Hélène Rossinot, la médecin qui donne une voix aux aidants

On vous décrit comme « la médecin des aidants ». Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la question des aidants ? 

C’est lors d’un stage en hospitalisation à domicile que j’ai fait la rencontre des aidants, ces personnes qui sont présentes pour leurs proches âgés, malades ou handicapés. J’ai très vite compris leur importance cruciale dans notre système de santé. Depuis, je me bats pour qu’ils soient reconnus et visibles.

En tant que médecin de santé publique, spécialiste de la santé des populations, ma mission consiste à sensibiliser le gouvernement, les entreprises, les agences de santé et le grand public. Ces aidants accomplissent un travail colossal, mais quand ils s’épuisent, c’est tout l’édifice du maintien à domicile qui vacille. Nous devons les soutenir sur le plan psychologique, professionnel et même anticiper l’impact sur leur retraite.

Revivre malgré la douleur – Ce que j’aurais aimé savoir quand j’ai appris ma maladie, Dr Hélène Rossinot, éditions Robert Laffont, octobre 2025.

Votre dernier livre, Revivre malgré la douleur, est-il différent de vos précédents ouvrages ?

Oui, complètement. Mes livres précédents étaient davantage pratiques ou destinés aux professionnels : comment accompagner un parent âgé, concilier aidance et travail ou encore apporter des outils aux professionnels de santé. Celui-ci est plus intime. J’y évoque mon rapport à la maladie chronique. Je vis avec une spondylarthrite ankylosante, une maladie inflammatoire chronique et douloureuse. Mon frère est autiste Asperger et j’aide ma mère qui le soutient. Parfois, les situations s’inversent et c’est lui qui endosse le rôle d’aidant quand j’ai une crise.

En écrivant, j’ai compris que mon investissement dans ce combat n’était pas dû au hasard. C’est parce que je suis à la fois médecin, patiente et aidante, sensible à la douleur. Ce vécu m’a permis de voir ceux qui sont invisibles. Quand on évoque les aidants, on pense souvent aux personnes âgées ou en situation de handicap, mais beaucoup moins à la maladie chronique. Pourtant, nous sommes nombreux à souffrir silencieusement.

Qu’est-ce que cette démarche d’écriture a changé pour vous et pour les autres ? 

Cela m’a rapprochée, je pense, des personnes que j’accompagne. Je crois que ça leur fait du bien de voir qu’un médecin peut comprendre ce qu’ils vivent et ressentent. Avant, je vivais contre la douleur : je tentais de la dissimuler, de passer outre. Je ne l’avais pas acceptée.

En m’ouvrant aux autres, et malgré ce que je pensais, personne ne m’a regardée différemment. Je n’ai jamais reçu autant de soutien, tant au niveau professionnel que personnel. Ça a changé mon quotidien. Je voulais montrer que les soins passent par l’accompagnement et le tissu relationnel qui nous entoure.

Comment faites-vous pour jongler entre vos missions, votre rôle d’aidante et votre maladie ? 

Je fais au mieux, ma mère qui vit à Nancy, s’occupe beaucoup de mon petit frère. Nous nous soutenons au quotidien, chacun à notre manière. 

Concernant ma maladie, j’ai appris à m’écouter. Avant, je forçais, je prenais sur moi et si j’avais mal, je prenais des médicaments. Mais cette approche n’est pas viable. Écrire ce livre m’a beaucoup fait réfléchir à la manière dont je traite mon corps. Désormais, à la moindre alerte, même une simple infection, j’annule ou reporte ce que je peux pour prendre soin de moi. J’apprivoise cette maladie du mieux que je peux.