La journée du 6 octobre est dédiée aux proches aidants. Est-ce le signe d’une prise de conscience de cette problématique ?
La journée est issue de la mobilisation d’associations qui font valoir les difficultés des personnes qui accompagnent des proches en perte d’autonomie, pour des raisons de maladie, de handicap inné, récurrent ou temporaire, ou pour des questions d’avancée en âge, une bonne initiative dans notre société qui parle bien des contraintes. Avec l’allongement de la durée de la vie, les gens souhaitent rester à leur domicile, dans leur environnement habituel. Cela nécessite des aménagements et des accompagnements, plus ou moins bien organisés et bien pris en charge. Depuis une vingtaine d’années, il y a une prise de conscience de cet intérêt à accompagner au mieux le vieillissement de la population et à soutenir les accompagnements bienveillants et professionnels qui permettent l’accomplissement épanoui de cette avancée en âge. Dans les années 1970, il y a eu une prise de conscience forte du côté des parents d’enfants handicapés. Elle a conduit au développement de réponses institutionnelles. Avec la sortie de l’isolement grâce à ce type de prise en charge, les personnes handicapées ont connu un parcours de réussite et d’épanouissement plus important. Certaines ont alors estimé qu’elles pouvaient avoir une identité, une autonomie, soutenue ou non par leur famille ou leur institution. Peu à peu, on a vu le process législatif reconnaître le droit des personnes après avoir reconnu le droit des familles. Les lois de 2000 introduisent la considération des besoins des personnes handicapées pour leur permettre une véritable inclusion dans tous les secteurs de la vie sociale. L’affirmation de l’accompagnement nécessaire des individus en perte d’autonomie s’est affinée au fil du temps, du côté des personnes handicapées (enfants ou adultes) et du côté de l’accompagnement du vieillissement de la population. Le grand progrès aujourd’hui, c’est qu’on fasse de moins en moins de distinction entre les deux.
Le congé proche aidant, est-ce un pas vers la reconnaissance par l’entreprise de cette fonction ?
Il y a des entreprises et des employeurs attentifs à la situation d’aidance de leurs professionnels. Je l’avais noté dans mon rapport en 2018. Beaucoup repèrent que certains de leurs salariés peuvent avoir des pertes d’assiduité, de motivation dans leur emploi et choisissent de faciliter le dialogue social autour de cette question pour que ceux-ci puissent s’exprimer et faire valoir les besoins qu’ils ont dans l’organisation de leur travail afin de mieux assumer leur engagement auprès d’un proche sans altérer leur responsabilité professionnelle.
Est-ce une mesure suffisante ?
C’est un progrès mais offrir un accompagnement bienveillant, citoyen, social des personnes en situation de dépendance ne peut pas se solder avec trois mois de congé indemnisé. La considération de l’organisation du temps que cela nécessite, la mobilisation de services professionnels en complémentarité des accompagnements familiaux ou bénévoles doivent être prises en compte sur la durée. Et la question de la disponibilité, la formation, la rémunération des métiers de l’accompagnement doit être revue et sécurisée.
Rappelons que l’aidant n’est pas que salarié. Même s’il est encore en vie active, il a une dimension de sa vie personnelle qui ne dépend pas de son employeur et qui est impacté par la mission dans laquelle il s’engage. S’il n’y a pas une aide et une méthodologie extérieure associative ou même professionnelle, cela devient impossible pour lui et on arrive à des ruptures professionnelles qui, certes, libèrent du temps et viennent soulager la vie de l’aidant mais qui le coupent définitivement de son milieu professionnel. C’est l’engrenage.