« Nous sommes en guerre »

C’est le président de la République qui l’a déclaré. L’ennemi est le virus du Covid-19. Il frappe n’importe où, n’importe quand, n’importe qui. Personne ne peut affirmer : « Ce n’est pas ma guerre ! »

Lors du premier confinement, accrochés à nos fenêtres, nous applaudissions, à 20 heures précises, le corps médical et son cortège d’infirmiers et d’infirmières. Ils étaient nos soldats. Ils se battaient sur le front. Ce fut ensuite au tour de la population de s’armer contre l’assaillant. Gel hydroalcoolique, masques, gestes barrières…

Si elles ont servi à contenir ses assauts répétés, ces armes n’ont malheureusement pas terrassé la bête. Qui, de surcroît, mute. Dans ce conflit mondial, tous les coups sont permis. Sans que l’ONU ne puisse sourciller, nous allons user de l’arme biologique. Dans les grands laboratoires pharmaceutiques, le vaccin est dans les tubes. Bientôt, très bientôt, nous promet-on, il sera dans nos veines. Le véritable combat commence ! Sur le territoire, des centres de vaccination apparaissent mais…

« Souvenez-vous, il y a encore quelques mois, des structures existaient mais elles recevaient peu, ou pas, de vaccins, rappelle le docteur Jean Houssinot, médecin-chef à la MSA Île-de-France. Il a fallu que tout se mette en place. Au-delà de la bonne volonté, il y a aussi les normes à respecter. Et puis il n’y a pas d’historique à ce genre de situation. »

Vaccinez les tous

Nous sommes en guerre, et le lundi 2 août, à Nangis, en Seine-et-Marne. Nolwenn Le Bouter, la maire, nous accueille au 9 de la rue des Écoles. Habituellement, les locaux sont occupés par le centre communal d’action sociale (CCAS). Pour l’heure, il s’est transformé en centre de vaccination de campagne. L’édile explique que la ville a mis à disposition le rez-de-chaussée de ses locaux du CCAS pour l’établir. Apparemment, l’ouverture d’un centre était attendue, du moins par sa maire et par l’intercommunalité de la Brie nangisienne.

« Nangis est la ville principale. Il y a sa population mais aussi celle des communes alentour. Sur le territoire, certaines personnes ont des problèmes de mobilité. Pour y répondre, nous avons candidaté, il y a déjà un moment, auprès des services de l’État. Nous n’avions pas eu de retour. Par conséquent, à l’ouverture de la vaccination, nous avons ciblé les plus de 65  ans et nous avons appelé toutes les personnes isolées. Nous organisions et assurions les prises de rendez-vous groupés et le déplacement jusqu’au centre le plus proche, Provins. Et puis, juste avant les élections régionales, la préfecture nous dit : Nous avons les doses, on peut faire quelque chose ! » Une décision qui, malgré sa soudaineté, contente Nolwenn Le Bouter.

« La demande initiale vient de l’ARS qui était en décalage par rapport à ses taux prévisionnels de vaccination, explique le docteur Houssinot. Elle a sollicité le directeur général de la MSA Île-de-France, Laurent Pilette, qui m’a fait suivre. Au premier entretien avec l’ARS, nous avons regardé la carte de répartition des centres de vaccination. Effectivement, il y avait une zone blanche. »

Un centre de vaccination de campagne

Au début de l’été, tandis que certaines villes voient éclore des restaurants ou des bars éphémères, la Brie nangissienne, elle, doit monter son centre de vaccination intercommunal.
« Ce n’était pas une solution clé en main, intervient la maire de Nangis. L’ARS nous a donné l’autorisation d’ouvrir un centre et nous a fourni les doses. Ensuite, ça été à l’intercommunalité et à la ville de tout mettre en place. » Deux périodes vaccinales sont prévues : du 22 au 24 juin et du 30 juillet au 3 août. En moins de quinze jours, il faut organiser la première session.

Tout d’abord, le lieu.
La salle des fêtes ? Elle sert de bureau de vote pour les régionales.
Le gymnase ? Il n’est pas climatisé, ce n’est pas envisageable à cause d’une potentielle canicule. Ce sera donc le rez-de-chaussée des locaux du CCAS, dont les membres ont volontairement migré temporairement au premier étage. Il offre un guichet, une entrée, une sortie et il est identifié par la population.

