Mardi 10 novembre. 20h15. Une séance des P’tits ateliers nutritifs est sur le point de démarrer. Après avoir allumé l’ordinateur et cliqué sur l’invitation de la MSA reçue par mail quelques jours auparavant, le parent débarque dans un salon virtuel à l’atmosphère feutrée où résonne une douce musique. Elle installe une ambiance de soirée entre amis. Un son en parfaite harmonie avec la maîtresse de cérémonie, Patricia Boulos, diététicienne nutritionniste pour la MSA, qui est ce soir-là aux manettes.
Concocté par la MSA, l’atelier est intitulé : « Ses premiers pas vers l’équilibre alimentaire ». Émilie est la première en ligne. Cette maman d’un enfant d’un an a pris un peu d’avance. Elle est suivie par Laurence, Anaïs, Rémy et Cindy. Ce jour-là, nous serons en petit comité. Afin de laisser à chacun de la place pour s’exprimer, les séances sont prévues pour ne pas dépasser une dizaine de participants. La dernière arrivée rencontre quelques petits soucis de connexion. Il faut dire qu’elle suit l’atelier sur son smartphone depuis sa voiture en mouvement, avec le papa au volant, ce qui démontre sa motivation. En tant que jeune maman d’un enfant de six mois, elle correspond en tout point au public visé. Les ateliers sont conçus pour apporter des connaissances sur les étapes de l’alimentation et du développement du nourrisson, à travers des astuces et des conseils pratiques. Le bébé joufflu, aussi mignon soit-il, n’est malheureusement pas livré avec le mode d’emploi !
« Êtes-vous prêt pour 60 minutes d’informations, de partage et de bonne humeur ? », interroge Patricia Boulos. Il est 20h30, l’heure de commencer. Tous les participants sont invités à suivre ce premier atelier. Il donne les bases pour suivre les autres qui portent sur les étiquetages et la diversification alimentaire. En 2018, au moment où les P’tits ateliers nutritifs ont été pensés, point de crise sanitaire à l’horizon, encore moins de confinement ni de restrictions de déplacement et de réunion dans nos vies. À la fin du mois d’octobre 2020, au moment où cette innovation est proposée pour la première fois aux jeunes parents, tout cela est devenu la nouvelle réalité des Français.
Rétrospectivement, les membres du département de la prévention et de l’éducation sanitaire et sociale de la caisse centrale de la MSA, à l’origine du projet, doivent se féliciter et souffler un grand ouf de soulagement d’avoir opté dès l’origine pour le mode virtuel et le distanciel. Une méthode choisie à l’époque d’abord pour éviter aux parents l’angoisse de la recherche d’un mode de garde pour leurs bambins.
« Les P’tits ateliers sont encore tout frais. Ils ont démarré il y a moins de 15 jours, explique Patricia Boulos. Ce n’est que mon troisième groupe mais je remarque déjà que les parents, heureux de se retrouver entre pairs, sont très enjoués. Les échanges se font non seulement entre animateur et adhérents mais aussi beaucoup entre eux. Grâce à la caméra, on entre un peu dans leur intimité, on aperçoit parfois un bébé à leurs côtés qui fait des choses rigolotes ou le grand frère qui surveille l’air de rien ou qui se mêle carrément à la conversation… ce qui est parfois source de vrais fous rires. »
Les horaires décalés – le soir de 20h15 à 21h30 et le samedi de 14h15 à 15h30 – permettent de privilégier un temps où le bébé est le plus souvent couché.
« On met tout de suite les parents à l’aise pour leur dire qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire et que même dans l’assiette, le parent parfait n’existe pas. On peut malgré tout leur donner des repères et un référentiel scientifique, et répondre à toutes leurs questions. Mais les ateliers sont aussi conçus pour faciliter l’échange entre parents. L’objectif est qu’ils partagent leurs doutes, leurs réussites mais aussi là où ils se sont plantés pour éclairer les personnes qui vivent les mêmes choses. Beaucoup ont des craintes. C’est souvent leur premier enfant. Ils sont moins entourés, les grands-parents sont loin, et submergés d’informations contradictoires recueillies sur Internet. Ils cherchent des réponses à des questions parfois très précises. Ça sert aussi à les rassurer, pas que virtuellement mais concrètement. »
Le fruit et le pangolin
Ce soir-là, beaucoup de questions porteront sur le lait infantile et le bio en général dans l’alimentation du nouveau-né. On surprendra des parents au regard étonné d’apprendre qu’entre 0 et 4 mois, les enfants doublent leur poids en prenant 1 gramme par heure, et utilisent 50 % des calories consommées pour grandir.
