Individuellement ou collectivement, la MSA s’est donné pour mission d’accompagner les publics fragilisés dans leur parcours professionnel au travers de différents dispositifs ou d’actions propres. Sur tout le territoire, chaque MSA a mis en place une cellule pluridisciplinaire de maintien en emploi (CPME) qui propose aux adhérents de bénéficier de l’intervention coordonnée des services d’action sanitaire et sociale, de santé-sécurité au travail et du contrôle médical afin de trouver une solution adaptée à chaque situation.
Pour aller plus loin, la MSA Île-de-France expérimente, avec Agrica, son dispositif « Retour à une vie active » (RVA), un accompagnement individuel prolongé et renforcé ouvert aux personnes en arrêt maladie ou accident du travail depuis plus de six mois, salariés ou non-salariés agricoles. Ils sont confiés à deux prestataires spécialisés, Réhalto et Areram. « Derrière les chiffres si élevés d’assurés sociaux en incapacité de travail, il y a des personnes, plaide le Dr Jean Houssinot, médecin coordonnateur régional et chef du service du contrôle médical à la MSA Île-de-France, de l’équipe pionnière de l’action RVA en 2015. En tant qu’organisme de protection sociale à taille humaine, et avec son guichet unique, la MSA dispose de nombreux atouts pour s’emparer de cette mission. »
Un suivi sur-mesure
Entre 2016 et 2017, 165 personnes ont été suivies dans le cadre de la CPME de la MSA Île-de-France. La plupart ont entre 40 et 60 ans, et 95 % sont salariés, à l’image des adhérents franciliens. Ils sont repérés soit via un courrier conjoint Agrica-MSA adressé à toute personne en arrêt prolongé, soit par signalements individuels des médecins-conseils, du travail ou des assistantes sociales. Une soixantaine d’entre eux ont bénéficié du dispositif RVA.
« Il faut bien comprendre qu’il est compliqué d’en faire une évaluation objective, explique le médecin : le sujet est multifactoriel et nous ne sommes pas à même d’établir scientifiquement et directement un lien entre notre action et le résultat. Entre les éléments personnels, la santé biologique, psychologique, les conditions de travail, la famille… beaucoup de facteurs peuvent influer sur le parcours. Il y a aussi la temporalité ; une rechute, un autre aléa de la vie peut intervenir a posteriori. Mais si cet accompagnement peut éviter des impasses ou des catastrophes, c’est déjà bien. »
Ça m’a permis de mettre en parallèle ma pathologie et le travail. Cette prise en compte est primordiale. Elle m’a vraiment aidée à déculpabiliser et à voir qu’un après est possible.
Pour Christine*, RVA est en tout cas « très pertinent, peu importe le handicap, la maladie. C’est du sur-mesure. » À 41 ans, cette commerciale, en CDI depuis 2002, était en arrêt maladie prolongé suite à un burnout et des problèmes cardiaques, lorsque le médecin-conseil de la MSA lui propose de faire un point sur sa situation professionnelle. En octobre 2019, elle est mise en relation avec un conseiller de l’association Areram, un psychologue spécialisé dans les bilans de compétences. En une dizaine de rendez-vous, ils établissent ensemble des pistes pour son avenir.
