Rentrée oblige, les élèves du BTSA option aménagements paysagers du lycée du paysage et de l’environnement Fénelon à Vaujours, en Seine-Saint-Denis, ont profité de leur semaine d’intégration au début du mois de septembre 2016 pour se former aux côtés de la MSA Île-de-France aux risques professionnels spécifiques à leur futur métier. Au programme : formations gestes et postures, et prévention des accidents du travail.
Nicolas, 19 ans, de Meaux, scie en main, débite en rondins comme un vrai pro un jeune frêne dans le parc classé du Moulin d’Andé, un petit coin de paradis pour artistes, niché aux environs de Saint-Pierre-du-Vouvray dans l’Eure, au cœur de la Normandie.
« Il fallait le descendre. Il était en train d’attaquer le muret qui délimite la propriété. » L’étudiant, qui a intégré à la rentrée de septembre le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) option aménagements paysagers du lycée du Paysage et de l’Environnement Fénelon à Vaujours, le sait très bien : même s’il a déjà des connaissances en sécurité, il se destine à exercer un métier plus dangereux que la moyenne. « J’ai eu des cours sur le sujet, mais je me suis déjà blessé avec un taille-haie et une autre fois avec une scie. Donc, je sais bien qu’un accident est très vite arrivé. Je sais aussi que j’ai encore des choses à apprendre », explique-t-il en empilant les bûches qu’il vient de découper.
Ça tombe bien car, comme seize autres de ses camarades de la promo 2016 du BTSA, il sera formé aux techniques de sécurité pendant sa semaine d’intégration au Moulin d’Andé. Samuel, 19 ans, de Tremblay-en-France, partage la même mésaventure avec un taille-haie. Décidément, le compagnon de labeur des paysagistes est un ami dont il faut se méfier. Mais il n’est pas le seul, la tronçonneuse est à l’origine de presque 13,4 % des arrêts de travail liés à une machine constatés à la MSA, contre seulement 5,1 % pour ledit taille-haie. Le tracteur arrive bon premier avec 14,1 % (Cumul 2008-2012, salariés et non-salariés agricoles).
Le risque zéro n’existe pas
« Votre principal outil de travail, c’est vous, lance Pierre Basile, conseiller en prévention à la MSA Île-de-France, en face de jeunes visiblement intéressés. Le but est de vous économiser, car le jour où vous êtes cassés, où votre corps dit stop, c’est terminé. Vous pouvez vous préparer à voir toute votre vie chamboulée. » Venu à l’invitation des responsables du BTSA pour faire une intervention sur la prévention des risques professionnels spécifiques à leur métier lors de ce séminaire d’intégration, il poursuit : « Certaines personnes sont finies à 35 ans. Après deux sciatiques à cause de hernies discales, plus question pour elles d’exercer ce métier. »
En tant que conseiller en prévention, il a trop souvent été témoin de maladies professionnelles et d’accidents du travail, ainsi que des drames personnels qui vont avec. C’est pourquoi il n’hésite pas à appuyer son exposé d’exemples concrets qui font froid dans le dos. Mis à part le cas extrême du décès, les conséquences peuvent aller jusqu’à l’inaptitude. Un drame pour des gens passionnés qui doivent dire adieu pour toujours à leur métier et se reconvertir, avec tous les aléas, les doutes et les remises en causes personnelles que cela génère.
C’est pour ne pas en arriver là que la semaine d’intégration, en plus des cours dispensés pendant l’année, fait une large place aux problématiques de sécurité. Bêche à la main, Alain Charron, professeur d’EPS et formateur gestes et postures au sein de l’établissement, s’étonne et taquine : « Tout à l’heure, j’ai trouvé Lucas en train de travailler les deux genoux au sol, une position déconseillée. Il était pourtant parti plein d’entrain ce matin, mais il a adopté une mauvaise posture pour désherber. Résultat : des douleurs au dos ». À 19 ans à peine, ça fait désordre. Accompagnant le geste à la parole, bêche enfoncée dans le sol, celui qui est surnommé « Monsieur Sécurité » montre la bonne posture à adopter pour s’économiser. « Vous vous mettez bien en appui sur la cuisse avec la main pour préserver votre dos. Rappelez-vous, en gestes et postures, le but est de diminuer la pénibilité du mouvement. Bien sûr, le risque zéro n’existe pas et l’attitude parfaite non plus, tient-il à préciser tout de suite. Quatre principes à retenir : talons au sol quand on est en levé/porté, dos droit, bras tendus et la charge la plus proche du corps. » Pas toujours facile à comprendre quand on a à peine vingt ans et que l’on se pense indestructible.
« Chacun, à son propre niveau, doit être acteur de sa propre sécurité », prévient Fabio Piccioli, paysagiste diplômé de l’école nationale supérieure du paysage de Versailles, jardinier, enseignant et délégué de l’échelon local Seine-Saint-Denis de la MSA Île-de-France. Le chef d’orchestre de cette petite troupe de futurs as du sécateur est intarissable dès qu’il évoque son métier : « Le principe est de revenir à l’idée d’origine, en respectant l’harmonie entre le minéral et le végétal, la plante, le lieu et son histoire. Accompagner le végétal et le jardin plutôt que d’aller contre. Et surtout, se faire discret. Il ne faut pas que l’on voit que l’on est passé. »
Une vraie école de l’humilité que le métier de jardinier paysagiste ! « On évitera surtout les tailles drastiques. On n’est pas des bourrins. » Cela vaut aussi bien pour le respect du jardin et des plantes que de son propre corps.