Instants aidants : l’écoute qui fait la différence

« Comment vous, vous allez ? » Cette simple question a changé beaucoup de choses pour Camille¹, éleveuse d’une cinquantaine d’années, devenue aidante familiale depuis près d’un an. Après la mort de son père, sa mère a traversé une période de dépression puis a fait une chute, la rendant dépendante et nécessitant une présence quotidienne.

« J’étais complètement perdue »

Soutien moral, organisation du quotidien, aide à la toilette, ménage et conception des repas… Comme entre 8 et 11 millions de Français, dont la moitié exerce une activité professionnelle, cette éleveuse doit endosser le rôle de soignante tout en continuant à travailler.

« Il fallait que je gère à la fois ma vie et mon travail en étant présente tous les jours pour elle. Le soir je ne pouvais pas partir tant qu’elle n’était pas au lit. Je ne dormais plus », explique-t-elle, la voix chargée d’émotion.

Ses frères et sœurs ne réalisent pas l’ampleur de ce qu’elle vit, son médecin ne l’épaule pas. Camille se sent très seule et perd pied. « J’étais complètement perdue. Personne n’a senti ma détresse : il me fallait de l’aide. J’ai commencé à me dire que j’allais y laisser ma peau », raconte-t-elle.

Un impact sur la santé

C’est pour prévenir ces moments de rupture qu’intervient Instants aidants. Ce dispositif innovant sensibilise les aidants à l’impact que peut avoir leur engagement sur leur santé et les reconnecte au système de soins en les orientant vers des structures du territoire.

L’accompagnement, individuel et personnalisé, s’adapte au rythme de chaque aidant. Un professionnel de santé, l’infirmier référent, assure le suivi par téléphone, en dédiant un temps précieux à la santé de l’aidant lui-même. À l’issue de cet accompagnement, chaque aidant bénéficie d’une consultation de prévention chez le médecin de son choix, sans avance de frais, prise en charge intégralement par la MSA.

À l’occasion d’un bilan de prévention santé, Camille est orientée vers le dispositif et mise en relation avec une infirmière référente. Marina Marteau est l’une des professionnelles qui suivent ces proches en détresse, la semaine de 9 à 17 heures. « On accompagne les aidants en les écoutant et en les aiguillant vers des aides ou d’autres dispositifs de leur territoire. Le fait d’être dans l’écoute active, le non-jugement, leur donne un espace pour se décharger émotionnellement. »

Libérer la parole

Un échange bienvenu pour des personnes parfois isolées, qui ne savent pas vers qui se tourner parmi la multitude de dispositifs et ne connaissent pas forcément toutes les aides qu’elles pourraient activer. Grâce à ce soutien, Camille a pu libérer sa parole, déculpabiliser et accepter progressivement la perte d’autonomie de sa mère.

Elle a mis en place une nouvelle organisation qui lui permet de souffler. « Je culpabilisais beaucoup, se rappelle-t-elle. Dans le milieu agricole, les gens se taisent, ce n’est pas dans les mentalités de se confier… Avec l’infirmière qui m’accompagne, je me sens écoutée. Elle est la seule qui m’a demandé si moi j’allais bien. »

Sa mère est aujourd’hui prise en charge une journée par semaine en accueil de jour. « Elle est très heureuse là-bas, elle rencontre d’autres personnes et elle est stimulée. » Une aide-ménagère passe également tous les trois jours ainsi que des infirmières pour lui faire prendre ses médicaments. Ses frères et sœurs s’impliquent également davantage pour lui apporter un soutien. En proposant une oreille attentive, des conseils et un relais, Instants aidants offre un répit aux proches et permet de rompre l’isolement en milieu rural.

(1) Prénom d’emprunt.