Lui, c’est Alain Poulard. Sa passion, c’est la vigne. Elle, Paule-Thérèse, sa femme, ce sont les châteaux. Les deux font souvent bon ménage. Ce qu’il aime, c’est passer du temps dans cette petite parcelle de terre du côté de Couëron, à quelques encablures à l’ouest de Saint-Herblain, où se situe leur domicile. Ce bout de terrain de 12 ares est planté de 600 pieds d’un cépage médiéval, clone de pinot noir, le berligou, vin des ducs de Bretagne1.

Alain, il a ça dans le sang ! Après une carrière professionnelle principalement passée à officier pour le compte de l’institut français de la vigne et du vin, il prend sa retraite en 2014. Mais reste fidèle au jus de la treille.

Aujourd’hui, son garage est devenu temporairement une cave de vinification – redonnant son sens littéral au « vin de garage2 », badine-t-il – et sa véranda regorge de fioles et de dames-jeannes en tous genres.

46 ans de vie commune

La passion de Paule-Thérèse, ce sont les châteaux, donc. Un album photo y est d’ailleurs consacré, posé sur la table basse du salon. « J’ai toujours travaillé dans les châteaux, c’est peut‑être une explication », hasarde Alain. Ancienne professeure des écoles, Paule-Thérèse aime aussi les promenades en pleine nature, les enfants, les magasins de jouets et les jardineries, les salons de thé, ou encore la musique et la danse.

Depuis quelques années, Paule-Thérèse est atteinte de la maladie d’Alzheimer, pathologie neurodégénérative qui affecte les fonctions cognitives, comme la mémoire ou le langage. Ce qui fait d’Alain un proche aidant. Un rôle encore accentué depuis trois ans, c’est-à-dire depuis que la perte d’autonomie de sa femme ne lui permet plus de rester seule.

Assis côte à côte dans le canapé du salon, comme ces oiseaux colorés dits inséparables, ils sont main dans la main : 46 ans de vie commune, et une gaieté partagée, toujours intacte ! « J’essaierai de la garder le plus longtemps possible auprès de moi », avise Alain.

Se ménager pour durer

Il a pris ses dispositions : les inscriptions sont effectuées dans les maisons de retraite médicalisées. Cette éventualité est encore écartée. Car Alain sait se ménager en prenant du répit. « J’ai besoin d’un peu de temps libre pour travailler dans les vignes », indique-t-il.

C’est pourquoi, depuis un an, une nouvelle personne est entrée dans la famille  : Armelle, une ex-aide-soignante qui accompagne le couple pour l’association nantaise Votre second souffle. Son rôle : prendre le relai de l’aidant à domicile en proposant, notamment, des activités valorisantes à la personne aidée3. Alain et Paule-Thérèse ont été orientés vers la structure par l’assistante sociale du centre local d’information et de coordination gérontologique (Clic) de Saint-Herblain.

60 relayeurs professionnels

Armelle intervient une à deux demi-journées par semaine, selon la saison, au domicile des Poulard. C’est modulable en fonction des contraintes et des besoins des uns et des autres. « Avant, j’étais dans le soin ; maintenant, je suis dans l’accompagnement et la détente, souligne-t-elle. J’organise mon emploi du temps comme je l’entends, je mets à profit mon sens du relationnel… Bref, je m’éclate ! »

Joie de vivre

Elle partage avec ses hôtes du mercredi matin l’humeur maison : la joie de vivre. On voit tout de suite qu’entre ces trois-là, « ça matche », pour reprendre une expression d’Anne Delahousse, responsable et coordinatrice de Votre second souffle. Autrement dit : la relation de confiance bat son plein.

Il faut désormais imaginer Alain heureux au beau milieu des sarments de berligou. Mais aussi Armelle et Paule-Thérèse, qui s’en payent une bonne tranche, en dégustant un café allongé et une pâtisserie au salon de thé après une balade revigorante dans la nature ou les châteaux.