Photos : © Frédéric Fromentin/Le Bimsa

Pour le lieu, c’est bon. L’organisation maintenant.
Médecins, infirmiers et infirmières, personnel administratif… Ça en fait du monde à mobiliser tandis que l’été approche. Mais l’intercommunalité n’est pas seule, comme l’explique Louise Bourdel, médecin de santé publique à la MSA Île-de-France : « Nous avons été appelés par l’ARS Île-de-France pour donner un coup de main sur les vaccinations dans le 77. Nous sommes intervenus au cours du montage du projet et avons joué le rôle de catalyseur entre l’ARS, la communauté de communes et la Ville de Nangis. Notre rôle est aussi d’aider au niveau logistique et de mobiliser nos élus pour assurer l’accueil du centre, l’administratif. »

Un ou deux d’entre eux sont là, ce 2 août, aux côtés de bénévoles de la Croix rouge et du Secours populaire. Ils s’occupent de l’accueil ou délivrent le passe sanitaire. Pour assurer le bon fonctionnement du centre, entre le personnel médical et l’administratif, une dizaine de personnes sont nécessaires chaque jour.

« Quand nous avons vu que la seconde dose était délivrée entre juillet et août, nous avons eu peur de n’avoir personne, avoue l’édile de Nangis. Avec la communauté de communes, nous avons sollicité les médecins, les pharmaciens, les infirmières locales, parfois en retraite, les associations de solidarité du cru, et tout le monde a répondu présent. Jusqu’à notre magasin Gitem qui nous a fourni le réfrigérateur pour conserver les doses ! C’est un vrai travail d’équipe entre les associations, la MSA, le CCAS, l’intercommunalité et la Ville. Car tout se cache dans les détails et ils sont réglés les uns après les autres en s’appuyant sur les ressources de chacun. » Matthieu Hennetier, directeur général des services de la Ville, n’en manque pas. Il est en charge d’aller chercher les doses à Melun et, pour les maintenir entre 2 et 8°C, est équipé d’une glacière sur batterie prêtée par une association.

Action, réaction

Plusieurs visioconférences entre l’ARS, la MSA, la communauté de communes de la Brie nangissienne et la ville de Nangis, un brancard et un défibrillateur plus loin, on est bon sur l’organisation.

Comme il ne peut y avoir de fête sans invités, il est temps de battre le rappel. « Il fallait faire vite parce qu’il n’y a eu qu’une semaine entre la validation et l’ouverture du centre, rappellent Nolwenn Le Bouter et Matthieu Hennetier. Nous avons mis l’accent sur la communication pour être sûr d’atteindre le maximum de personnes. Ça s’est fait via les réseaux sociaux de la Ville et de la communauté de communes, par voie d’affichage et des élus municipaux sont allés mettre des affiches chez les commerçants. Nous ne pouvions pas assurer la plateforme téléphonique, c’est donc la MSA qui a pris le relai avant de le repasser au centre social Nangis Lude. »

Ce que confirme le docteur Jean Houssinot : « Pour aider les personnes un peu perdues à prendre rendez-vous sur Doctolib, nous avons créé un numéro unique renvoyant à la plateforme tracing de la MSA Île-de-France où les appels étaient pris en charge. »

Un centre pas si éphémère

« Nous sommes en guerre ».
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces deux sessions sont une sacrée bataille de remportée.

« On s’aperçoit quand même qu’avoir un centre à Nangis répond à un besoin, explique Sébastien Dromigny, vice-président de la communauté de communes et maire de Saint-Just-en-Brie. Il y a un vrai succès, nous n’avons perdu aucune dose. Passer le seuil des 25 km est une utopie. Les gens ne prennent pas rendez-vous au-delà de cette distance même si c’est pour se faire vacciner. Ce sont des actions qui doivent être menées territorialement si l’on veut que ça marche. Pour celle-ci, ce sont les liens humains tissés dans le cadre de l’élaboration du contrat local de santé de la communauté de communes de la Brie nangissienne, dont la MSA est partenaire, qui ont permis de fluidifier sa mise en place. »


960 doses de vaccin ont été injectées sur l’ensemble des deux sessions. Entre le 22 et le 24 juin, pour leur première dose, ils étaient 453. Lors de la deuxième session, des premières et des secondes doses ont été administrées. « L’enjeu était d’aller chercher les plus éloignés de la vaccination, une population souvent rurale, des personnes retraitées, isolées, ajoute Nolwenn Le Bouter. Et un relai de communication comme la MSA est très important. »

Bonne nouvelle, le centre de vaccination de Nangis rouvre ses portes du 8 au 11 septembre. « On part déjà sur l’organisation de la troisième session, confie Matthieu Hennetier. Elle a été validée vendredi et puis… une quatrième peut-être. L’ARS nous demande de nous concentrer sur les collégiens et les lycéens en septembre.«