Vendredi matin, 10 heures. Devant l’épicerie solidaire La Passerelle, dans le quartier de Lille Moulins, une trentaine de personnes trépigne d’impatience en attendant l’ouverture des portes. L’équipe dynamique est dans les starting-blocks. Au top départ, Ouarda Azaouagh, médiatrice sociale pour l’association, fait entrer les premières personnes inscrites sur sa liste dont elle coche les noms avec soin.

Tous les matins à partir de 9 heures, les bénéficiaires peuvent s’inscrire et passer ensuite dans leur ordre d’arrivée. L’association, ouverte en 2012, permet à un public en difficulté d’accéder à des produits à tarifs préférentiels, souvent entre 10 % et 30 % de leur valeur marchande. Dans les rayons étroits, la course peut commencer. L’ambiance rappelle celle des marchés. Les questions fusent, les gens se pressent et demandent au fur et à mesure de leurs emplettes les prix des produits. « 80 centimes la botte de carottes », crie Bruno, l’un des trois chauffeurs de l’épicerie, chargé de faire les tournées pour approvisionner le magasin. « 90 centimes la bouteille de soda », répond-il encore à une autre bénéficiaire.

Fruits et légumes, poissons et viande, produits frais et congelés, d’entretien ou de cosmétique, on trouve à La Passerelle tout ce dont on a besoin. Les denrées proviennent des marchés de gros, des supermarchés, ou encore des chantiers d’insertion d’Andès, le réseau auquel l’épicerie est affiliée (voir encadré). Dates limites courtes, légumes pas calibrés ou encore dons viennent chaque jour remplir les rayons de l’épicerie.

Des prix bas et des rencontres

« L’épicerie répond aux besoins de 1 200 familles », explique Sabine, médiatrice sociale au sein de l’association. Les personnes doivent adhérer, au prix de 3 euros l’année, et sont sélectionnées en fonction de leurs ressources. « On constitue un dossier en faisant le calcul de tous les frais, factures, crédits, loyer… Si le reste à vivre est de moins de 10 euros par jour, elles peuvent devenir bénéficiaires. » Pour les personnes en difficulté, les épiceries solidaires sont essentielles. Avec les 300 euros de pension de réversion de son mari décédé, Fatima a du mal à s’en sortir. « Je ne pourrais pas survivre si l’épicerie n’existait pas », assure-t-elle. « C’est la caverne d’Ali Baba », décrit Brahim, un retraité qui fréquente l’épicerie depuis deux ans. Avec une pension très modeste, il achète en priorité des légumes et des produits pour la maison.

« Les charges sont montées en flèche », déplore-t-il, vivant « comme un étudiant » et comptant chaque sou pour le mois. Les retraités et les étudiants font face à une précarité croissante et sont de plus en plus nombreux à venir à l’épicerie selon Ouarda Azaouagh.

La Passerelle n’est pas qu’un magasin. C’est aussi un lieu d’échanges et de rencontres. « Les gens viennent aussi pour discuter et créer du lien social. Certains font une balade dans le quartier le matin et passent par chez nous pour papoter », note la médiatrice sociale. Divers ateliers y sont proposés : intergénérationnels, culinaires, ainsi que des cours d’alphabétisation, de français et de mathématiques…

L’équipe composée de cinq salariés et les bénévoles qui les aident ne manquent pas d’idées pour faire vivre l’épicerie !

Andès lève le voile sur la précarité alimentaire des jeunes

La Passerelle fait partie du réseau Andès qui fédère et anime une communauté de plus de 630 épiceries sociales et solidaires en France. L’association a lancé un observatoire 2025 des épiceries solidaires, une enquête approfondie menée auprès de 285 structures adhérentes.

Les bénéficiaires illustrent une réalité sociale marquée par la précarité. Près de 50 % d’entre eux ont moins de 25 ans, et 37 % sont en emploi, en études ou en formation. Cependant, plus de 75 % des bénéficiaires salariés occupent des contrats précaires (CDD, intérim, contrats aidés), rendant difficile l’accès à une alimentation suffisante et saine. Les épiceries s’inscrivent également dans une dynamique durable : 7 sur 10 proposent des produits bio et 6 sur 10 s’approvisionnent auprès de producteurs locaux.

Plus d’infos sur : andes-france.com