« Nous avons d’abord fait une analyse de mon parcours, de mes compétences, en parallèle des restrictions médicales. On a ensuite exploré mes centres d’intérêts et développé d’autres idées que je n’avais jamais envisagées. J’ai fait également un test de personnalité, avant de travailler à une ébauche de pistes qui me correspondent. Ça m’a permis de mettre en parallèle ma pathologie et le travail, ce que je peux faire ou ne pas faire, ce qu’il faudrait que je fasse ou ne fasse plus pour ne pas l’empirer. Cette prise en compte est primordiale. Elle m’a vraiment aidée à déculpabiliser. Ce que je ne peux pas faire, ce n’est pas parce que je suis fainéante ou que je n’ai pas l’envie, mais parce que ma maladie ne le permet pas. Qu’un professionnel me le dise, ça a plus de poids. »
Résultats pour Christine : être indépendante lui permettrait de gérer les phases de sa maladie, dans un domaine créatif, voire informatique, pour elle qui a toujours aimé l’art, le dessin, mais qui, poussée par ses parents, s’est retrouvée dans un domaine où on trouve plus facilement du travail. « Ça m’a aidée à voir qu’un après est possible. Reste le courage de sauter le pas, il faut être prêt psychologiquement. Mais se remettre en question et tout plaquer à 40 ans ce n’est pas évident… il y a cette peur de perte financière, surtout avec deux pré ados à la maison et en cette période incertaine ! Pour moi qui suis très anxieuse, c’est dur de passer l’étape supérieure. » « C’est un peu comme une prison dorée, confirme le Dr Houssinot. On se sent parfois trop lié à son entreprise, par les avantages et la sécurité qu’elle nous apporte. »
Chaque histoire est différente
Pour un tiers des personnes suivies via la CPME, la raison principale de l’arrêt de longue durée est un trouble psychologique ; un nombre en nette augmentation ces dernières années. Mais les premières causes restent des pathologies physiques, principalement des affections rhumatologiques ou traumatologiques de l’appareil locomoteur. Sur les 60 personnes suivies par le dispositif, 28 travaillent d’ailleurs en espaces verts, un secteur fortement touché en Île-de-France. « Chaque histoire est différente. Pour certains, une reconversion est possible. Un ouvrier paysagiste avec un problème de dos invalidant peut, par exemple, se réorienter vers le métier d’architecte-paysagiste, ou bien gardien dans une résidence. Mais pour d’autres, c’est plus complexe. Lorsqu’on perçoit des idées, des petites lumières qui s’allument, il faut faire en sorte qu’elles ne s’éteignent pas ; d’autres au contraire ont des projets irréalistes, et il ne faut pas les envoyer dans le mur. Cet accompagnement va leur permettre d’être guidés par des experts dans leur réflexion. Être financièrement protégé par une pension d’invalidité c’est essentiel… mais on peut leur souhaiter autre chose. »
Aujourd’hui, le dispositif et la cellule entrent dans une nouvelle phase de réflexion, de redéfinition du processus, du pilotage et de renégociation avec les prestataires pour un fonctionnement plus efficient et un meilleur retour d’expérience. « Nous pouvons être fiers mais ce n’est pas fini, nous devons encore y consacrer du temps pour l’améliorer. Ma crainte aujourd’hui, c’est la situation actuelle… si on sort de cette crise avec plus de besoins mais moins de moyens… Comment va-t-on y répondre ? Pourra-t-on toujours proposer ces services personnalisés qui ont une valeur humaine importante ? »
*Le prénom a été changé.
Une prévention globale pour le maintien en emploi
Dans le cadre de la convention nationale multipartite pour l’emploi des travailleurs handicapés et de la COG 2016-2020, la MSA a déployé des cellules pluridisciplinaires de maintien en emploi (CPME). Toutes les MSA en sont dotées depuis fin 2017.
En 2019, 2 174 personnes ont bénéficié d’un accompagnement via une CPME. Objectif : prévenir le risque de désinsertion professionnelle chez les actifs agricoles à risque suite à un problème de santé ou à un handicap, grâce à une détection précoce. Et maintenir ainsi leur insertion sociale et/ou professionnelle afin d’éviter le repli sur soi, la rupture des liens sociaux ou familiaux, la perte d’emploi ou de revenus, l’incapacité à se remobiliser dans une démarche de reconversion ou d’insertion.
Des actions collectives sont également mises en place en complément de l’accompagnement individuel, comme les Ateliers de l’inclusion, les programmes « L’avenir en soi » ou le « Parcours confiance », sans oublier les partenariats avec les structures d’insertion par l’activité économique, notamment via Laser emploi. Plusieurs thèmes y sont abordés comme la mobilité, la maîtrise du budget, les capacités organisationnelles, l’estime de soi… Parmi les personnes suivies en 2019, un tiers provient des filières de la polyculture et de l’élevage. L’accompagnement par la cellule a permis de proposer un maintien dans l’emploi pour 45 % d’entre elles, une reconversion pour 28 %, ainsi que du temps thérapeutique partiel ou un reclassement.
En 2021, la MSA souhaite renforcer la prévention pour anticiper les inaptitudes et les situations de handicap au travail et proposer une approche de parcours global.