

La Maison de l’alimentation accueille Solaal

Une demi-heure plus tard, la porte d’entrée s’ouvre. Une jeune femme la franchit les bras chargés de deux présentoirs. Elle descend la volée de marches et les dispose au- devant de cette tiny house (micro-maison). Sur l’ardoise, une écriture ronde et colorée annonce le menu du jour : « Ce matin, atelier cuisine avec Solaal – Rejoignez-nous au chaud ! ». La silhouette féminine, qui ne s’est pas attardée au-dehors, s’active désormais à l’intérieur. Depuis la fenêtre, on assiste à un ballet d’ustensiles de cuisine et d’ingrédients.

En pleine installation dans son chalet, Charlotte Frigout, la directrice adjointe de l’association Aux goûts du jour (voir encadré), est rapidement rejointe par Clémentine, membre de l’association Solaal (voir encadré). De son cabas, elle sort un gros chou-fleur. Il est issu de la production d’une cultivatrice locale, Émeline, qu’elle connaît très bien. Comme il est un peu « mal foutu », l’agricultrice ne peut pas le vendre sur ses circuits traditionnels. Un mal pour un bien puisqu’il finira comme ingrédient principal d’un plat élaboré dans cette petite maison-cuisine mobile.

L’alimentation a sa maison itinérante

Cette structure, d’une dizaine de mètres carrés, a été pensée par les membres de l’association Aux goûts du jour, et conçue par un charpentier en Bretagne. C’est à la fois une cuisine, aussi fonctionnelle que chaleureuse, et un espace d’échanges, aussi confortable qu’accueillant. Elle sillonne la région depuis octobre 2021 avec pour objectif de « contribuer à l’évolution effective des comportements alimentaires des enfants et des adultes, ainsi que des circuits de décision et de production locaux en faveur de la mise en place d’une alimentation saine et durable pour tous ».

Quimper, Brest, Lannion, Cap‑Sizun, Pornic… En quatre ans, la tiny house a fait 17 escales d’environ un mois. Lors de celles-ci, elle propose, en lien avec les acteurs de chaque territoire, un programme varié d’actions en faveur du bien-manger à destination des habitants, des entreprises et des collectivités locales.

17e étape

Entre le 24 octobre et le 21 novembre, elle est à Segré-en-Anjou Bleu et au Lion-d’Angers, sa dernière étape en date. 64 actions y ont été menées. De nombreuses animations ont été proposées à travers tout le territoire : visites de ferme, ciné-débat, escape-game… et la structure a accueilli des ateliers cuisine et des rencontres avec des professionnels.

Charlotte Frigout, directrice adjointe de l’association Aux goûts du jour, anime de nombreux ateliers.

D’ailleurs, voici Guy, un habitant de Lion-d’Angers. À 10 heures tapantes, tout sourire et les joues rosies par le froid, il pousse la porte du mobil-home. Il ne manquait plus que lui pour que l’atelier cuisine ne démarre. Clémentine et Guy seront aux fourneaux, Charlotte en chef d’orchestre. Ne reste plus qu’à déterminer à quelle sauce va être dégusté le légume. Le choix se porte sur la recette de chou-fleur pané. « Cela tombe très bien, se réjouit Charlotte, car il nous reste de la chapelure d’hier réalisée au moyen d’un vélo smoothie lors d’un atelier anti-gaspi ! »

Papote et popote

Pas de round d’observation, la conversation s’engage immédiatement sur la pertinence de la réalisation de la chapelure au mixeur. Tandis qu’ils revêtent leur tablier, elle se poursuit sur la poire de terre (appelée aussi yacon), un tubercule assez méconnu au goût sucré. Sa culture, sa cuisson, son goût, chacun y va de son avis, son hypothèse ou son conseil. À les entendre discuter ainsi, on pourrait croire que ces trois-là se connaissent depuis des années. Ils n’en perdent pas pour autant l’un des buts de la matinée, la réalisation de leur plat.

Elle est menée de main de maître dans une ambiance digne des séquences de l’émission diffusée sur France 2 « Un dimanche à la campagne » de Frédéric Lopez où les invités cuisinent en partageant leurs expériences de vie. Tout en s’affairant, nos trois mousquetaires font de même. « Ma femme n’aimait pas trop être aux fourneaux avant, relate Guy. Depuis que nous mangeons davantage de légumes, elle s’est prise de passion pour la cuisine. » L’occasion pour Charlotte d’aborder la question du jour : comment cuisiner les légumes frais ?

L’alimentation en question

« Les légumes à la vapeur, ce n’est pas forcément attractif, explique-t-elle. Mais il y a tellement de façons de les accommoder, tellement de recettes à tester ! Bien souvent, quelques épices suffisent à révéler leurs saveurs. » De son aveu, Guy est nul en épices mais il aime quand un plat en contient. « Il faut sentir, tester et ne pas hésiter à en mettre suffisamment », conseille Charlotte. Pour « pimper » leur chou-fleur, les deux cuistots optent pour le mélange colombo (coriandre, curcuma, laurier, carvi et fenouil).

« Le chou Pakchoï est génial. Tu le coupes, tu le cuis et, en trois minutes, c’est prêt ! » Pendant que la recette est suivie à la lettre, la discussion va bon train. Rapport à la viande, aux légumes, différence entre véganisme et végétalisme, productions locales, la nourriture et les enfants, le mode d’alimentation et la pression sociale… En deux heures, le trio vient de réaliser ses choux-fleurs panés et d’échanger sur de nombreux sujets. Clémentine a notamment présenté l’association Solaal à Guy, venu à la base pour en apprendre plus à ce sujet.

Cuisine et transmission

L’après-midi, Charlotte accueille six jeunes adultes de la mission locale. La thématique de l’atelier est évidemment adaptée au public : sain et pas cher. Comme ce matin, la diététicienne de formation met rapidement son auditoire à l’aise. Là encore, la conversation s’engage tandis que l’on sort les poêles, les ingrédients… Il ne faut pas traîner car le programme est chargé : rillettes de lentilles vertes, rösti de légumes et banana bread au son d’avoine.

Maison de l'alimentation itinérante, Lion d'Angers
Manger sain et pas cher, une promesse alléchante pour ces jeunes adultes.

Demain, un dernier atelier et le verdict du jury du concours de tartes aux pommes vont clore ce mois consacré au bien-manger. La Maison de l’alimentation itinérante rouvrira ses portes à Pont-l’Abbé du 9 au 25 avril 2026. Une nouvelle occasion d’être au plus près des habitants pour les accompagner vers une alimentation saine et durable.

Aux goûts du jour

Pionnière depuis 2006 sur la mise en lumière des enjeux et problématiques liés à l’alimentation, l’association Aux Goûts du jour contribue à la promotion d’une alimentation saine et durable pour toutes et tous à travers des actions de sensibilisation des enfants et des adultes, la formation professionnelle du personnel encadrant les temps de pause méridienne dans les établissements scolaires et centres de loisirs, l’accompagnement des collectivités, entreprises, établissements scolaires et médico-sociaux.

Solidarité des producteurs agricoles et des filières alimentaires (Solaal)

Solaal est une association reconnue d’intérêt général, qui facilite le lien entre les donateurs des filières agricoles et alimentaires et les associations d’aide alimentaire. Elle rassemble un grand nombre d’organisations issues des secteurs agricole, industriel, de la grande distribution, des interprofessions agricoles et alimentaires et des marchés de gros.