« La première fois que nous nous sommes rencontrés pour préparer le séjour, j’ai su que j’allais être avec lui. Nous avons accroché tout de suite ! » Entre Vincent, élève de terminale à la maison familiale rurale (MFR) d’Azay-le-Rideau, et Robert Berthet, résident de la maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa) de Bridoré, âgé de 94 ans, le courant est passé rapidement.

Cinq jours en bord de mer

Comme ses camarades de la classe de terminale bac pro services aux personnes et aux territoires (Sapat), Vincent a l’habitude, dans le cadre de sa formation en alternance, d’effectuer des stages dans différentes structures. Et, avec certaines Marpa du département, des liens particuliers se sont créés au fil de la formation.

Quand l’Association de vacances de la Mutualité agricole (AVMA) et la caisse centrale de la MSA ont proposé aux Marpa et aux établissements d’enseignement agricole d’organiser un séjour intergénérationnel, la MFR d’Azay-le-Rideau et les Marpa d’Artannes, de Bridoré et de Truyes ont saisi l’opportunité.

Avec l’appui de la MSA Berry-Touraine et du village de Port-aux-Rocs au Croisic, en Loire-Atlantique, ils ont monté un séjour de cinq jours de vacances où jeunes et seniors vont à la rencontre les uns des autres, dans un esprit de “Part’âge”. Pendant cette escapade, les élèves accompagnent les personnes âgées pour toutes les activités proposées et veillent à leur bien-être, en les aidant dans les actes de la vie quotidienne et en facilitant leur déplacement sur les lieux de visite.

« On vit, mais péniblement. »

Pour la première matinée de vacances, le groupe est réuni autour d’activités manuelles empreintes de l’atmosphère marine du lieu : réalisation de cadres photo avec du bois flotté et des coquillages, création de porte-clés en forme de poisson, décoration de boîtes… Maeva, Maureen et Léa ont, elles, choisi d’animer un atelier de fabrication de bracelets – pour « développer la motricité fine et la créativité ».

Robert est attablé avec elles et se prête volontiers à l’activité, ravi de l’attention que lui portent les jeunes. « Toujours prêts à vous rendre service, ils sont très présents et cela me touche énormément. » Cet ancien entrepreneur de maçonnerie se trouve ici « bien entouré », en sécurité comme à la Marpa « située à cent mètres de mon ancien domicile, qui comprenait beaucoup de marches ». Il y habite depuis 2010. Robert ne se départit pas de sa bonne humeur ni de son humour, même s’il trouve qu’à 94 ans, « on vit, mais péniblement ».

Racontant des anecdotes aux jeunes, pas avare de propos retraçant certaines tranches de sa vie, il plaisante et se réjouit de cet intermède au cours duquel il se retrouve en pays de connaissance, car il a déjà séjourné à Port-aux-Rocs. Plus chanceux que d’autres seniors du groupe qui n’étaient, comme de nombreux résidents des territoires ruraux, jamais partis en vacances.

Des seniors loin de leur quotidien

« Nous partageons des vacances avec les personnes âgées, explique Laureen. Nous sommes là pour les aider et ça les rassure. » Elle qui aimerait devenir aide-soignante, souligne que cette opportunité lui « permet de prendre de l’expérience, d’être en contact ».

Habituées à effectuer des stages, Laureen, Maéva et Léa disent bien que la situation est différente selon les structures : « Il faut qu’on s’adapte aux publics. Nous sommes ici dans un contexte particulier. » Les personnes âgées se retrouvent loin de leur quotidien. Pour qu’elles se sentent à l’aise, « nous les avons rencontrées plusieurs fois, afin de leur présenter le projet de séjour. Elles avaient une appréhension à l’idée de partir. C’est en communiquant et en les rassurant qu’elles se sont déclarées partantes. Nous les avons vues en amont pour tisser un premier lien. Chacun a formé le binôme avec la personne avec laquelle il accrochait le plus ».

Ce séjour, la classe le prépare depuis le mois de septembre. Une immersion professionnelle qui permet aux élèves d’acquérir ou de consolider des compétences dans l’accompagnement du grand âge, de mettre directement en application l’enseignement qui leur est prodigué.

Pas question d’improviser : il fallait être prêts !

Épaulés par trois formatrices de la MFR – Virginie Bigeon, Madame Marchand et Isabelle Ouedraogo (également administratrice centrale de la MSA) – , les jeunes – dont « plusieurs se destinent aux métiers de l’aide à la personne âgée – ont élaboré un projet de classe dans la perspective de rendre la vie plus douce et le quotidien plus simple aux personnes qu’elles accompagnent, expliquent les formatrices. Celui-ci leur a permis de préparer le séjour, d’apprendre à travailler en équipe, de réfléchir aux animations à proposer, de bâtir et de conduire des animations, génératrices de liens et d’apprentissages. Pas question d’improviser. Il fallait être prêts ! »

Pour les rencontres envisagées en amont avec les résidents des Marpa, « les élèves ont tous fait un portrait d’eux-mêmes, exposé dans les structures ». Les personnes âgées ont pu en prendre connaissance, discuter avec les jeunes et s’apprivoiser avant le départ. La constitution de tandems jeune/personne âgée s’est faite naturellement, en fonction des affinités et des besoins – certains résidents requièrent une aide à la toilette, par exemple.

La présence des jeunes est un moteur

« Une aventure hyper-valorisante pour les jeunes, dont toutes les compétences sont utilisées. » En matière d’animation également. En effet, dans le cadre de la formation bac pro Sapat, la MFR d’Azay-le-Rideau a choisi d’intégrer la préparation au Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) – un atout supplémentaire pour préparer les jeunes au travail dans différentes structures (établissements pour personnes âgées, centres de loisirs…) – avec des connaissances qu’ils ont pu mettre à profit à l’occasion du séjour.

Du côté des personnes âgées, pari gagné aussi, du plus jeune (62 ans) au plus âgé (97 ans). Accompagnées par Martine Rodriguez, directrice de la Marpa de Bridoré, et de Fabienne Girault, directrice de celle d’Artannes, elles ont profité de quelques jours de découverte stimulants – la côte Atlantique, les marais salants de Guérande, le port du Croisic… –, des vacances rendues possibles grâce à la mobilisation d’un encadrement sécurisant, de financements et à l’enthousiasme de tous.

« Nous étions déjà partis à plusieurs reprises avec des résidents il y a plusieurs années. Mais chaque séjour demande un gros investissement personnel, soulignent ces accompagnatrices. Le concept Marpa est très généreux et son univers protecteur : les résidents peuvent se sentir inquiets quand ils sortent de la structure. Nous n’aurions pas réussi à faire partir certains d’entre eux sans l’accompagnement des jeunes. Ils sont très matures, professionnels et prennent en charge les petits soucis du quotidien sans problème. Leur profil correspond au concept Marpa et leur présence est un moteur. »

Photos © Gildas Bellet/le Bimsa.