Au cours de la soirée, on cassera aussi des clichés sur le gras (le bon), vital pour le bébé, et du sucre sur le dos du saccharose ajouté et sur celui du sel, dont on peut facilement se passer. « J’ai des a priori sur ces sujets qui sont en train de tomber », assume Rémy, pâtissier professionnel et papa d’une petite fille de 18 mois.
« Bien manger est un apprentissage qui nécessite calme et confiance mutuelle, souligne Patricia Boulos. Vous êtes le meilleur modèle pour votre enfant, montrez-lui le bon exemple et surtout relaxez-vous, vous avez trois ans pour passer les étapes majeures et pouvoir lui faire manger de tout. La nature va vous aider : entre 0 et 2 ans, la majorité des enfants a envie de goûter à plein de choses. Ils sont ouverts à la nouveauté, ont envie de découvrir de nouvelles formes, de nouvelles textures, de nouveaux goûts. À partir de 2 ou 3 ans, ils commencent à s’opposer et à se recentrer sur une petite catégorie d’aliments. Si les enfants ont cette phase de rejet, il leur sera d’autant plus facile d’y revenir. Plus on prend de l’âge et plus l’apprentissage est difficile et plus il sera compliqué pour les parents d’apporter de la diversité alimentaire. On pense qu’il y a une mémoire des goûts qui pourrait commencer dès la grossesse. »
Samedi 14 novembre, 14h15
On retrouve Patricia Boulos en compagnie de Rémy et de Cindy. Ils se sont inscrits pour un deuxième atelier sur l’étiquetage alimentaire. L’idée est ici d’aider les parents à s’y retrouver au moment de faire leurs achats. « Si vous n’achetez pas les bons aliments lors de vos courses, vous ne pourrez pas préparer les bons repas pour votre enfant », prévient la diététicienne.
Cet après-midi, on apprend à déchiffrer les étiquettes, en portant une attention particulière à la dénomination du produit et en privilégiant les moins transformés. Par exemple, en préférant les yaourts aux spécialités laitières ou à la crème dessert, la purée de fruits à la compote qui contient, elle, du sucre ajouté, la viande hachée de bœuf au haché de bœuf tout court, qui n’en contient que 80 %, les frites maison ou congelées aux frites au four qui s’habillent de nombreux agents de texture pour leur permettre de dorer, le jus de fruit plutôt que le nectar. « Ce ne sont pas non plus des poisons ; en fait, il faudrait qu’ils restent très occasionnels », souligne Patricia Boulos.
Cindy et Rémy s’arrêtent devant l’angoissante liste d’ingrédients d’un biscuit pour bébé. Une suite interminable d’agents de texture et chimiques qui commence par 35 % de sucre. « Cela me fait réaliser que je n’ai jamais vérifié la composition des biscuits en forme de nounours que je donne à ma fille tous les jours pour son goûter », constate Rémy. « Quand vous achetez une purée de carottes, vérifiez bien que le premier ingrédient qui la compose est la carotte. Pour un biscuit, il est préférable que la farine arrive en premier », insiste l’intervenante MSA. Pendant cette heure, elle passe en revue tous les rayons, jusqu’à la poissonnerie, en conseillant de préférer les petits aux gros poissons. « Situés en début de chaîne alimentaire, ils contiennent moins de métaux lourds. »
Pendant la session, on parlera aussi Nutri-Score, Label rouge, sorties au restaurant avec bébé, AOP, AOC ou encore des applications mobile, type Yuca, qui permettent d’aider à évaluer l’impact d’un produit sur la santé. On ira même faire un tour au jardin. « Il ne faut pas donner à consommer à votre enfant un fruit directement cueilli sur l’arbre, car la nature n’est pas si bienveillante que ça », explique la nutritionniste. « C’est vrai, réplique Rémy dans un grand sourire, on n’est pas l’abri qu’un pangolin soit passé par là ! », provoquant l’hilarité du groupe. « Je pensais plutôt à un oiseau, répond Patricia Boulos. Il pourrait transmettre des bactéries que le système immunitaire de l’enfant n’est pas encore capable de gérer, mais va pour le pangolin. » Question d’époque !