Sans cet accompagnement, Alain ne pourrait pas bénéficier d’autant de répit. Il délaisserait sans doute un peu plus ses vignes. Et son moral en prendrait un coup. Ce qui pourrait mettre en péril l’équilibre du couple, sa santé et le maintien de Paule-Thérèse à domicile.

(1) : Alain Poulard est co-auteur du livre Berligou, le vin des ducs de Bretagne.
(2) : un vin de garage qualifie un vin produit en petite quantité sur des petites surfaces.
(3) : le tarif horaire d’une intervention varie de 22 à 24 € TTC par heure, coût dont il faut déduire les aides financières auxquelles peuvent prétendre les proches aidants. Ainsi, Alain Poulard, ressortissant agricole, reçoit une aide de 11 € par heure de la part de la MSA Loire-Atlantique – Vendée et d’Agrica.

Anne Delahousse, responsable de Votre second souffle

J’ai travaillé une vingtaine d’années dans le secteur médico-social, plus particulièrement dans le milieu du handicap. Plus jeune, j’ai moi-même été proche aidante auprès de mon papa. De nouveau aujourd’hui auprès de ma maman.

J’ai établi le constat que le territoire nantais manquait de structures dédiées au répit à domicile, qu’il n’existait que peu d’intermédiaires entre le domicile et l’Ehpad, hormis les accueils temporaires et les accueils de jour. Cependant, lorsque ces dispositifs prennent fin, l’aidant s’est souvent habitué à une situation de répit et les troubles de la personne aidée ont parfois évolué. C’est un peu la double peine pour l’aidant.

En 2018, j’ai décidé de créer une association pour compléter les dispositifs existants. J’ai été accompagnée par un incubateur spécialisé en économie sociale et solidaire, Les Ecossolies. En 2020, nous avons répondu à l’appel à projets Bulle d’air de la MSA. Votre second souffle est une association indépendante en Loire-Atlantique qui fait désormais partie des services Bulle d’air [adhérents du réseau Laser emploi].

Aujourd’hui, nous comptons 60 relayeurs professionnels, 54 femmes et six hommes. Ce sont principalement des retraités et des professionnels issus des métiers sanitaires, sociaux et médicosociaux en inaptitude, en invalidité, en recherche de sens ou d’un complément d’activité. Cependant, nous recrutons davantage sur des savoir-être que sur des compétences techniques : la mise en confiance des proches aidants et des aidés, la prise d’initiatives dans la valorisation de la personne aidée et l’adaptabilité.

Nous accompagnons ainsi 90 familles par mois, souvent sur des créneaux de trois à 48 heures en continu, sur une fréquence en majorité hebdomadaire. Parfois également sur plusieurs jours d’affilée, et en fonction des besoins, 7 jours/7 et 24 heures/24. Nous n’intervenons pas en substitution des services essentiels d’aide et de soins à domicile (toilettage, ménage, etc.) ; nous les complétons. À mes côtés, je peux compter sur le soutien d’Alexandra Baehrel, coordinatrice, de Sophie Lagadec, responsable administrative paie, de tous nos intervenants à domicile et de notre conseil d’administration, sept personnes qui boostent cette belle aventure !”

www.votresecondsouffle.fr

Laser emploi accompagne les structures Bulle d’air

Laser emploi propose un accompagnement individuel personnalisable en présentiel et à distance, rythmé par des moments d’échanges collectifs et de formations, avec un appui à la création structuré sur trois ans puis l’intégration dans une logique de réseau.

Au menu, entre autres : un séminaire par an ; des échanges de pratique deux fois par mois ; quatre formations obligatoires pour les structures retenues lors de l’appel à projets Objectif bulles 4 en septembre 2023, afin d’acquérir toutes les bases sur le lancement et la création d’un service Bulle d’air ; des formations facultatives (par exemple : construire une offre auprès des entreprises).

Plus d’infos sur laser-emploi.fr.