« Bienvenue à tous ! Avant de commencer, l’un de vous a-t-il une expérience à partager à la suite de notre session d’hier ? » Jésus, futur animateur du Peps Eurêka, démarre sa mise en situation. Il accueille, l’accent chantant, ses participants comme s’il y était. C’est le but de cette formation : après avoir plongé dans le fonctionnement du cerveau et ses besoins pour une bonne santé cognitive, et revu en détail les thèmes développés lors des dix ateliers du programme, le petit groupe de sept bénévoles s’entraîne à les animer.

L’animateur n’est pas un professeur, ni un puits de science. L’important est d’être à l’écoute, de transmettre, favoriser l’expression des participants, s’appuyer sur leurs expériences et surtout de prendre du plaisir !

Pascale De Rouck, formatrice de l’association de santé, d’éducation et de prévention sur les territoires (Asept) Gironde, les écoute attentivement. Coordinatrice départementale du programme de prévention gérontologique, elle les guide tout au long de la semaine. Stratégies de mémorisation, mémoire topographique, celle des noms propres, des chiffres… Un vaste programme permettant de comprendre pourquoi on retient plus ou moins certaines informations, de prendre conscience de ses difficultés et de ses capacités à y remédier.

« La mission principale des animateurs est de contribuer à sensibiliser les personnes de 55 ans et plus aux divers messages de prévention et à leur faire adopter — si nécessaire — ou conforter, les bons comportements, précise la formatrice. Pour devenir animateur, il faut être motivé, disponible et apte à s’exprimer devant une dizaine de personnes. Des expériences comme bénévole, même ponctuelles, et la connaissance du public retraité sont des plus. » Repérés par le référent local des MSA, les bénévoles sont orientés vers les formations correspondantes après un entretien préalable. Ils sont accompagnés et suivis pendant toute la durée du cycle, et même après.

Échange et partage

La plupart suivent au moins un atelier avant leur formation. « Un jour, le service social de la MSA m’a appelé pour me proposer ce projet, explique Jésus Arais, retraité nîmois de 64 ans, qui a travaillé au service santé de la MSA. Dans ma vie associative florissante, je dispense notamment des cours de karaté aux enfants et je trouvais intéressant de changer de génération. De plus, je m’occupe, avec mes sept frères et soeurs, de notre père qui a 93 ans, ce qui m’a aussi motivé à me lancer. » Martine Guibbert, elle, a découvert cette formation par l’intermédiaire d’une assistante sociale. À 60 ans et bientôt à la retraite dans l’Aude, elle a voulu être utile, tout en sortant de son quotidien dans l’agriculture : « Ça se passe très bien, on apprend les uns des autres. Au départ, j’appréhendais mon passage, car je n’ai pas l’habitude de m’exprimer devant un groupe, mais finalement c’est gagnant-gagnant pour tout le monde. »

Photos © Marie Molinario/le Bimsa

« Animer une séance est un exercice peu confortable, mais extrêmement porteur pour un stagiaire , ajoute Pascale De Rouck. Nous décortiquons et enrichissons ensemble la totalité des dix ateliers. » Elle leur montre comment réagir avec les participants, les recadrer parfois, leur donne des astuces pour contourner les problèmes et mieux agrémenter les exercices, comme moduler sa voix, laisser un temps de réflexion, de discussion, ou utiliser le tableau. Tout le monde joue le jeu. « Ils se jugent parfois incapables d’animer aussi rapidement une séance. Pourtant, ils y arrivent tous et utilisent intuitivement leurs points forts, leur propre sensibilité. L’animateur n’est pas un professeur, ni un puits de science. Il peut se permettre de faire des remarques comme, par exemple, “moi-même je ne savais pas”. L’important est d’être à l’écoute, de transmettre, de favoriser l’expression des participants, de s’appuyer sur leurs expériences et surtout de prendre du plaisir ! »

Rester seul à la maison, ce n’est pas très bon. Si on peut aider ces personnes âgées à sortir de chez elles, ça sera déjà une réussite.

Pour Gérard Beaunes, 66 ans, ancien directeur de maison de retraite dans le Gard et professeur de karaté, la touche personnelle, c’est le kata, une suite de gestes rituels des arts martiaux japonais. Quelques petits mouvements pour bien commencer la journée… « C’est ma petite contribution ! C’est un bon réveil musculaire, surtout pour des personnes âgées qui peuvent plus facilement s’endormir. Et ça plaît ! De plus, ça demande un peu de mémorisation. » Les nombreux exercices de chaque atelier travaillent les différentes mémoires (visuelle, auditive, répétitive, kinesthésique…). Chaque animateur doit apprendre à les adapter en fonction des participants et du temps disponible. « Je suis impatient de commencer en janvier, affirme Jésus, enthousiaste. Pendant les séances, il y a de l’échange, du partage. Et pour une bonne mémorisation, notre cerveau a aussi besoin de contacts, de relations humaines. Rester seul à la maison, ce n’est pas très bon. Si on peut aider ces personnes âgées à sortir de chez elles, ça sera déjà une réussite ! »


Les alliés du bien vieillir

Jean-Pierre Carrère, médecin retraité et formateur Peps Eurêka.

Après 20 ans d’exercice en libéral dans l’Hérault, puis 18 ans comme médecin-conseil à la MSA du Languedoc et médecin du sport, Jean-Pierre Carrère anime de nombreuses formations et ateliers.

« Je suis convaincu depuis toujours de l’importance de la prévention et je trouve cette démarche passionnante ! Former des personnes, des seniors en général, d’horizons très divers, pour qu’ils aillent eux-mêmes apporter à d’autres des éléments pour faire travailler leur mémoire et, plus généralement, mieux vieillir, quoi de plus valorisant ? Avec les futurs animateurs, nous abordons l’anatomie de base du cerveau, ainsi que le vieillissement des organes des sens. Puis, on envisage les « alliés », ces éléments de notre vie quotidienne qui jouent un rôle bénéfique dans notre bien-être et dans la préservation de notre mémoire. L’alimentation, par exemple, est essentielle, car elle apporte les divers « carburants » indispensables (glucides, protides…).

Le sommeil l’est aussi, notamment la phase « paradoxale » pendant laquelle notre cerveau construit la mémoire, d’une importance fondamentale. J’insiste d’ailleurs sur l’effet néfaste des somnifères qui empêchent cette phase. D’autre part, il faut comprendre qu’il est normal de moins dormir quand on vieillit ! Une place de choix est faite à l’activité physique : elle améliore la circulation sanguine et les capacités respiratoires, joue un rôle dans l’équilibre des glucides ou du cholestérol, procure un sentiment de bien-être et facilite le sommeil.

La mémoire est une préoccupation importante. Dès qu’une personne avançant en âge constate un problème, elle pense invariablement à la maladie d’Alzheimer. Chacun connaît dans son entourage quelqu’un qui en a été atteint. Or, les troubles sont normaux en vieillissant, ne serait-ce que parce qu’on l’utilise moins. Et la mémoire ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas ! L’importance de ces ateliers me semble donc indiscutable… D’autant plus que, combinés avec ceux du Bien vieillir, la prévention est globale. »