Fanny, nutritionniste et maman
« J’ai tout de suite été emballée par ces P’tits ateliers, s’enthousiasme Fanny Baumler-Beckrich, nutritionniste. Je viens d’avoir une petite fille, je me retrouve dans le vif du sujet. Je suis très bien placée pour comprendre qu’en tant que parent, on n’a pas forcément la possibilité ni le temps de trouver des données fiables sur l’alimentation de son enfant. L’émergence d’internet a tout changé et a brouillé les messages sur ce sujet comme sur d’autres. Mais prenez quelques minutes pour taper par exemple : « diversification alimentaire » sur un moteur de recherche, vous serez étonnés par ce qu’on peut y découvrir. On tombe littéralement sur tout et n’importe quoi. Les parents perdus auront tendance à faire cette démarche car ils sont de plus en plus conscients de l’impact de l’alimentation sur la santé de leur enfant et sont à la recherche de réponses. »
Cette maman épanouie d’une petite Emma, âgée d’un an tout juste, est aussi diététicienne professionnelle. La jeune femme qui exerce en libérale en Lorraine est une habituée des conférences et des ateliers cuisine sur les thématiques de la petite enfance à destination des parents, habituellement en présentiel. La MSA l’a sollicitée pour faire partie des spécialistes de l’équilibre alimentaire chargés d’animer ces ateliers innovants qui fonctionnent entièrement en mode virtuel. Emballée par la formule, elle a tout de suite accepté.
« Faute d’un entourage familial très présent, tout le monde est un peu paumé. Il y a beaucoup d’interrogations et parfois des inquiétudes sur les aliments qu’ils mettent dans la bouche de leurs enfants. L’une des forces de ces ateliers est d’être organisés à des moments où les petits sont couchés, en début de soirée et le week-end. Pendant ces séances d’1h15, on essaie d’apporter des réponses concrètes adaptées à leurs interrogations. Grâce à la caméra, on peut capter des regards, l’idée est que les parents puissent interagir, échanger et au final s’entraider. Ils peuvent me poser à tout moment des questions auxquelles je réponds en direct. Les premières minutes sont très sérieuses, après ça devient beaucoup plus convivial. Les gens se lâchent et la bonne humeur est le plus souvent au rendez-vous. Cette configuration a l’avantage de permettre au papa et à la maman d’être présents. Quand je fais ce genre d’intervention en présentiel, le plus souvent, on n’arrive à faire venir que l’un des deux parents. C’est souvent le papa qui reste à la maison pour garder l’enfant.
Ces échanges donnent lieu à des moments précieux, comme ce papa qui s’est étonné que ses jumelles aient des personnalités qui s’expriment de façons diamétralement opposées à l’heure de passer à table. Chacune d’elle avec des goûts et des rythmes différents. Pourtant, rien d’étonnant à cela, les bébés sont des individus à part entière avec des personnalités uniques. De même, il faut déculpabiliser les parents confrontés à des enfants qui jouent avec la nourriture, crachent leur repas, ou à qui l’on dit, votre enfant est trop maigre, trop gros…
Les parents qui participent aux ateliers ont pour la plupart entre 20 et 40 ans. Ce n’est pas forcément leur premier enfant. Parfois, paradoxalement, c’est plus facile avec l’aîné. Dans les fratries, les enfants peuvent vouloir se différencier en essayant d’attirer l’attention par le refus de la nourriture. S’ils se rendent compte quand chougnant un peu, ils obtiennent plus d’attention… vous devinez la suite…
Dans les ateliers, on croise des gens impliqués qui nous posent des questions souvent très pointues. Avec eux, on combat les idées reçues. Les conseils sur l’alimentation de l’enfant et les recommandations que l’on développe ne sortent pas de notre chapeau mais de données scientifiques et la recherche sur ce sujet avance, tout comme les messages que l’on est amené à passer évoluent. Nous nous basons notamment sur les recommandations du 4e programme national nutrition santé 2019-2023. On parle maintenant beaucoup plus de la quantité de protéines, car sa surconsommation peut entraîner un surpoids. Il faut bien sûr en consommer mais en quantité raisonnable et ne pas, par exemple, donner de steak haché entier à un enfant de 3 ans. De même, s’il n’a plus faim, ne pas le gaver. L’essor de la diversification menée par l’enfant (DME) où il devient lui-même l’acteur de sa diversification alimentaire et à son rythme est une autre évolution intéressante. Beaucoup de choses s’acquièrent entre 0 et 2 ans. Les bonnes habitudes alimentaires en font partie. »
► Pour s’inscrire, rdv sur www.msa.fr/lfp/petits-ateliers-nutritifs
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Les enjeux de l’alimentation des tout-petits
• 17 % : c’est la proportion, en France, d’enfants en surpoids ou obèses.
• 25 % des enfants dont les parents ont un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat sont concernés contre 10 % de ceux dont les parents ont un diplôme équivalant au moins à la licence.
• Moins 20 % : c’est la baisse de la fréquence de surpoids et d’obésité chez les enfants et adolescents visée par le 4e programme national nutrition santé 2019-2023.
Source : 4e programme national nutrition santé 2019-2023, ministère des Solidarités et de la Santé.